La justice et le droit

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Introduction :

Nous considérons parfois certaines situations injustes, mais qu’est-ce que réellement souffrir d’une injustice ? Le terme latin justicia peut être traduit par « conformité avec le droit » ou encore « sentiment d’équité ». Justice et droit semblent donc à première vue indissociables. Le juste est ce qui est légal et ce qui respecte la loi prescrite par le droit. La justice est donc la conformité aux prescriptions des lois, afin de protéger les individus des injustices qu’ils subissent dans leurs rapports aux autres.

  • Mais suffit-il de se conformer à la loi pour être juste ?
  • La justice n’est-elle pas d’abord une vertu humaine, la volonté de respecter autrui et son bien ?

Dans un premier temps nous nous questionnerons sur ce qui pousse l’être humain à être juste, l’est-il par devoir moral ou l’est-il naturellement ? Dans un deuxième temps nous analyserons ce qu’est l’injustice. Finalement, nous verrons si être juste consiste à réparer les inégalités naturelles et à donner à tous les mêmes chances de réussite – comme l’indique le symbole de la justice qu’est la balance.

Justice et légalité

L’être humain est-il naturellement juste ?

Sans la protection de la justice, comment la société pourrait-elle survivre ? Que seraient les rapports sociaux sans lois pour les contrôler et les sanctionner ? Les êtres humains seraient-ils naturellement justes et soucieux de respecter l’égalité et l’intégrité physique et morale des autres ?

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Réflexion

Dans l’Antiquité, le philosophe Platon tentait déjà de répondre à ces questions. Dans La République, Socrate affirme que l’ordre le plus souhaitable pour l’âme humaine et au sein de la cité est un ordre juste. Comme l’indique le symbole de la balance, la justice, c’est l’équilibre. Ainsi chaque personne doit être à sa place et seuls les philosophes devraient pouvoir gouverner.

  • En effet ils accompliraient leurs missions non par goût du pouvoir mais par devoir.

Une personne juste équilibre toutes les forces en elle et atteint une stabilité physique et psychologique. Souvent, nous nous sentons équilibrés lorsque nous atteignons un certain niveau de confiance et de sérénité. Dans la cité, l’ordre juste est celui où chacun a sa place et s’en trouve satisfait.

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À retenir

La justice est donc d’abord une vertu individuelle, une qualité morale, qui s’entretient et se répercute dans l’organisation sociale.

  • Aucune cité ne peut être juste si l’individu ne cultive pas en lui la vertu du juste.

Mais l’être humain est-il juste par nature ?

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Réflexion

Hobbes et l’état de nature

Selon Hobbes, l’état de nature – à savoir l’être humain tel qu’il serait sans la société – est fondamentalement mauvais. Selon lui, « l’Homme est un loup pour l’Homme » car sans la société, et donc sans le contrat social, l’être humain commet l’injustice par peur de la subir. Il justifie ainsi la monarchie absolue dans son œuvre la plus connue, le Léviathan. Selon lui, le meilleur moyen d’obtenir une paix sociale est de garantir le respect du contrat social en déléguant la totalité du pouvoir du peuple entre les mains d’un seul individu.

  • En possédant les pleins pouvoirs, il pourra juger rationnellement de ce qui est bon pour les autres puisqu’il n’aura pas peur de subir l’injustice.
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Réflexion

Glaucon et l’histoire du berger Gygès

Glaucon, sophiste grec et élève de Socrate, est persuadé qu’aucun être humain n’est juste par choix. L’individu juste est un hypocrite qui porte un masque et le retire à la première occasion. Pour défendre sa thèse, Glaucon raconte à Socrate l’histoire du berger Gygès :
Citoyen exemplaire et bon père de famille, Gygès trouve un jour un anneau qui le rend invisible. Dès l’instant où il comprend qu’il ne risque plus d’être puni grâce à son invisibilité, Gygès se met à commettre sans cesse des injustices. Il vole, viole et tue. Le brave Gygès devient alors un véritable malfaiteur.

  • Sa fidélité à la justice et son respect du bien d’autrui n’étaient qu’apparents et non un choix sincère.

Glaucon en conclut que dès qu’il en a l’opportunité, l’être humain ne résiste pas au pouvoir illimité de faire comme bon lui semble. Lors, dans ce cas, pourquoi la plupart des êtres humains respectent-ils la justice ? Selon le sophiste, les individus ne respectent les lois que parce qu’ils ont peur d’être punis et non par vertu ou par choix.

