La naissance de la monarchie absolue en France
Introduction :
Possédant au départ un pouvoir faible, les rois de la dynastie capétienne ont progressivement consolidé le pouvoir royal et fondé un État moderne. À partir de la Renaissance, les rois Valois puis Bourbons s’efforcent de renforcer encore le contrôle de l’État sur le royaume, contribuant à la mise en place de l’absolutisme royal. Il s’agit ainsi de comprendre, dans ce cours, comment l’État royal est parvenu à s’affirmer en France aux XVIe et XVIIe siècles, jusqu’à faire du souverain un monarque absolu. Nous verrons dans un premier temps comment l’État moderne a été renforcé au XVIe siècle. Nous étudierons ensuite la lente mise en place de la monarchie absolue au cours des règnes de Henri IV et Louis XIII avant d’aborder l’apogée de l’absolutisme royal sous le règne de Louis XIV.
L’affirmation de l’État moderne au XVIe siècle
L’affirmation de l’État moderne au XVIe siècle
Renforcer l’État central par une réorganisation administrative
Renforcer l’État central par une réorganisation administrative
À la Renaissance, les rois de France s’efforcent de renforcer et de centraliser l’administration du royaume.
François 1er, par Jean Clouet, vers 1530, musée du Louvre ©Oakenchips
François Ier (1515-1547) met en place un Conseil des affaires pour gérer la politique générale, la diplomatie et la guerre. Ce conseil restreint réunit le Chancelier, un secrétaire d’État et quelques membres que François Ier choisit parmi ses fidèles. Pour renforcer la gestion financière du royaume, le roi dote la France d’un trésor de l’Épargne qui centralise les différents revenus de la monarchie : impôts, vente des offices et contribution des villes.
Offices :
Ce sont des fonctions administratives de justice, de finances ou de police. Celles-ci sont achetées au roi et sont ensuite détenues à vie par les officiers qui les ont acquises. Elles peuvent également être transmises en héritage ou revendues. Le roi perçoit alors un pourcentage de chaque revente.
Afin d’améliorer l’administration fiscale, le royaume est divisé en 1542 en 16 généralités dans lesquelles sont établis des Trésoriers généraux. Et en 1552, Henri II (1547-1559) crée la fonction d’intendant.
Henri II, par François Clouet, 1559, Palais de Versailles ©Kcasir79 - CC BY 2.0
Intendant :
Agent du pouvoir royal nommé par le roi et révocable (renvoyé ou remplacé) à tout moment. Il est chargé des fonctions de police, justice et des finances dans les généralités.
Enfin, en 1539, François Ier édicte l’ordonnance de Villers-Cotterêts afin de centraliser la justice française. Ce texte pose les fondements de la construction administrative du royaume. Il rend par exemple obligatoire l’enregistrement des baptêmes par les prêtres des paroisses et la transmission des registres à l’administration royale (seront ajoutés ultérieurement les mariages et les décès). L’ordonnance remplace également l’usage du latin par celui, obligatoire, du français sur tous les actes judiciaires et notariaux dans l’ensemble du royaume de France.
Renforcer l’unité de la nation et la figure du roi
Renforcer l’unité de la nation et la figure du roi
Les rois Valois (dynastie qui fait suite à celle des capétiens de 1328 à 1589) ont aussi travaillé à mieux unifier le royaume et la nation sous l’autorité du Roi.
Louis XII, par Jean Perréal, vers 1514, Royal Collection of the United Kingdom
Louis XII, François Ier et Henri II parviennent encore, par la force, par les mariages ou encore les héritages à étendre le domaine royal au détriment des fiefs de grands nobles. Ainsi, des territoires comme la Bourgogne ou la Bretagne tombent sous le contrôle direct du roi de France. Désormais, le domaine royal se confond presque avec le royaume.
Les monarques soignent également l’image royale.
La figure du roi est renforcée par sa dimension sacrée. La cérémonie du sacre dans la cathédrale de Reims, où le roi est oint (enduit) d’une huile sainte par l’archevêque, place le monarque au-dessus des mortels. La propagande royale glorifie les actions du roi par une riche iconographie (fresques, statues, médailles).
