Violence et société
Introduction :
Les violences meurtrières de l’histoire contemporaine – notamment celle des deux guerres mondiales – ont amené les penseurs du XXe siècle à s’interroger sur les causes et les origines de cette dernière. Cette interrogation s’accompagne d’un nouvel examen critique de l’ancienne confiance qui croyait en un progrès continu de la civilisation, celle de l’humanisme comme celle des Lumières.
Au fond, n’est-ce pas la violence qui constitue le moteur et le contenu même du progrès humain, « progrès », ici, s’entendant au sens d’une évolution, positive ou négative ? Après tout, nos nouvelles inventions scientifiques et technologiques ne sont-elles pas aussi les armes de notre autodestruction ? Nos machines de guerres et nos procédures d’extermination ne sont-elles pas des moyens que nous nous donnons, par lesquels nous faisons l’expérience irréductible de la violence ? Se pose alors la question de savoir si la violence humaine est naturelle et universelle (elle existerait en tout lieu et en tout temps) et, en ce sens, irréductible, ou si celle-ci est le résultat d’un contexte culturel et historique particulier, accidentel, c’est-à-dire qui aurait pu être évité. Faut-il concevoir notre violence comme un destin, un déterminisme anthropologique contre lequel on ne pourrait lutter ?
La violence est-elle naturelle ou culturelle ?
Les origines de la violence
Les origines de la violence
La Première Guerre mondiale a fait énormément de morts, et notamment chez les civils. Après la Grande Guerre, de nombreux scientifiques, sociologues, psychologues et philosophes se sont demandé si cette barbarie aurait pu être évitée. Sur le plan philosophique, la violence pose la question de la nature humaine : est-elle foncièrement mauvaise, ou peut-elle être bonne ?
Sigmund Freud (1856-1939) est un neurologue autrichien, fondateur majeur de la psychanalyse.
Freud a fourni une explication du phénomène de violence, notamment en période de guerre. Pour lui, la violence humaine est naturelle et tient dans la pulsion de mort qui nous constitue biologiquement, nous détermine d’un point-de-vue psychique et comportemental. La guerre et la mort sont liées en ceci que la guerre devient l’occasion par laquelle l’homme a la permission et même l’obligation du tuer. La paix est un moment de répression des pulsions meurtrières et la guerre est le moment où, cette répression étant levée, l’être humain déchaine ses pulsions.
Sigmund Freud, vers 1921, ©Max Halberstadt
Dans un texte intitulé « Considérations sur la guerre et la mort », publié dans le livre Essais de psychanalyse, Freud donne ses impressions après la Première Guerre mondiale et propose une analyse des causes troubles de cette dernière, non pas d’un point de vue historico-politique, mais sur le plan psychologique.
« Entraînés dans le tourbillon de ce temps de guerre, insuffisamment renseignés, sans un recul suffisant pour porter un jugement sur les grands changements qui se sont déjà accomplis ou sont en voie de s’accomplir, sans échappée sur l’avenir qui se prépare, nous sommes incapables de comprendre la signification exacte des impressions qui nous assaillent, de nous rendre compte de la valeur des jugements que nous formulons. Il nous semble que jamais un événement n’a détruit autant de patrimoine précieux, commun à l’humanité, n’a porté un tel trouble dans les intelligences les plus claires, n’a aussi profondément abaissé ce qui était élevé. La science elle-même a perdu sa sereine impartialité ; ses serviteurs, exaspérés au plus haut degré, lui empruntent des armes, afin de pouvoir contribuer, à leur tour, à terrasser l’ennemi. L’anthropologiste cherche à prouver que l’adversaire appartient à une race inférieure et dégénérée ; le psychiatre diagnostique chez lui des troubles intellectuels et psychiques. Mais il est probable que nous subissons d’une façon trop intense les effets de ce qu’il y a de mauvais dans notre époque, ce qui nous enlève tout droit d’établir une comparaison avec d’autres époques que nous n’avons pas vécues et dont le mal ne nous a pas touchés.