La justice est donc selon Glaucon une contrainte sociale qui bride notre puissance d’agir dès qu’elle devient nuisible pour autrui.

  • Originellement, la loi a pour fonction de défendre les êtres humains contre eux-mêmes.

Encore aujourd’hui, protéger sa vie et ses biens nous semble juste. Une fois la paix civile assurée, l’individu peut développer d’autres compétences intellectuelles, morales et artistiques. A contrario, dans les pays où la paix civile n’est plus assurée, des écoles ferment et les activités artistiques sont loin d’être prioritaires.

  • La justice est donc avant tout le respect des lois en vigueur dans un pays.

Si l’être humain était par nature juste, le droit n’existerait probablement pas et l’institution juridique des rapports sociaux serait inutile. Mais nous ne sommes malheureusement pas nécessairement bons et les rapports humains sont souvent conflictuels : c’est pourquoi l’arbitrage du droit par les lois est nécessaire.

Le droit punit l’illégalité

L’arbitrage du droit

Directus, l’étymologie latine du droit, désigne « ce qui est en ligne droite, dépourvu de courbures et conforme à une règle ».

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Définition

Droit :

Être dans son bon droit signifie être en règle. Le droit désigne l’ensemble des règles qui commandent la vie sociale et arbitrent les conflits dans la société. Le droit est dit positif lorsqu’il concerne la création et l’application des lois permettant un arbitrage entre les êtres humains. Il suppose alors l’intervention d’un arbitre impartial capable de régler un différend et de concilier des intérêts opposés.

La justice ou la vengeance ?

Pour que justice soit faite, un juge doit prononcer une sentence en appliquant une loi. Celui qui veut réparer lui-même l’injustice se venge : il commet alors à son tour une injustice.

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À retenir

Agir par vengeance consiste à rétablir l’équilibre sans égard pour la justice. C’est, selon la loi du talion, le principe d’« œil pour œil, dent pour dent ».

Le vengeur croit agir au nom de la justice, en réalité, il la détruit autant que celui contre lequel il dirige sa vengeance. Imaginons par exemple que nous retrouvions les pneus de notre vélo crevés, nous connaissons l’auteur du délit et décidons de lui faire la même chose : cette vengeance nous soulage dans l’instant. Or, elle nous enfermera avec l’autre dans un cercle vicieux où chacun sera tantôt victime, tantôt coupable. Par ailleurs, nous savons dans notre for intérieur qu’agir ainsi n’est pas la solution et nous donne une piètre estime de nous-même.

  • La vengeance est moralement humiliante pour celui qui la subit comme pour celui qui la commet.

Dans le Gorgias de Platon, Socrate débat avec Polos, disciple de Gorgias. Selon Polos il est préférable de commettre l’injustice plutôt que la subir. Cependant Socrate n’est pas d’accord avec lui et défend l’exact inverse disant qu’il est « préférable de subir l’injustice plutôt que la commettre ». En effet, le mal causé par l’injustice que l’on commet est bien plus profond et durable sur notre âme et sur la société, que le mal qu’on subit.

  • Le malheur lié à l’injustice subit n’est qu’« apparent » car notre âme n’en sort pas corrompue.
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À retenir

Agir au nom de la justice suppose d’accepter la médiation d’un arbitre raisonnable pour régler un conflit : seule la raison du juge est impartiale. Elle évalue avec discernement la perte subie par la victime et le dédommagement nécessaire. La justice donne à chacun la possibilité morale de rester digne.

Le regret et les excuses sont possibles pour celui qui commet l’injustice et celui qui la subit peut pardonner – un effort louable qui lui permet de passer à autre chose.

L’équité

Dans la plupart des cas, la stricte application des lois est donc juste, néanmoins, elle doit l’être avec discernement pour tenir compte des cas particuliers ! Certaines circonstances peuvent mener à l’illégalité. Voler pour manger n’a pas la même valeur d’illégalité que voler en bande organisée. Tuer par légitime défense diffère de tuer de sang-froid.

  • C’est pourquoi la justice consiste à rendre un jugement équitable plutôt que légal.

Dans les cas du premier exemple, il y a vol et donc non-respect de la loi, une sanction doit par conséquent être prise. Or, elle doit l’être dans un esprit d’équité, en tenant compte de la particularité des situations.

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À retenir

Un juge équitable ne prend pas la loi au pied de la lettre. Il doit en appliquer l’esprit en tenant compte des circonstances et du contexte du délit.

L’injustice

Être juste, est-ce respecter la loi ?