Le roi se déplace encore beaucoup avec sa cour entre les différents châteaux royaux. Son entrée dans une ville est pleine de rituels et est l’occasion de faire son éloge, de célébrer sa personne et de renforcer son lien avec ses sujets.
Renforcer l’État par la guerre et l’expansion territoriale
Renforcer l’État par la guerre et l’expansion territoriale
Les rois Valois s’engagent aussi dans de nombreuses opérations de conquêtes et agrandissent le royaume.
Charles Quint, par Juan Pantoja de la Cruz, copie d’un portrait de Titian, vers 1605 (original vers 1550), musée du Prado, Madrid
François Ier ambitionne d’annexer une partie de l’Italie : en 1515, son armée remporte la bataille de Marignan et la France s’empare provisoirement du duché de Milan. Une longue guerre oppose ensuite la France à l’empereur Charles Quint. Celle-ci s’achève en 1559 par la paix de Cateau-Cambrésis par laquelle le royaume annexe les villes de Metz, Toul et Verdun en Lorraine.
C’est aussi l’époque où la France se lance dans des voyages d’explorations : François Ier envoie Jacques Cartier explorer l’Amérique du Nord dans le but de trouver un passage vers les Indes. En 1534, Cartier atteint le Canada et la France s’implante dans la vallée du fleuve Saint-Laurent.
La lente mise en place de la monarchie absolue
La lente mise en place de la monarchie absolue
Une monarchie fragilisée par les guerres de religion
Une monarchie fragilisée par les guerres de religion
Après la mort d’Henri II en 1559, l’autorité royale est longtemps fragilisée par les tensions religieuses.
Depuis les réformes de Luther et de Calvin, le protestantisme s’est en effet rapidement diffusé en France, principalement dans les villes du sud-ouest, et finit par séduire une petite partie de la noblesse, y compris dans l’entourage du roi.
Les protestants (ou « huguenots ») sont d’abord sévèrement pourchassés comme hérétiques.
Des édits royaux les répriment et le tribunal de la « Chambre ardente » est chargé de mener à bien la persécution.
François II, par François Clouet, 1560, Bibliothèque nationale de France, Gallica
Mais quand le jeune et fragile François II parvient sur le trône, les grandes familles aristocratiques du royaume se déchirent entre les catholiques (comme les Guise) et celles qui sont séduites par le calvinisme (les Condés, les Bourbons). Trois guerres de religion successives secouent alors le royaume de France entre 1562 et 1598, opposant la Ligue catholique et la noblesse protestante.
C’est dans ce contexte qu’a lieu le massacre de la Saint-Barthélemy à Paris où les principaux princes protestants sont éliminés, avec l’assentiment du roi, par la Ligue et la milice parisienne. Ce massacre se poursuit dans les villes de province et fait au total entre 10 000 et 30 000 victimes.
Le Massacre de la Saint Barthélémy, peint par le peintre huguenot François Dubois. Entre 1572 et 1584, Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne, Suisse
Ces guerres entraînent aussi l’assassinat du roi Henri III par le moine Jacques Clément qui le considère comme l’ennemi du catholicisme depuis qu’il a fait éliminer le duc de Guise, chef de file de la Ligue.
Henri III, artiste anonyme, XVIIe siècle ©Giogo - CC BY-SA 4.0
Le rétablissement et le renforcement de l’autorité de l’État sous Henri IV et Louis XIII
Le rétablissement et le renforcement de l’autorité de l’État sous Henri IV et Louis XIII
Henri IV, par Frans Pourbus le Jeune, avant 1622, château de Versailles
En 1589, c’est le prince protestant Henri de Navarre qui hérite du trône. Celui-ci entreprend la reconquête du royaume contre les seigneurs catholiques. Afin de se faire accepter par ses sujets, il renonce à la foi protestante et se fait sacrer dans la cathédrale de Chartres. Une fois la paix assurée et l’autorité royale restaurée, Henri IV promulgue l’édit de Nantes. Celui-ci rétablit le culte catholique partout dans le royaume et accorde aux protestants l’égalité d’accès aux fonctions publiques ainsi que la liberté de conscience. Enfin, il leur autorise des lieux de culte dans un certain nombre de villes du royaume.
