Universalité et pluralité de l’image du lion
Introduction :
Dans l’histoire de la littérature française, le XVIIe siècle apparaît souvent comme celui du théâtre de Molière, Racine et Corneille. L’autre grand nom du siècle du Roi-Soleil est La Fontaine : son œuvre, essentiellement regroupée dans les Fables, partage le même objectif que le théâtre de Molière : bien divertir pour mieux instruire. Une fable est donc un amusement à visée morale et pédagogique.
Dans ce chapitre consacré à la poésie, nous allons nous intéresser à un animal omniprésent dans les textes de La Fontaine : le lion. Le XVIIe siècle est en effet particulièrement marqué par Louis XIII et Louis XIV, et le roi des animaux est bien souvent utilisé pour représenter les deux monarques.
Nous allons dans un premier temps nous intéresser à l’auteur et à son siècle, le XVIIe. Puis, nous verrons que la fable est un genre du divertissement. Enfin, au-delà de cette première lecture, nous verrons que l’image du lion voile finalement des revendications et des enseignements précis.
Le XVIIe siècle et La Fontaine
Le XVIIe siècle et La Fontaine
Si l’on se place d’un point de vue artistique et culturel, un siècle ne suit pas toujours le calendrier. Ainsi, le XVIIIe siècle, siècle des Lumières, démarre symboliquement en 1715 et finit en 1789. On estime généralement que le XVIIe siècle, qui nous intéresse ici, ne s’étend pas de 1600 à 1700, mais plutôt de 1598 à 1715.
Malgré la présence durable d’un seul roi durant plus de 70 ans, le XVIIe siècle n’en demeure pas moins une période instable et bouleversée, voire dans une certaine mesure une période de renouveau.
Un siècle mouvementé
Un siècle mouvementé
En 1598, le roi de France Henri IV signe l’édit de Nantes, pacte qui met fin aux guerres de Religion en France en tolérant la présence des Protestants auxquels sont accordés des droits (pratiquer librement leur religion et être français à part entière). C’est un évènement essentiel dans l’Histoire car pour la première fois en Europe, un roi n’impose pas à son peuple sa propre religion.
- Il s’agit ainsi d’un symbole très important de tolérance et d’ouverture.
En 1715, Louis XIV meurt, et s’achève avec lui le XVIIe siècle.
Entre ces deux dates, quatre périodes peuvent être distinguées :
- 1598 à 1630
- règnes : Henri IV (1589-1610) – Marie de Médicis, Louis XIII (1re partie : 1610-1630) ;
- situation : instabilité religieuse consécutive à l’édit de Nantes ;
- 1630 à 1661
- règnes : Louis XIII (2e partie : 1630-1643) – Louis XIV (1re partie : 1643-1661) ;
- situation : rétablissement de l’ordre grâce à Richelieu puis Mazarin ;
- 1661 à 1685
- règne : Louis XIV (2e partie : 1661-1685) ;
- situation : développement de la monarchie absolue, concentration des pouvoirs ;
- 1685 à 1715
- règne : Louis XIV (3e partie : 1685-1715) ;
- situation : durcissement et usure de la monarchie.
Ainsi, le XVIIe siècle, siècle de Louis XIV, roi incontournable pour tout écrivain pendant plusieurs dizaines d’années, apparaît comme celui de la raison, de la diversité des idées, de l’harmonie, et, a fortiori, celui du classicisme en littérature dont La Fontaine est un représentant.
Un siècle littéraire
Un siècle littéraire
Il ne faut pas tenter de dissocier à tout prix littérature et histoire. Ces deux domaines sont toujours entremêlés, s’influençant réciproquement. La littérature est une matière vivante, qui évolue, vit ses caprices, ses révolutions, ses états d’âmes.
Le XVIIe siècle littéraire est à l’image de ses évènements historiques : mouvementé. Entre instabilité et ordre, monarchie absolue et usure politique, la littérature du siècle de Louis XIV a vu l’épanouissement du baroque, de la préciosité, du burlesque et du classicisme.
- Des mouvements artistiques et littéraires d’où ressort l’affrontement entre l’ordre et la liberté.
