L’autobiographie : se raconter
Introduction :
« Autobiographie » est un mot formé à partir de trois mots grecs : « auto », qui signifie « soi-même », « bio », qui signifie « la vie » et « graphein » ou « graphô », qui veut dire « écrire ».
C’est un genre narratif dans lequel l’auteur, qui est aussi le narrateur et le personnage principal, raconte sa propre vie. Il décrit donc les événements qui ont marqué son existence mais livre aussi ses pensées et réflexions sur son époque.
L’autobiographie existe au cinéma, dans la bande-dessinée, dans le roman, mais aussi en peinture, où l’on parle alors d’autoportrait. Il existe différentes formes d’autobiographie au sein même de la littérature. : le roman autobiographique, les correspondances, le journal intime ou encore les mémoires.
Afin de mieux comprendre le genre autobiographique, nous commencerons par étudier un extrait des Mémoires d’outre-tombe de François René de Chateaubriand, puis nous analyserons un extrait du Journal d’Anne Frank.
L’autobiographie : une introspection
L’autobiographie : une introspection
Introspection :
Une introspection est une plongée à l’intérieur de soi, une observation et une analyse de ses états d’âme.
La fonction des mémoires est de raconter la vie de l’auteur tout en mettant l’accent sur des événements historiques dont l’auteur a été témoin.
Dans les Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand évoque sa vie mais également les bouleversements politiques de son époque, comme l’après Révolution française et le règne de Napoléon.
Chateaubriand méditant sur les ruines de Rome par Anne-Louis Girodet
Dans l’extrait suivant, l’auteur partage un souvenir d’adolescence et met en évidence son rapport à la nature.
« Plus la saison était triste, plus elle était en rapport avec moi : le temps des frimas1, en rendant les communications moins faciles, isole les habitants des campagnes : on se sent mieux à l’abri des hommes.
Un caractère moral s’attache aux scènes de l’automne : ces feuilles qui tombent comme nos ans, ces fleurs qui se fanent comme nos heures, ces nuages qui fuient comme nos illusions, cette lumière qui s’affaiblit comme notre intelligence, ce soleil qui se refroidit comme nos amours, ces fleuves qui se glacent comme notre vie, ont des rapports secrets avec nos destinées. »
1 Le frimas est un épais brouillard froid qui forme le givre.
L’écriture est ici autobiographique puisque l’auteur évoque ses propres souvenirs.
On peut en effet relever la présence du pronom personnel « moi » qui devient ensuite pluriel avec « nous », et la répétition des déterminants possessifs « notre » et « nos ».
L’auteur change aussi les temps : il utilise le passé au début de l’extrait avec « Plus la saison était triste, plus elle était en rapport avec moi » puis le présent en fin de phrase avec « on se sent mieux à l’abri des hommes. »
Le passage du « moi » au « nous » ainsi que le changement de temps, du passé au présent, illustrent la transition du récit à l’analyse.
L’autobiographie allie ainsi le temps de la narration (ici Chateaubriand adolescent) au temps de l’analyse : l’homme qui écrit est alors plus âgé et possède le recul nécessaire pour tirer les enseignements de son expérience.
Chateaubriand semble aimer la nature parce qu’il se reconnait en elle. En effet, il multiplie les comparaisons. Ces analogies avec la nature révèlent la personnalité de l’auteur.
Analogie :
Faire une analogie, c’est rapprocher deux éléments qui présentent des similitudes, qui ont des points communs.
Chateaubriand est solitaire et semble avoir des difficultés avec les autres. Il évoque en effet des « communications moins faciles » et se sent rassuré « à l’abri des hommes ».
L’expression « à l’abri » est ici utilisée de façon étonnante : habituellement, on se met à l’abri d’un danger, mais ici, c’est le contact humain qui est vécu par l’auteur comme quelque chose de si inconfortable qu’il en devient dangereux ou menaçant.
Chateaubriand se qualifie également de « triste ». Cette idée est confirmée par les comparaisons pessimistes qui se succèdent. La mort et la déchéance sont en effet omniprésentes dans les comparaisons que fait Chateaubriand entre la vie humaine et la nature en cette saison hivernale.
Déchéance :
La déchéance est une dégradation, une chute.
Omniprésent :
Désigne quelque chose ou quelqu’un qui est présent partout, tout le temps.
Il existe donc un lien fusionnel entre l’auteur et la nature : il ne font plus qu’un.
Fusionnel :
Ce qui fusionne ne fait plus qu’un : on ne peut plus distinguer une chose de l’autre.
Ce lien avec la nature ainsi que l’expression de son lyrisme montrent une influence romantique.
Lyrisme :
Le lyrisme est l’expression des sentiments personnels.
Romantisme :
Le romantisme est un courant littéraire dans lequel on retrouve certains thèmes essentiels tels que la nature, le désir de solitude, le rêve et la fuite, mais aussi l’expression des sentiments personnels. L’artiste romantique se sent en parfaite harmonie avec la nature.
Cependant, même si l’autobiographie semble tournée vers soi puisque l’auteur puise en lui-même la matière du récit, elle constitue également un partage.
Dans un élan qui peut sembler égocentrique à première vue, l’auteur rend compte de son expérience et se tourne vers son lecteur.
Égocentrique :
Se dit de quelqu’un qui est centré sur lui, un égoïste.