Parfois, l’être humain se détourne de la loi au nom de valeurs qu’il juge moralement plus dignes : ce qui est légalement souhaitable devient secondaire. En effet, certaines lois heurtent notre idéal de justice.

  • L’esclavage, pourtant moralement injustifiable aujourd’hui, était légal dans l’Antiquité. D’ailleurs, l’esclavage ne fut aboli définitivement en France qu’en 1848…

Au XXe siècle, les lois antisémites empêchaient les Juifs d’exercer des métiers comme médecin ou professeur. À l’époque, certains réalisent que ces lois heurtent notre conscience morale mais ils s’y soumettent par peur des sanctions. D’autres suivent le règlement sans s’interroger sur la valeur morale de leurs actions. C’est ce qu’Hannah Arendt appela la « banalité du mal ».

Alt texte Photographie d’Hannah Arendt, 1933, auteur anonyme

Philosophe et politologue allemande spécialiste du totalitarisme, Hannah Arendt assista au procès de Nuremberg en 1945-1946. Ce qui la choqua alors, outre l’horreur des chefs d’accusation, fut le discours tenu par les criminels jugés. Elle ne vit pas en eux les monstres auxquels elle s’attendait mais des fonctionnaires, des personnes banales qui, selon eux, ne faisaient que suivre les ordres. Elle comprit alors que le mal n’était pas tant à chercher dans leur intention, mais dans leur capacité à stopper tout jugement critique, à arrêter de penser. Ils s’étaient pliés aux lois sans réfléchir aux conséquences.

  • Ce fut un constat bien plus effrayant que si ces criminels de guerres avaient été des psychopathes assoiffés de sang car, finalement, ces hommes n’étaient que des hommes et, au fond, n’importe qui aurait pu être à leur place.

Selon Hannah Arendt, cela montre l’importance de la pensée critique vis-à-vis des pouvoirs en place. Le propre du totalitarisme est de chercher à développer une pensée unique et de rendre les citoyens incapables de critiquer le gouvernement.

Après la Seconde Guerre mondiale l’Europe devait se reconstruire mais surtout empêcher qu’un tel drame ne se reproduise. Pour cela, il a fallu réfléchir à la situation des apatrides (personnes sans nationalité) : comment faire lorsque l’État n’assume plus ses fonctions de gardien de la paix social et de protection de ses concitoyens ? Les droits de l’Homme ne semblent être que des mots si personne n’est là pour les protéger. Ainsi est né la notion de droit d’avoir des droits, notamment théorisée par Hannah Arendt. Pour résoudre ce problème le Conseil constitutionnel a intégré le droit d’asile dans la Constitution française en 1993, afin d’accueillir des individus dont l’État ne garantit plus leur sécurité.

Droit positif et droit naturel

L’histoire d’Antigone, héroïne d’une tragédie écrite par Sophocle il y a plus de 2 400 ans, donne une idée de ce qu’est le droit naturel.

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Exemple

Antigone a deux frères, Polynice et Étéocle, qui s’entretuent pour le pouvoir. Créon, roi de Thèbes, décide de faire de Polynice un exemple et lui refuse les rites funéraires car la loi prohibe toute cérémonie religieuse aux ennemis de Thèbes. Or, Antigone refuse d’obéir et accomplit les rites funéraires pour Polynice. Voici un extrait de la tragédie où Créon questionne Antigone :

« Ainsi, tu as osé violer les lois ? »

Antigone lui répond :

« C’est que Zeus ne les a point faites, ni la Justice qui siège auprès des Dieux souterrains. Et je n’ai pas cru que tes édits pussent l’emporter sur les lois non écrites et immuables des Dieux, puisque tu n’es qu’un mortel. Ce n’est point d’aujourd’hui, ni d’hier, qu’elles sont immuables ; mais elles sont éternellement puissantes, et nul ne sait depuis combien de temps elles sont nées. Je n’ai pas dû, par crainte des ordres d’un seul homme, mériter d’être châtiée par les Dieux. »

Antigone refuse le droit positif au nom d’un droit divin. Certaines lois divines non-écrites et éternelles sont inviolables, comme le droit pour un mort d’être enterré décemment. En revanche, Créon soutient que les lois humaines ne peuvent être enfreintes pour des histoires de conviction personnelle, ainsi, selon lui, Antigone fustige la justice de sa cité en ignorant la loi. Elle est alors condamnée à mort. Dans cet affrontement, les deux protagonistes sont chacun dans leur bon droit. Antigone est dans son droit puisqu’elle agit au nom de la justice divine qu’aucune loi ne peut contrarier. Créon est dans son droit également puisque, étant garant de la stabilité de Thèbes, il doit faire respecter la justice de sa cité.