Le baroque est une forme d’expression de la liberté. Il fait écho à l’instabilité et au « désordre » du début du siècle. C’est un mouvement littéraire et artistique marqué par l’exagération, la profusion de détails, l’exubérance des effets et émotions recherchées.
La préciosité prône l’expression des sentiments de façon précieuse, c’est-à-dire avec subtilité, finesse et élégance. Il est possible de rapprocher la préciosité du baroque grâce à l’idée de refus de l’ordre et de la rigidité.
L’adjectif burlesque utilisé aujourd’hui nous renseigne sur le sens de ce mouvement littéraire du XVIIe siècle. Il s’agit d’un mouvement basé sur l’évocation de sujets sérieux de façon comique, qui joue sur le décalage entre le noble et le familier, sur le parodique.
Le classicisme est un mouvement né de la réaction aux mouvements évoqués précédemment. Il tend à s’appuyer sur une langue ordonnée, basée sur la raison, en s’inspirant de l’Antiquité. Il s’agit de respecter les règles et les principes du mouvement en les mettant au service d’un idéal : « l’honnête homme ».
Une des caractéristiques du classicisme est la volonté de plaire au public/lecteur, de le divertir tout en gardant pour objectif de l’instruire, à l’image des fables de La Fontaine.
La Fontaine
La Fontaine
Provincial dont le père était responsable administratif des eaux et forêts en Champagne, La Fontaine (1621-1695) restera influencé par cette enfance au milieu de la nature et prendra même la succession de son père pendant quelques années. En s’installant à Paris, il rencontre le ministre des Finances, Fouquet, qui le prend sous sa protection avant d’être arrêté (Fouquet est accusé par le roi Louis XIV entre autres choses d’avoir dépensé des sommes folles pour son château de Vaux-le-Vicomte).
Entre 1665 et 1696, La Fontaine écrit beaucoup, notamment grâce aux aides financières de protectrices influentes, lui permettant de vivre une existence parmi les gens importants de la politique et des arts. Il rencontre Molière, Boileau et participe à la querelle des Anciens et des Modernes. Il meurt à 75 ans, après s’être laissé tenter par le libertinage (d’où quelques écrits licencieux) et s’être converti (d’où quelques écrits religieux).
La querelle des Anciens et des Modernes a toujours existé. Quelle que soit l’époque, des auteurs très attachés au passé et d’autres davantage tournés vers l’innovation se sont toujours affrontés. Au XVIIe siècle, cette querelle oppose trois clans d’écrivains et artistes :
- ceux qui veulent imiter leurs prédécesseurs car ils les admirent eux et leurs œuvres (ce sont les Anciens : La Fontaine, Boileau ou encore La Bruyère pensent que la perfection a été atteinte par le passé) ;
- ceux qui veulent davantage innover pour être plus en phase avec leur époque (ce sont les Modernes : Thomas Corneille ou Charles Perrault, par exemple, pensent que l’art progresse toujours) ;
- ceux qui pensent qu’il est judicieux d’associer les deux aspirations (ce sont les modérés : Fénelon ou Fontenelle, eux, pensent qu’on peut très bien innover en s’inspirant des auteurs passés).
À l’origine du genre de la fable, il y a la censure : la fable est donc une solution pour dénoncer les maux, voire les hommes de son époque, sans que son auteur ne soit inquiété.
- Ridiculiser un lion dans un texte sera toujours davantage possible que ridiculiser un roi.
Le Lion, animal de fable – « plaire »
Le Lion, animal de fable – « plaire »
Avant de nous intéresser à la dimension divertissante de la fable, voyons d’abord quelques éléments sur le genre en lui-même.
La fable : éléments théoriques
La fable : éléments théoriques
Fable :
La fable est un court récit en vers avec une moralité. C’est une création poétique qui a une double aspiration : plaire et instruire.
La fable est un genre littéraire qui remonte à l’Antiquité. Cette ancienneté du genre peut facilement être expliquée : de tout temps, les êtres humains ont apprécié mêler divertissement et instruction à travers l’argumentation indirecte qu’offre par exemple un récit à plusieurs niveaux de signification.