L’autobiographie : un partage avec l’autre
L’autobiographie : un partage avec l’autre
Anne Frank est une jeune juive allemande. Les Juifs, devenus indésirables dans l’Allemagne nazie depuis l’accession au pouvoir de Hitler en 1933, sont persécutés ou déportés vers des camps de concentration et d’extermination. Anne Frank et sa famille quittent alors l’Allemagne. Ils se réfugient dans l’annexe d’une maison aux Pays-Bas où Anne commence l’écriture d’un journal dans lequel elle raconte son histoire. Ils restent cachés deux ans avant d’être déportés dans un camp de concentration en 1944. Son père, seul survivant, décidera de publier ce récit autobiographique en 1947.
Anne Frank en 1940
Le récit autobiographique permet à l’auteur de partager son expérience.
Le journal est un sous-genre autobiographique. L’auteur y raconte jour après jour ses pensées et les événements marquants de son quotidien.
Le journal se différencie des mémoires car il n’existe qu’un seul temps : le temps de la narration, c’est-à-dire le temps choisi pour raconter le récit, et le temps de l’action, c’est-à-dire le temps où se déroulent les événements, se confondent. L’auteur a donc peu de recul sur les événements qu’il raconte.
- Le Journal d’Anne Frank est probablement l’exemple le plus célèbre de ce type de récit.
En voici un extrait.
« Samedi 20 juin 1942
C’est une sensation très étrange, pour quelqu’un dans mon genre, d’écrire un journal. Non seulement je n’ai jamais écrit, mais il me semble que plus tard, ni moi ni personne ne s’intéressera aux confidences d’une écolière de treize ans. Mais à vrai dire, cela n’a pas d’importance, j’ai envie d’écrire et bien plus encore de dire vraiment ce que j’ai sur le cœur une bonne fois pour toutes à propos d’un tas de choses. »
On remarque que le temps de la narration est ici le présent. On voit aussi qu’il s’agit d’une écriture personnelle, Anne Frank évoque ses sentiments et opinions, comme on peut le voir grâce à l’emploi des termes et expressions « sensation », « il me semble », « j’ai envie » et « ce que j’ai sur le cœur ».
On remarque également l’emploi du pronom personnel « je » qui illustre l’écriture autobiographique.
Le contraste entre la gravité de la situation et l’apparente légèreté du discours traduit la jeunesse de l’auteure.
Le journal d’Anne Frank permet de mieux comprendre ce que pouvaient ressentir les juifs cachés durant la Seconde Guerre mondiale.
Anne Frank présente ici son désir d’écrire en toute sincérité et l’assume : « J’ai envie d’écrire et bien plus encore de dire vraiment ce que j’ai sur le cœur une bonne fois pour toutes à propos d’un tas de choses. »
On perçoit une volonté de soulagement par l’écriture : Anne Frank se libère grâce à l’écriture mais cela lui permet également de partager ses pensées. Elle envisage l’avenir à travers l’évocation d’un « plus tard », et l’emploi du futur de l’indicatif illustre cet avenir : « ni moi ni personne ne s’intéressera aux confidences d’une écolière de treize ans ».
Ce qu’elle ignore au moment où elle écrit mais que le lecteur, lui, sait déjà, c’est qu’elle ne sera plus là pour vivre cet avenir et qu’elle se trompe sur la portée de ses écrits, puisque le monde entier sera captivé par son journal.
Aux pensées de l’adolescente succèdent des moments de lucidité face à l’horreur du monde dans lequel elle est plongée. Bien qu’isolée dans sa cachette avec sa famille, elle a conscience de la réalité extérieure :
« 9 octobre 1942
La radio anglaise parle d’asphyxie par le gaz. Je suis complètement bouleversée. »
Anne Frank fait ici référence au sort qui attendait les juifs déportés dans les camps d’extermination tels qu’Auschwitz.
Le journal de la jeune fille livre les sentiments et les réactions d’une adolescente confrontée à l’horreur de l’Holocauste.
Holocauste :
L’Holocauste désigne les persécutions et les massacres dont ont été victimes les Juifs entre 1933 et 1945 dans l’Allemagne nazie. On utilise également le terme de Shoah.
- Cela crée un contraste saisissant.
Le point de vue d’Anne Frank, par sa sensibilité, sa naïveté, et sa fraîcheur contraste avec l’horreur de l’extermination des Juifs.
Le journal d’Anne Frank est un témoignage des épreuves qu’ont dû subir les Juifs pendant la guerre. Le fait qu’Anne Frank soit décédée dans ces camps rend ce témoignage d’autant plus poignant.
Le « pacte autobiographique » est donc bien respecté : Anne Frank parle d’elle-même avec sincérité et recherche la vérité.
Pacte autobiographique :
Le pacte autobiographique est une théorie élaborée par Philippe Lejeune. Selon lui, dans le cadre d’une autobiographie, il existe une sorte de pacte implicite entre le lecteur et l’auteur. L’auteur s’engage à se montrer tel qu’il est et à dire la vérité sur sa vie, et en échange, le lecteur émet un jugement objectif.
Conclusion :
L’autobiographie peut prendre de multiples formes, mais elle conserve toujours les mêmes caractéristiques : une écriture révélant la personnalité de l’auteur et son expérience, mais aussi un récit rétrospectif, mêlant deux temps : le passé pour le récit et le présent pour l’analyse. Ce genre romanesque allie ainsi la description de soi et d’une époque.