Malgré la résistance de certains parlements, comme celui de Paris, Henri IV parvient à imposer l’édit. Une nouvelle conception de l’autorité royale s’impose : elle présente le roi comme seul détenteur de la souveraineté et du monopole de la loi. Tenant son pouvoir de Dieu, il possède une autorité sans partage. Les partisans d’Henri IV défendent ainsi le gallicanisme royal : le roi règne seul sur l’Église de France, et n’admet pas d’intervention de la part du Pape.
Gallicanisme :
Doctrine politique visant à réduire l’autorité du Pape sur le clergé français. Celle-ci ne laisse au Pape que l’autorité spirituelle et c’est au Roi de France de nommer les évêques et de contrôler leurs décisions.
Assassinat d’Henri IV et arrestation de Ravaillac le 14 mai 1610, par Charles-Gustave Housez, XIXe siècle, Château de Pau
Suite à la mort d’Henri IV, assassiné par Ravaillac en 1610, le pouvoir monarchique est provisoirement affaibli. Louis XIII est alors sur le trône.
Louis XIII, par Philippe de Champaigne, 1655, musée du Prado, Madrid
Sous l’action du ministre Richelieu (1585-1642), les résistances à l’ordre royal, principalement aristocratiques, parlementaires et religieuses sont peu à peu brisées. Richelieu place la raison d’État comme fondement de son gouvernement, de sa conception de la politique et de la diplomatie et poursuit le renforcement du pouvoir royal.
Raison d’État :
Principe selon lequel l’intérêt de l’État est plus important que toute autre considération, même morale ou religieuse.
Richelieu rend les décisions du roi immédiatement exécutables, les parlements n’ont plus le droit de contester les édits royaux. Les intendants supervisent toutes les questions liées à la police, la justice et les finances dans les provinces et les villes. On assiste aussi à un alourdissement considérable des impôts pour financer les guerres que Richelieu mène à l’extérieur. Cela provoque des révoltes populaires qui sont alors violemment réprimées par le pouvoir royal. Le roi décide désormais seul de la politique fiscale, il ne convoque plus les États généraux pour fixer de nouvelles taxes.
États généraux :
Assemblée des représentants des trois ordres (noblesse, clergé, tiers-état), convoqués par le roi pour donner leur avis et voter de nouveaux impôts.
Le règne de Louis XIV, apogée de l’absolutisme
Le règne de Louis XIV, apogée de l’absolutisme
Après la mort de Richelieu en 1642, et de celle Louis XIII en 1643, Louis XIV n’a que 5 ans. Le royaume connaît une période de troubles pendant la régence (la Fronde 1648-1653). Ils fragilisent le pouvoir royal. Mais, une fois à la tête de l’État, Louis XIV va porter à son apogée l’absolutisme royal.
Le renforcement de la centralisation et de l’autorité royale
Le renforcement de la centralisation et de l’autorité royale
Après la mort de Mazarin, le Premier ministre de sa mère, Louis XIV décide d’assumer seul le pouvoir et de renforcer son autorité absolue.
Louis XIV, par Hyacinthe Rigaud, 1702, musée du Louvre
Il décide de gouverner sans Premier ministre, réorganise le gouvernement du royaume en se faisant assister de différents conseils spécialisés et s’entoure de ministres qu’il choisit pour leurs compétences plutôt que leur titre, comme Vauban ou Colbert. Chacun d’entre eux a des fonctions précises et est à la tête d’une administration de plus en plus nombreuse. Dans les généralités, les intendants voient leurs fonctions étendues : ils sont chargés de faire appliquer les décisions du roi, de surveiller la levée des impôts et de présider les assemblées des villes. Ils sont les véritables relais de l’autorité royale et contrôlent les officiers, parfois peu obéissants.