De tradition orale, la fable s’épanouit à l’écrit grâce à Ésope (auteur grec de l’Antiquité) puis Phèdre (auteur latin de l’Antiquité). Le genre se prolonge au Moyen Âge et au XVIe siècle.
Dans une fable il s’agit :
- de plaire en s’appuyant sur un récit dynamique, parfois léger, comportant souvent des animaux et des dialogues vivants ;
- d’instruire en ajoutant au divertissement une morale, soit en l’exprimant clairement (au début ou à la fin du texte), soit en la rendant diffuse tout au long de la fable.
Trois fables divertissantes
Trois fables divertissantes
Le point commun des trois fables étudiées ici est le fait qu’elles sont avant tout écrites pour plaire : il s’agit de séduire le lecteur en quelques vers.
Le Lion et le Rat
Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde1 :
On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
De cette vérité deux Fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d’un Lion
Un Rat sortit de terre assez à l’étourdie.
Le Roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu’il était, la et lui donna vie2.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu’un aurait-il jamais cru
Qu’un Lion d’un Rat eût affaire3 ?
Cependant il advint qu’au sortir des forêts
Ce Lion fut pris dans des rets4,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.
1 Rendre service à tout le monde
2 Lui laisser la vie sauve
3 Eût besoin
4 Filets
Le Lion s’en allant en guerre
Le Lion dans sa tête avait une entreprise1.
Il tint conseil de guerre, envoya ses Prévôts2,
Fit avertir les animaux :
Tous furent du dessein, chacun selon sa guise3.
L’Éléphant devait sur son dos
Porter l’attirail nécessaire
Et combattre à son ordinaire,
L’Ours s’apprêter pour les assauts ;
Le Renard ménager de secrètes pratiques,
Et le Singe amuser l’ennemi par ses tours.
Renvoyez, dit quelqu’un, les Ânes qui sont lourds,
Et les Lièvres sujets à des terreurs paniques.
– Point du tout, dit le Roi, je les veux employer.
Notre troupe sans eux ne serait pas complète.
L’Âne effraiera les gens, nous servant de trompette,
Et le Lièvre pourra nous servir de courrier.
Le monarque prudent et sage
De ses moindres sujets sait tirer quelque usage,
Et connaît les divers talents :
Il n’est rien d’inutile aux personnes de sens.
1 Projet
2 Sorte d’officier de gendarmerie sous l’Ancien Régime
3 Tous eurent leur place dans le projet, chacun selon son talent
L’Âne vêtu de la peau du Lion
De la peau du Lion l’Âne s’étant vêtu
Était craint partout à la ronde,
Et bien qu’animal sans vertu,
Il faisait trembler tout le monde.
Un petit bout d’oreille échappé par malheur
Découvrit la fourbe et l’erreur.
Martin1 fit alors son office.
Ceux qui ne savaient pas la ruse et la malice
S’étonnaient de voir que Martin
Chassât les Lions au moulin.
Force gens font du bruit2 en France,
Par qui cet Apologue est rendu familier.
Un équipage cavalier3
Fait les trois quarts de leur vaillance.
1 Bâton personnifié destiné à battre les animaux récalcitrants
2 Se croient des « personnages »
3 Tout ce dont ils s’entourent pour affirmer leur rang
Dans chacune des trois fables abordées, La Fontaine installe une situation simple et légère. Le récit est un condensé narratif car en quelques vers, une histoire est racontée en suivant trois étapes :
- exposition,
- nœud,
- dénouement.
Concernant le fond, c’est souvent du rapport entre les personnages que naît l’amusement du lecteur : le lion qui épargne de façon exagérément chevaleresque le rat ; l’autre lion qui, tout aussi chevaleresque, s’oppose aux autres animaux en asseyant sa supériorité royale ; et le dernier lion qui n’en est pas un… Tout cela reste léger, accessible, et parlant pour tout le monde.
- L’objectif est, dans un premier temps, que chaque fable soit compréhensible pour tout individu, même peu cultivé.
