De la constitution de l'Empire romain à son apogée
Introduction :
Au IIIe siècle avant J.-C., au nord de la Méditerranée, une petite république s’assure du contrôle de toute la péninsule italienne et commence à se projeter vers d’autres territoires, au-delà de la mer. Rome a dans les siècles suivants étendu son territoire sur l’ensemble de la Méditerranée, englobant de nombreux peuples. Après des décennies de guerre civile, la chute de la République et la mise en place d’un régime impérial, au premier siècle avant J.-C., permettent d’offrir à cet empire méditerranéen une ère de paix sans précédent. Cette paix romaine sera l’occasion pour Rome de diffuser son modèle sur toutes les rives de la méditerranée et de donner naissance à une civilisation méditerranéenne unifiée pour la seule fois de son histoire.
Alors, comment s’est formé et s’est maintenu l’Empire romain du Ier au IVe siècle de notre ère ?
Nous nous intéresserons à la formation de l’Empire romain en Méditerranée, puis nous nous attarderons sur les aspects spécifiques du modèle romain et sur les raisons de son maintien pendant des siècles. Pour finir, nous nous pencherons sur la romanisation.
La formation d’un Empire en Méditerranée
La formation d’un Empire en Méditerranée
Petite cité du centre de l’Italie au Ve siècle avant J.-C., Rome construit progressivement un empire qui s’étend à tout le pourtour de la Méditerranée au Ier siècle après J.-C.
Une République à la conquête du monde méditerranéen
Une République à la conquête du monde méditerranéen
Tout en ayant un régime républicain depuis le Ve siècle avant J.-C., la petite cité de Rome a conquis progressivement des territoires dans le Latium, sa région d’origine, puis s’est étendue sur toute l’Italie à la fin du IIIe siècle avant J.-C.
La deuxième guerre punique, entre -212 et -202 contre sa rivale Carthage permet à Rome de s’étendre sur d’autres territoires qui bordent la Méditerranée. Les guerres successives contre les royaumes hellénistiques (de culture grecque) ouvrent la porte de l’Orient, permettent l’expansion territoriale et la création d’un véritable empire en Méditerranée.
Empire :
Un empire (du latin imperium, le pouvoir militaire) est un ensemble de peuples ou d’États divers soumis à une même autorité.
Composée de fantassins et de cavaliers regroupés en légions, l’armée romaine est extrêmement bien organisée. Les soldats, engagés dans l’armée pour de nombreuses années, sont très bien formés et très performants au combat. La discipline règne et les généraux romains y veillent.
L’expansion romaine sur des territoires très riches excite la soif de pouvoir de personnages ambitieux. Au tournant du premier siècle avant J.-C., les dysfonctionnements de la République et les lois d’exceptions favorisent les rivalités entre ces ambitieux, entraînant avec eux une situation de guerre civile qui dure presque un siècle. En 63 avant J.-C., trois hommes politiques décident de s’emparer du pouvoir à Rome et signent un pacte pour se diviser les postes de gouvernement : c’est le triumvirat.
Composé de Crassus, Pompée et César, le triumvirat bloque le fonctionnement de la République. Après la mort de Crassus, Pompée et César vont s’affronter dans une guerre généralisée à toute la Méditerranée, à partir de l’an -49. Après avoir battu Pompée et rétabli la paix, César est assassiné en -44,alors qu’il voulait mettre en place un régime monarchique. Son meurtre relance la guerre civile dans le monde romain entre ses héritiers et les césaricides (les assassins de César). Marc Antoine et Octave, les héritiers politiques de César, se partagent l’Empire romain en deux. En -30, suite à une bataille navale perdue contre son rival Octave, Marc Antoine et son épouse Cléopâtre, la reine d’Égypte, se suicident. Après des décennies de guerre civile, Octave, le neveu de César, reste le seul maître d’un empire qui s’étend sur toute la Méditerranée.