  • Il ne s’agit donc pas de prendre parti, mais de retenir les idées importantes au cœur de ce conflit.
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À retenir

D’une part, il y a le droit positif, un droit institutionnel relatif à chaque société, qui évolue. D’autre part, il y a les droits naturels dont tout être humain dispose dès sa naissance et qu’il mérite, qu’importe son origine ethnique, sociale ou géographique, mais aussi quels que soient son comportement et ses actes.

La justice doit protéger ces droits fondamentaux, inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789 comme « des droits naturels, inaliénables et sacrés de l’Homme ». Le droit positif protège les droits naturels que sont le respect des vivants et des morts, la dignité de tout être humain, sa sécurité et la préservation de sa liberté et de ses biens.

L’importance de la justice dans une société se mesure à sa capacité à préserver les droits naturels grâce à des lois. Dès qu’un pouvoir politique s’oppose à ces droits, le citoyen doit se méfier. Au nom de la justice véritable, il doit pouvoir réagir, s’insurger, critiquer la loi et la défaire. Autrement, on appelle cela le totalitarisme.

  • La démocratie offre cette possibilité, mais dans les pays autoritaires ou dictatoriaux, la résistance est souterraine.

La justice répare les inégalités naturelles

La justice est corruptrice de l’ordre naturel entre les êtres humains

Le droit naturel se réclame donc d’un ordre supérieur, éternel et universel, censé guider et améliorer le droit positif, imparfait, en le contestant par exemple. Cependant, il n’est pas si évident de se référer à un droit dit « naturel », qui mesure et juge la loi juridique.

Le terme de « naturel » est problématique. Au sens propre, un droit naturel vient de la nature. Cependant, aucune loi rationnelle n’existe dans la nature puisque la raison est humaine. Les rapports entre les animaux sont guidés par l’instinct et non par l’impartialité. C’est par instinct que la lionne mange la gazelle ou que la chatte ignore son chaton handicapé : dans la nature, seuls les plus forts survivent.

  • Pouvons-nous donc admettre un tel droit naturel dans notre société ? Cette dernière est-elle régie par les forts et les puissants ?
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Exemple

Calliclès, un des protagonistes du Gorgias de Platon, déplore que ce ne soit pas le cas : pour lui, la justice naturelle est déterminée par la force. Celui qui a une force physique ou intellectuelle, des compétences, des talents et une personnalité affirmée devrait avoir le droit de faire tout ce que lui permet sa force, en imposant ses lois aux plus faibles.

Or, l’inverse a lieu puisque les lois cherchent à protéger les faibles et les médiocres. Les faibles étant plus nombreux que les forts, et la cité athénienne étant démocratique, les lois sont donc votées par une majorité de faibles. Les individus sans force, sans talent ni personnalité s’arrangent alors pour voter des lois qui les protègent des forts.

Calliclès dit à ce propos :

« pour effrayer les plus forts, les plus capables […], les faibles disent que toute supériorité est une chose laide et injuste, et que travailler à se rendre plus puissant c’est se rendre coupable d’injustice. »

Pour lui, des inégalités naturelles existent entre les êtres humains et devraient pouvoir s’exprimer dans la cité. Les forts, ceux dotés des plus grandes qualités et des tempéraments les plus audacieux, devraient pouvoir dominer les faibles, qui ne sont pas dotés des mêmes qualités. Calliclès ajoute que les faibles défendent une vision morale de la justice en qualifiant l’individu équitable de moralement bon. A contrario, ils considèrent l’individu qui use de son pouvoir physique ou de sa ruse – au détriment du principe d’égalité – comme moralement mauvais et injuste, c’est-à-dire juridiquement punissable.

  • Calliclès propose de revenir à un droit naturel.
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À retenir

Pour être plus clair, sa position pourrait se résumer ainsi : si dès la naissance, des individus sont mieux dotés que d’autres d’un point de vue physique et intellectuel, pourquoi exiger d’eux qu’ils limitent leur puissance et leur facilité à franchir les obstacles, au nom d’un principe d’égalité ?

La justice comme équité

Le monde que propose Calliclès ne répond finalement pas à des principes équitables de justice. Si le premier droit naturel est le droit à la vie et à la sécurité pour tous, il est important de le garantir au travers de lois.