Concernant la forme, la poésie participe à la séduction du lecteur. En effet, le choix des rimes et du rythme rend les récits alertes et harmonieux. Cela va dans le sens de la légèreté évoquée précédemment. L’hétérométrie, c’est-à-dire le fait que La Fontaine alterne alexandrins et octosyllabes, apporte un côté vivant aux fables. Celles-ci s’éloignent d’une poésie habituelle grâce aux questions présentes dans la 1re fable ou au discours direct de la 2e fable par exemple.
Comme souvent, La Fontaine s’appuie sur des codes d’écriture connus et des animaux typifiés. Leurs caractéristiques sont souvent les mêmes, ce qui offre un repère au lecteur.
Des personnages-types
Des personnages-types
Dans les trois textes, les animaux ont des caractéristiques lisibles et qui nous sont habituelles.
- « Le Lion et le Rat »
Le lion est désigné d’emblée comme le « Roi des animaux ». Le fait qu’il laisse la vie sauve au rat montre simplement qu’il a le pouvoir et le droit de vie et de mort sur les autres animaux. Le lion est fort et courageux (« force », « rage »), tandis que le rat, lui, se limite dans la fable à ses « dents » et sa « patience ».
- « Le Lion s’en allant en guerre »
Dans cette fable, le lion dirige et commande, l’éléphant est fort, l’ours est courageux, le renard est malin, le singe amuse, l’âne hennit horriblement et le lièvre est rapide. Ces caractéristiques correspondent à celles observées dans la nature, mais ce sont également des stéréotypes qui appartiennent à la culture populaire. La Fontaine grossit ici volontairement le trait.
- « L’Âne vêtu de la peau du lion »
Ici, bien qu’absent, le lion n’en garde pas moins ses caractéristiques puisque sa simple apparence (« la peau du lion ») fait peur : « était craint partout », « faisait trembler tout le monde ». Il suffit d’un déguisement pour que l’âne, qui a habituellement l’image de la victime, devienne respecté et craint.
Dans ces textes, La Fontaine use volontairement de clichés connus afin que chaque lecteur accède rapidement au sens de ses récits. En s’appuyant sur cette dimension caricaturale, l’auteur s’assure à la fois une efficacité du récit et un réel divertissement.
Toute fable doit divertir avant tout, mais ne serait pas fable si elle ne comportait pas en son sein une volonté d’enseigner, voire parfois de dénoncer.
Le Lion, animal humain – « instruire »
Le Lion, animal humain – « instruire »
Trois fables, trois morales
Trois fables, trois morales
Le Lion est un animal récurrent des fables et malgré son statut royal, il ne représente jamais exactement la même chose au fil des histoires racontées.
- « Le Lion et le Rat »
L’opposition de la « patience » à la « force » est celle du rat au lion. Le choix des deux animaux n’est pas anodin et apparaît volontairement caricatural.
- « Le Lion s’en allant en guerre »
La morale est ici exprimée en fin de fable. Elle met en avant le fait que n’importe quel animal peut avoir une utilité. Au-delà du côté quelque peu condescendant de cette morale (celle-ci part du postulat qu’un lièvre ou un âne sont des animaux inférieurs), celle-ci met en exergue la prédominance du lion qui décide de tout.
- « L’Âne vêtu de la peau du lion »
Le lion est absent et héros malgré lui dans cette fable. Celle-ci dénonce le règne de l’apparence, la dictature du paraître. Vouloir passer pour qui on n’est pas, « faire du bruit », jouer un rôle… C’est tout cela qui est dénoncé dans cet apologue.
Apologue :
Récit proposant une argumentation indirecte. L’apologue comporte parfois une morale et a pour objectif de dénoncer à travers une histoire. La fable est un exemple d’apologue.
Les morales des trois fables divergent mais ont comme point commun le lion en tant que personnage central, figure royale derrière l’animal.
Le Lion, le roi
Le Lion, le roi
La Fontaine choisit des animaux aux caractéristiques évidentes et connues de tous, mais également des animaux aux qualités opposées à celles du lion.
Il s’agit de mettre le roi des animaux sur un piédestal, de l’isoler pour mieux l’admirer ou le critiquer. En effet, le lion est bel et bien une image du roi dans ces fables.
- Ces fables ne sont pas à proprement parler une critique virulente de Louis XIII ou Louis XIV, mais plutôt une évocation indirecte des défauts du roi.