La mise en place du régime impérial par Auguste
La mise en place du régime impérial par Auguste
Le prestige dont jouit Octave après sa victoire face à Antoine lui permet de mettre en place un nouveau type de régime : le principat. Si officiellement, Rome reste une République, les institutions sont vidées de tout pouvoir au profit d’un personnage unique, l’empereur, qui porte aussi le titre de princeps senatus, prince du Sénat. Octave fait ajouter un troisième titre, Auguste, un nom prestigieux qui reflète le caractère exceptionnel et religieux de sa fonction d’empereur.
Statue d’Auguste, premier empereur romain (-27- 14 ap J.-C.). Musée de Chiaramonti, Rome
Auguste va petit à petit s’attribuer tous les pouvoirs politiques et religieux, centralisant le pouvoir de cet empire immense dans son palais et s’entourant des plus prestigieux artistes de son temps.
Le mot français « palais », qui désigne une luxueuse résidence royale, vient du nom de la colline de Rome où Auguste avait sa demeure : le Palatin.
Le principat d’Auguste est en effet considéré comme un âge d’or pour la culture romaine, illustré notamment par l’historien Tite-Live, et qui voit aussi la construction d’ouvrages monumentaux comme le Panthéon de Rome.
Façade du Panthéon de Rome ©Roberta Dragan, septembre 2006 - CC BY-SA 2.5
N’ayant pas de fils, Auguste va désigner son fils adoptif, Tibère, comme son successeur à sa mort, en 14 après J.-C. Tibère et ses successeurs vont alors perpétuer l’œuvre d’Auguste, et font de lui un dieu pour les Romains.
Plusieurs dynasties se succèdent dans les siècles suivants. La continuité des institutions, la succession dynastique, la force de l’armée, le développement d’une administration puissante ainsi qu’une longue période de paix expliquent la longévité de l’Empire romain.
Après Auguste, très peu de territoires sont annexés. L’Empire romain est alors un territoire de paix structuré autour de son centre, Rome. Les limites de l’Empire sont matérialisées par le limes, une ligne de fortifications défendues par les troupes romaines le long des frontières de l’Empire.
L’Empire romain à travers Rome et ses provinces
L’Empire romain à travers Rome et ses provinces
Au centre de l’Empire, la ville de Rome est la vitrine de la civilisation romaine. Elle sert de modèle dans les provinces, aux quatre coins de la Méditerranée.
Rome, centre du monde romain et splendeur de la Méditerranée
Rome, centre du monde romain et splendeur de la Méditerranée
Fondée selon la légende par Romulus, la ville de Rome connaît dès la période républicaine un développement exponentiel qui en fait la plus grande ville de l’espace méditerranéen avec un million d’habitant dès le premier siècle avant J.-C.
Dans la ville convergent des milliers d’habitants, de tous les recoins de la Méditerranée, mais aussi des marchands venant de pays lointains. La ville, bâtie sur sept collines, est le terrain d’expérimentation des urbanistes et architectes de son époque. Pour alimenter la capitale en eau, les Romains vont inventer des structures qui permettent l’écoulement de l’eau depuis leur source, en montagne, jusqu’à la ville : ce sont des aqueducs. Aujourd’hui, la ville de Rome recèle de nombreux vestiges du fabuleux réseau hydraulique de l’antiquité et certains sont encore en usage.
Véritable centre de l’Empire, Rome doit briller et démontrer par sa splendeur la puissance de son Empire. C’est dans ce dessein politique qu’Auguste se vante d’avoir rebâti « cité de marbre là où il avait hérité d’une cité en briques ». À la suite d’un incendie, Auguste fait rebâtir de grands ouvrages en marbre, qu’il pare des plus belles statues de l’art grec et d’obélisques qu’il fait importer d’Égypte. Cet acte n’est pas anodin. Par ce geste, l’empereur souhaite montrer que Rome est le centre d’un monde qui s’étale sur toutes les civilisations de Méditerranée, et qu’en son centre on retrouve le meilleur de chaque culture. Les successeurs d’Auguste souhaitent aussi laisser des ouvrages grandioses, comme Vespasien qui fait bâtir entre 69 et 79 le plus grand amphithéâtre du monde romain : le Colisée.
