Les premiers écrits composant les Mémoires remontent à la première décennie du XIXe siècle, mais c’est seulement à partir des années 1820 que Chateaubriand s’attelle à la rédaction d’un ouvrage qu’il n’achèvera en 1841. Il s’agit donc de l’œuvre d’une vie, composée « à différentes dates et en différents pays », comme l’écrit l’auteur dans son avant-propos.
À cette époque comme aujourd’hui, la tradition de l’autobiographie, remise à l’honneur par Rousseau avec ses Confessions (1782), est bien ancrée dans la littérature. De nombreuses personnalités, comme Talleyrand, ministre de Napoléon, écrivent eux aussi leurs mémoires. Les Mémoires d’outre-tombe, lus au salon de Mme Récamier avant leur parution, sont publiés sous forme de feuilleton dans un journal après la mort de l’auteur en 1848.
Il s’agit de l’œuvre la plus connue de Chateaubriand, qui mêle des moments de vie capturés sur le vif à la représentation d’une vaste fresque historique, qui dépeint une époque troublée.
Chateaubriand : Le narrateur.
Tout au long de ses Mémoires, Chateaubriand se pose comme témoin critique de son époque. Le livre peint une fresque historique, mais l’auteur s’y confie également, invitant le lecteur dans l’intimité de son vécu intérieur. La subjectivité domine l’œuvre : il s’agit d’une vision personnelle, d’une longue méditation sur l’existence et le monde.
La politique et l’histoire : Tout au long du livre, Chateaubriand évoque longuement sa carrière politique, ainsi que ses opinions sur le régime et les différentes personnalités de son époque. En cela, les Mémoires tiennent autant de l’autobiographie que de l’ouvrage historique. La contemplation de la nature : Thème romantique par excellence, la nature et son évocation tiennent une place importante dans les Mémoires. Cette contemplation déclenche la réminiscence, comme dans le célèbre épisode de la grive.
« Je fus tiré de mes réflexions par le gazouillement d’une grive perchée sur la plus haute branche d’un bouleau. À l’instant, ce son magique fit reparaître à mes yeux le domaine paternel. »
(Livre 3, chapitre 1) La religion : Sujet central de l’œuvre, la religion de Chateaubriand est celle des romantiques : il s’agit d’une expérience intérieure rédemptrice, et non d’un ensemble de dogmes transmis par l’institution de l’Église.
Les Mémoires d’outre-tombe sont composés de 43 livres qui retracent les différentes périodes de la vie de Chateaubriand. On distingue quatre parties : l’enfance et la jeunesse, la carrière littéraire, la carrière politique, et enfin, les dernières années.
Première partie (livres 1 à 12)
Première partie (livres 1 à 12)
Dans cette partie, l’auteur commence par faire le portrait de sa famille et de sa généalogie. Vient ensuite le récit de l’enfance, entre Saint-Malo et le château de Combourg. Cette période forge le caractère rêveur et sensible du jeune homme, qui aime à se perdre dans la contemplation de la nature. Une nostalgie mélancolique imprègne ces évocations de jeunesse.
« Mettons à profit le peu d’instants qui me restent ; hâtons-nous de peindre ma jeunesse, tandis que j’y touche encore : le navigateur, abandonnant pour jamais un rivage enchanté, écrit son journal à la vue de la terre qui s’éloigne et qui va bientôt disparaître. »
Deuxième partie (livres 13 à 18)
Deuxième partie (livres 13 à 18)
À partir de 1801, la carrière littéraire de Chateaubriand est lancée avec Atala. Ce premier texte annonce le mouvement romantique et son désir de rupture par rapport au classicisme.
« Atala tombant au milieu de la littérature de l’Empire, de cette école classique, vieille rajeunie dont la seule vue inspirait l’ennui, était une sorte de production d’un genre inconnu. »
Dans les années qui suivent, jusqu’à 1814, Chateaubriand publie Génie du christianisme, Les Martyrs, Itinéraire de Paris à Jérusalem.
Troisième partie (livres 19 à 38)
Troisième partie (livres 19 à 38)
Dans cette partie, Chateaubriand écrit longuement sur Napoléon Bonaparte, qu’il admire en tant que militaire, mais dont il craint le penchant pour la tyrannie.
« […] mais il a la puissance d’arrêter le monde et n’a pas celle de s’arrêter : il ira jusqu’à ce qu’il ait conquis la dernière couronne qui donne du prix à toutes les autres, la couronne du malheur. »
Durant cette période, Chateaubriand accepte des postes d’ambassadeur à Rome et à Londres.
Quatrième partie (livres 35 à 43)
Quatrième partie (livres 35 à 43)
Chateaubriand y narre les dernières années de sa vie ainsi que les événements historiques qui se déroulent pendant la Restauration. Cette partie constitue une réflexion sur la France et son avenir, et conclut le monument que l’auteur a voulu bâtir.
« Il ne me reste qu’à m’asseoir au bord de ma fosse ; après quoi je descendrai hardiment, le crucifix à la main, dans l’éternité. »
« Et néanmoins, sans la mémoire, que serions-nous ? Nous oublierions nos amitiés, nos amours, nos plaisirs, nos affaires ; le génie ne pourrait rassembler ses idées ; le cœur le plus affectueux perdrait sa tendresse, s’il ne s’en souvenait plus ; notre existence se réduirait aux moments successifs d’un présent qui s’écoule sans cesse ; il n’y aurait plus de passé. O misère de nous ! notre vie est si vaine qu’elle n’est qu’un reflet de notre mémoire. »
Livre 2, Chapitre 1 « Mon admiration pour Bonaparte a toujours été grande et sincère, alors même que j’attaquais Napoléon avec le plus de vivacité. »
Livre 22, Chapitre 5 « Quel néant sommes-nous donc, s’il en est ainsi de la partie la plus vivante de l’espèce humaine, du génie qui reste comme une ombre des vieux temps dans les générations présentes, mais qui ne vit plus par lui-même, et qui ignore s’il a jamais été ! »
Livre 27, Chapitre 11 « Que l’homme est petit sur l’atome où il se meut, mais qu’il est grand comme intelligence ! Il sait quand le visage des astres se doit charger d’ombre, à quelle heure reviennent les comètes après des milliers d’années, lui qui ne vit qu’un instant ! Insecte microscopique inaperçu dans un pli de la robe du ciel, les globes ne lui peuvent cacher un seul de leurs pas dans la profondeur des espaces. »
Livre 43, Chapitre 9