D’un côté, le roi sort grandi de ces fables : il y est représenté comme un lion, animal indomptable, tout puissant et dominateur.
Cependant, l’image du roi se trouve quelque peu égratignée par les fables : ce même lion affronte des situations où s’exprime une forme de condescendance, une supériorité mal ou trop affirmée, supposément le reflet de la monarchie absolue où un seul homme détient tous les pouvoirs.
- Ainsi, dans « Le Lion s’en allant en guerre », seul le lion parle, seul le lion décide, seul le lion a raison ; il attribue les rôles de chacun dans la guerre tandis que le sien se limite à « avait une entreprise ».
On peut voir se dessiner, dans ces trois fables, différents degrés dans la représentation et l’image du lion.
- « L’Âne vêtu de la peau du lion »
Cette fable fait un éloge du lion, animal qui impose le respect par son apparence et éveille la jalousie chez lui « anim[aux] sans vertu ».
- « Le Lion s’en allant en guerre »
Ici, l’évocation est plus partagée : le lion est à la fois supérieur mais ne participe pas à la guerre, sinon à travers des ordres. Cependant il n’oublie pas le moindre petit animal et trouve à chacun une utilité.
- « Le Lion et le Rat »
De la même façon, dans cette fable, le lion existe par sa force au début et se positionne en roi des animaux. Cependant, la suite du texte laisse entrevoir une image du lion moins brillante car il devient victime, et est lui-même sauvé par un héros inattendu : le rat. La bonne action du lion est donc récompensée, certes, mais son image et sa fierté sont quelque peu ébranlées.
Éloge :
Expression d’une opinion très positive à l’encontre de quelqu’un ou de quelque chose.
Blâme :
Expression d’une opinion très négative à l’encontre de quelqu’un ou quelque chose.
Le Lion, l’homme
Le Lion, l’homme
La particularité des fables où les animaux sont les héros réside dans la double lecture à effectuer. Le succès de La Fontaine s’explique par le divertissement qu’il apportait par ses écrits, mais également par l’argumentation indirecte présente au sein de ceux-ci.
En effet, même si le roi est souvent un personnage central dans les fables où le lion est présent, il n’en demeure pas moins que c’est de l’homme en général dont La Fontaine veut nous parler : l’homme et ses défauts, ses peurs, ses vices et ses faiblesses.
Dans « Le Lion et le Rat », la condescendance du roi des animaux ne reflète pas uniquement celle de Louis XIV, la critique est tout aussi bien adressée à ceux qui pensent que la puissance ou le pouvoir valent mieux que l’efficacité d’un petit rongeur, et qu’épargner un soi-disant « faible » leur permet d’assoir leur statut. La Fontaine évoque dans la morale deux vertus finalement banales et qui peuvent être présentes chez n’importe qui : « patience » et « force ».
Dans « Le Lion s’en allant en guerre », les animaux sont nombreux, ce qui permet à davantage de personnes de s’identifier. Peu importe notre tempérament, chacun d’entre nous a quelque ressemblance avec l’un des animaux présents ici : entre l’amuseur et le malin, le courageux et le rapide, c’est un véritable microcosme humain, une petite société qui est représentée ici. L’homme demeure toujours au cœur de l’œuvre La Fontaine. En attribuant des qualités humaines à des animaux, La Fontaine utilise l’anthropomorphisme.
Enfin, dans « L’Âne vêtu de la peau d’un Lion », il n’y a ni galerie de personnages, ni véritable lion. L’auteur évoque ici quelque chose qui touche tout le monde : l’envie de vouloir passer pour un autre que soi-même. Au-delà de la tromperie, La Fontaine aborde plus largement un vice omniprésent depuis des siècles : la dictature de l’image.
Conclusion :
La fable est un genre littéraire riche, à la fois poétique, divertissant et moralisateur. La Fontaine, passé maître dans l’art de mettre en scène des animaux tout en peignant les particularités de son temps, en est le principal représentant.
Si ses textes ont traversé les siècles et marqué le sien, c’est justement car ils pointent plaisamment de la plume les vices et écarts de tout individu, quelles que soient sa condition, ses origines ou même son époque.