Rome au IVe siècle, maquette réalisée par Italo Gismondi entre 1933 et 1937, musée de la civilisation romaine, Rome ©Jean-Pierre Dalbéra – CC -BY 2.0
Les provinces, lieux de diffusion du modèle romain
Les provinces, lieux de diffusion du modèle romain
L’Empire romain organise ses territoires en provinces, toutes reliées entre elles par un système dense de voies romaines. Ces dernières sont des routes qui convergent à Rome et permettent de relier toutes les villes de l’Empire, facilitant le commerce mais aussi l’envoi de troupes si besoin. Pour construire cet étroit réseau de routes, les Romains n’hésitent pas à construire des ouvrages monumentaux comme le Pont du Gard, un pont en maçonnerie servant aussi d’aqueduc d’une dimension inédite.
Le Pont du Gard est un pont-aqueduc romain, le plus haut et l’un des mieux protégé. Il est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1985. ©Benh Lieu Song, juin 2014 – CC BY-SA 3.0
Les colonies dans l’Empire sont construites sur le modèle d’une Rome à petite échelle, répliquant tous les édifices publics caractéristiques du mode de vie à la romaine.
Colonie :
Une ville fondée par Rome dans une province éloignée.
Depuis le XVIIIe siècle, le terme de colonie désigne aussi un territoire placé sous la dépendance d’un autre pays appelé métropole.
Ainsi toutes les villes de l’Empire s’organisent autour du même plan. Elles se dotent de thermes, de cirques, d’amphithéâtres, de forums et de temples. Encore aujourd’hui, des villes comme Leptis Magna, en Libye, témoignent de cette organisation typiquement romaine des villes de l’Empire.
L’ancien théâtre romain à Leptis Magna ©Daviegunn, septembre 2006
Dans les provinces, où résident des populations qui ne parlent pas latin, l’intégration au monde romain se fait par son mode de vie, ses lieux de sociabilité et ses bâtiments.
La Pax Romana
La Pax Romana
En établissant une ère de paix durable intérieure sans précédent en Méditerranée et ce jusqu’au milieu du IIIe siècle, l’Empire romain a permis à Rome de diffuser un modèle de civilisation qui va changer à tout jamais les peuples qui la côtoient.
Un empire en paix, propice au développement du commerce
Un empire en paix, propice au développement du commerce
Après sa victoire sur son rival Marc Antoine, Auguste décrète une nouvelle ère de paix sur l’ensemble du monde romain : la Pax romana. Pour symboliser cette paix retrouvée après un siècle de guerre civile et des siècles de conquêtes territoriales, Auguste fait ériger un monument à sa gloire : l’Ara Pacis.
L’Ara Pacis (l’Autel de la Paix) a été commandé par Auguste entre 13 et 9 av. J .-C., en l’honneur de la déesse de la paix, Pax. ©Manfred Heyde Cc BY-SA 3.0
Cette paix, maintenue grâce à l’armée sur l’ensemble des terres qui borde la Mer Méditerranée est propice au développement des échanges culturels et commerciaux.
Pour répondre à l’augmentation des échanges commerciaux avec ses provinces, L’empereur Claude dote Rome d’un nouveau port à Ostie, à l’embouchure du fleuve Tibre. Dénommé Portus, il est relié au Tibre par un canal, une voie d’eau artificielle facilitant le déplacement des navires pour alimenter la capitale. Rome s’appuie sur ses riches provinces pour alimenter sa population de près d’un million d’habitants. Les empereurs s’appuient sur l’annone, un système de distribution gratuite de nourriture, pour nourrir les pauvres.
L’Empire romain permet à tout l’espace méditerranéen d’échanger ses produits, mais attire également les routes commerciales venues de pays étrangers, comme la route de la soie, qui permet des échanges avec l’empire chinois.
C’est en empruntant les routes de commerce en Méditerranée que vont se diffuser les différents cultes présents dans l’Empire romain. Ainsi, dès l’époque d’Auguste, on retrouve des temples d’Isis, une déesse égyptienne, à Rome ou même en Gaule. Ce culte deviendra très important dans l’aristocratie impériale. De même le manichéisme et le culte de Mitra, qui viennent tous deux de Perse, connaîtront une propagation dans tout l’Empire à partir de ses ports commerciaux.