  • C’est pourquoi l’ambition de la justice sociale est de protéger les faibles des forts, en combattant les inégalités liées à la naissance.

Une société juste doit permettre à tous les êtres humains, quel que soit le hasard de leur naissance, d’avoir les mêmes chances de réussite personnelle et professionnelle. Nous ne choisissons pas le pays ou la famille dans lequel nous naissons, de la même manière nous ne décidons pas de notre quotient intellectuel ni d’un éventuel handicap. Nos caractéristiques physiques et intellectuelles sont le fruit du hasard. De même, notre capital ethnique, social et culturel est un héritage. Il est alors normal qu’en raison de leurs conditions de naissance et de vie, les plus défavorisés présentent davantage de carences que ceux mieux lotis, notamment d’un point de vue financier et culturel. Il est donc juste qu’ils soient davantage aidés.

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Exemple

Prenons un exemple concret. Si je partage un gâteau en plusieurs parts, donner une part identique à chacun ne présente aucun intérêt puisque tout le monde n’a pas le même appétit. Il semble juste que la part soit proportionnée aux besoins de chacun. C’est pourquoi dans son ouvrage Théorie de la justice écrit en 1971, le penseur Rawls défend l’égalité des chances comme moteur de la justice sociale.

  • Cher à Rawls, ce principe de l’égalité des chances doit permettre à tous un même accès aux diverses fonctions de la société.

Naître dans telle ou telle catégorie sociale, avec un faible quotient intellectuel ou un handicap n’est pas juste. L’état doit considérer les facteurs sociaux et naturels pour établir une véritable égalité des chances. Celle-ci peut mener à des inégalités si les membres les plus désavantagés de la société en retirent un avantage.

Selon Rawls, que la réussite professionnelle permette de bénéficier d’un revenu élevé est légitime, à condition que l’ensemble de la collectivité en profite également, particulièrement les plus défavorisés. Les citoyens qui perçoivent de hauts salaires paient en effet plus d’impôts. L’exemple est un peu le même pour des élèves qui seraient mis en échec scolaire dans une classe à haut niveau. Dans une logique de justice sociale où l’objectif est de donner à tous les enfants la même chance de réussite, faire profiter les élèves en difficulté de la dynamique de la classe pour progresser est plus légitime que de séparer les bons élèves des moins bons !

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Réflexion

Le « voile d’ignorance » de John Rawls

Pour appuyer son point de vue, John Rawls propose une expérience de pensée appelé le « voile d’ignorance » :
Imaginez un débat auquel participerait l’ensemble des membres de la société. Dans ce débat il est question de définir les lois les plus justes pour chacun. Assez logiquement, chacun défendrait son point de vue, son propre intérêt. Maintenant imaginez que, par magie, on applique une sorte de voile d’ignorance et chacun ne sait plus qui il est : s’il est riche ou pauvre, si c’est une femme ou un homme, s’il est handicapé ou en bonne santé, s’il habite en Dordogne ou à New York, etc. Chacun continuerait à défendre son propre intérêt, mais ne sachant pas qui ils sont, leur intérêt est alors celui de tout le monde.

Dans un cas pareil, Rawls se demande quelles lois ils décideraient. Selon lui, un tel débat aurait dégagé deux principes de justices qui sont le fondement de toute société équitable : une égalité des chances pour accéder à la place qu’on veut en société et une juste distribution des richesses. S’il doit y avoir une différence de revenus entre les personnes, alors elle doit être au bénéfice des plus pauvres.

  • Ainsi il n’est pas interdit de s’enrichir, mais avec pour condition qu’on enrichisse en même temps les plus pauvres.

On dit de cette vision de l’équité qu’elle est libérale car elle attache beaucoup d’importance à la liberté, tandis que d’autres visions, comme le communisme, sont plus tournées vers l’égalité.

Conclusion :

Il y a plusieurs façons de rendre justice. Au sens le plus évident, il suffit d’obéir à la loi pour être juste. Cependant, nous avons vu que l’obéissance aux lois d’un pays ne garantit pas toujours le respect de la justice, dès lors que certains droits essentiels aux êtres humains sont bafoués.

D’une part, désobéir à une loi peut s’avérer un devoir de notre conscience morale. D’autre part, le principe d’égalité, si cher à la justice, est ambigu. Les êtres humains naissent égaux en droit : ce n’est cependant pas le cas dans la réalité. Le rôle de la justice dite sociale est de rétablir au mieux cette égalité, en donnant à tous les mêmes chances de réussite.