Soucieux de l’unité du royaume, Louis XIV réprime la minorité protestante dans laquelle il voit une remise en cause de son autorité.
Il prend très vite des mesures discriminatoires contre les huguenots (augmentation de leurs impôts, etc.) puis fait loger des soldats chez eux avec droit de les maltraiter (ce sont les « dragonnades »). Enfin, en 1685, il révoque l’édit de Nantes et interdit le culte protestant dans le royaume de France, poussant au moins 200 000 protestants à l’exil et entrainant des révoltes comme celle des Camisards dans les Cévennes en 1702.
Des guerres pour renforcer la puissance de la France
Des guerres pour renforcer la puissance de la France
Louis XIV veut étendre la puissance de la France en Europe.
Sur les cinquante-quatre ans que dure son règne, vingt-neuf ans sont consacrés à la guerre. Celle-ci permet à Louis XIV de renforcer sa gloire et son autorité mais aussi d’agrandir encore le royaume de France. Il fait fortement augmenter les effectifs de l’armée, qui sont presque triplés au cours de son règne et fait renaître une marine de guerre puissante. Les guerres offrent à la France de vastes territoires au nord et à l’est comme les Flandres, l’Alsace ou la Franche-Comté.
La mise en scène du Roi-Soleil
La mise en scène du Roi-Soleil
Monarque absolu de droit divin, Louis XIV pousse encore plus loin que ses prédécesseurs la propagande royale. Dès le début de son règne, il entreprend de faire du pavillon de chasse de son père à Versailles sa résidence royale et le miroir de son autorité. Rien n’est laissé au hasard pour mettre en valeur le Roi-Soleil, de la place de sa chambre située au centre de l’ensemble, aux peintures des salons évoquant les dieux de l’Olympe, ou aux jardins mettant en scène la mythologie et la maîtrise de la nature. L’organisation et les règles de la vie de la cour contribuent aussi à placer le monarque au centre de tout. Louis XIV fait enfin de son palais le lieu des arts et des lettres, accueillant sur place peintres, sculpteurs, musiciens ou écrivains, tels Racine, Molière ou Lully.
La galerie des glaces à Versailles - ©Myrabella / Wikimedia Commons / CC BY-SA 3.0
Une autorité royale qui n’est pas sans limites
Une autorité royale qui n’est pas sans limites
Malgré tout, le pouvoir du roi reste limité, en droit comme en pratique.
Ce sont tout d’abord les lois fondamentales du royaume qui limitent l’autorité royale. Il s’agit d’un ensemble de règles et de coutumes non écrites élaborées progressivement, comme les règles de succession ou la catholicité du roi. Le roi doit aussi théoriquement dialoguer avec les États généraux mais ceux-ci ne sont plus réunis entre 1614 et 1788. Enfin, le roi doit composer avec les parlements. Chargés d’enregistrer les actes royaux, ceux-ci peuvent demander des modifications grâce à leur droit de remontrances (droit de contestation). Les rois se sont ainsi efforcés de restreindre les pouvoirs des parlements, sans y parvenir totalement.
Par ailleurs, l’autorité du roi est aussi remise en cause par des révoltes populaires.
Déjà fréquentes au XVIIe siècle, elles se multiplient à partir de 1690. Souvent liées aux crises de subsistance (difficulté pour la population de se nourrir), elles se fondent surtout sur un rejet de l’augmentation des impôts, particulièrement importante pendant les guerres de Louis XIV.
Conclusion :
Ainsi, le pouvoir royal s’est fortement affirmé aux XVIe et XVIIe siècles, triomphant progressivement des résistances de la noblesse, de l’Église et des parlements. Cette affirmation trouve son aboutissement sous le règne de Louis XIV où l’absolutisme royal est porté à son paroxysme. Malgré tout, le pouvoir absolu du roi n’est jamais totalement accepté et s’ouvre alors au XVIIIe siècle une période de remise en cause plus profonde, portée par le courant des Lumières.