Au premier siècle, une nouvelle communauté religieuse se crée en Orient : le christianisme. Issue de la religion juive, ses disciples considèrent que Jésus est le messie envoyé sur Terre par Dieu pour propager son message au monde. Après avoir été crucifié par les autorités romaines à Jérusalem, le souvenir de Jésus permet de souder sa communauté de fidèles qui vont œuvrer pour créer des églises (du grec ekklesia : assemblée des croyants) dans les ports romains, diffusant ainsi son message. Appelés chrétiens, ils sont monothéistes, c’est-à-dire qu’ils croient en un Dieu unique.
Stèle funéraire de Licinia Amias, IIIe siècle, nécropole du Vatican. La stèle représente des poissons, symbole chrétien permettant aux fidèles du Christ de se reconnaitre secrètement car leur religion est persécutée
Cela perturbe l’ordre public romain, car même si de nombreux romains de l’élite se convertissent, les empereurs sont toujours divinisés et la population doit leur rendre hommage dans des temples par des sacrifices. En refusant de se soumettre au culte à l’empereur, les chrétiens s’exposent à des persécutions : ils sont pourchassés, arrêtés, jetés aux lions ou exécutés en public.
La romanisation de la société
La romanisation de la société
Si les chrétiens sont victimes de persécutions pour ne pas se soumettre publiquement à l’empereur, on constate assez peu d’insurrections contre Rome. Tout d’abord, il faut noter que les rares rebellions sont réprimées par la force par les légions romaines, comme la révolte de la Judée entre 66 et 73, qui se termine en bain de sang et par la déportation de la population juive de la province, qui devra former des diasporas dans les villes de l’Empire.
Diaspora :
Dispersion d’une communauté à travers différents territoires.
Ce qui explique surtout l’absence de révoltes par rapport à la domination romaine est l’apport civilisationnel de l’Empire aux peuples des provinces. Les Romains favorisent une ère de paix propice au commerce et au développement économique. De plus, les empereurs dotent toutes les villes de l’Empire d’infrastructures modernes à l’image de la capitale. Les élites des provinces intègrent la société romaine qui est ouverte et permet les ascensions sociales.
L’intégration à la citoyenneté romaine permet aux différentes populations de la Méditerranée d’obtenir des droits et des devoirs vis-à-vis de la communauté civique. L’octroi de la citoyenneté romaine pour les populations des provinces s’accélère avec la mise en place du régime impérial et ce jusqu’à l’édit de Caracalla en 212, qui concède à tous les hommes libres de l’Empire le statut de citoyen romain.
Le droit romain, qui a la particularité d’être écrit là où la majorité des peuples d’alors le considèrent comme oral et coutumier, est un véritable changement pour les peuples de la Méditerranée : il permet à chacun de connaître ses droits et devoirs et de se référer à un document écrit. Cette intégration à la citoyenneté romaine s’accompagne, un peu partout dans l’Empire et surtout en occident, d’une certaine romanisation des peuples de l’Empire. Ces peuples conquis, en particulier les élites, adoptent le latin, ont souvent recours au droit romain, intègrent les dieux des vainqueurs à leurs panthéons, suivent le mode de vie romain. Toutefois, cette romanisation ou expansion de l’influence romaine, n’est ni forcée ni totale. Dans chaque province de l’Empire, des spécificités religieuses, linguistiques et culturelles persistent.
Conclusion :
Après avoir unifié un territoire immense autour de la Mare Nostrum (« Notre mer » en latin, surnom donnée par les Romains à la Méditerranée), les Romains ont, grâce à la stabilité du régime impérial, permis la mise en place d’une paix multiséculaire (qui dure plusieurs siècles). Cette dernière a favorisé le développement d’une culture commune et la diffusion du modèle romain, qui s’est révélé très intégrateur pour les peuples qui lui sont soumis. La romanisation de l’espace méditerranéen permet de créer une véritable civilisation qui rayonne sans contestation à son apogée, au IIIe siècle.