L’individu, qui n’est pas combattant et ne forme pas un rouage de la gigantesque machine de guerre, se sent désemparé, désorienté, diminué au point de vue du rendement fonctionnel. Aussi acceptera-t-il sans doute avec empressement toute indication susceptible de l’aider, tant soit peu, à s’orienter dans ses idées et sentiments. Parmi les facteurs qu’on peut considérer comme les causes de la misère psychique des hommes de l’arrière et contre lesquels il leur est difficile de lutter, il en est deux que je me propose de faire ressortir et d’examiner ici : la déception causée par la guerre et la nouvelle attitude, qu’à l’exemple de toutes les autres guerres, elle nous impose à l’égard de la mort. »
Sigmund Freud, Essais de psychanalyse, « Considérations sur la guerre et la mort », 1915.
À l’occasion de la Première Guerre mondiale qui se déroula entre 1914 et 1918, Freud changea son optique sur la nature humaine. Selon le psychanalyste l’être humain a un appareil psychique composé de trois instances : le ça, le moi et le surmoi. Il faut s’arrêter sur le « ça », qui est le pôle pulsionnel de la personnalité. Il existe, pour Freud, deux catégories de la pulsion :
- la pulsion de vie, nommée « Éros », du dieu grec de l’amour, et dont le concept renvoie à l’idée d’une pulsion sexuelle pacifique et destinée à donner la vie ;
- et la pulsion de mort, nommée « Thanatos », du dieu grec de la mort, et dont le concept renvoie à l’idée d’une pulsion qui tend à la destruction de l’autre et de soi-même.
Les morales que nous avons établies (celle du « moi » et celle du « surmoi ») sont les réponses à la question : pourquoi l’humanité existe-t-elle toujours si nous sommes tous dominés par la pulsion de destruction ? Ou encore, pour le dire autrement : si nous sommes des êtres foncièrement violents et meurtriers, comment expliquer les moments de paix ?
Selon Freud, la morale existe afin de sublimer la pulsion (l’exprimer dans des formes acceptables), la contrôler (lui fixer des règles strictes) ou, plus radicalement, la censurer. Ce qui constitue au fond une autre forme de violence, moins visible, à laquelle le sens commun adhère.
Dans l’extrait ci-dessus, deux affirmations sont importantes car elles constituent les deux points que Freud développe dans son écrit : il s’agit de « la déception causée par la guerre » ainsi que de « la nouvelle attitude, qu’à l’exemple de toutes les autres guerres, elle nous impose à l’égard de la mort ».
D’une part, la « déception » en question est liée à l’échec d’un espoir, celui de voir les guerres cesser. Au lieu de cela, la guerre de 1914-1918 a été l’une des guerres les plus violentes. Elle a eu lieu alors même que nous ne voulions pas y croire. Cette désillusion est marquée par deux faits que Freud reconnaît : l’immoralité des États et la barbarie des individus, la seconde étant légitimée par l’attitude des premiers. La brutalité aura été celle « à laquelle on ne se serait pas attendu de la part de ces représentants de la plus haute civilisation humaine. »
D’autre part, « la nouvelle attitude » face à la mort consiste, tout simplement et brutalement, à cause des sombres évidences de la guerre, à prendre conscience que celle-ci est réelle. Selon Freud, avant la guerre « nous tendions de toutes nos forces à écarter la mort, à l’éliminer de notre vie ». Nous pouvions le faire en tant de paix. Elle était un sujet tabou qu’on pouvait dissimuler. La mort s’est rappelée à nous comme une réalité inévitable . Elle s’est imposée brutalement dans un conflit sans précédent. Suite à ce traumatisme partagé qui marqua l’histoire du XXe siècle, la mort ne peut plus être écartée ni du réel, ni de nos mémoires, ni de nos consciences.
Existe-t-il une bonne agressivité ?
Existe-t-il une bonne agressivité ?
Mais toute violence est-elle mauvaise ? Ne parle-t-on pas aussi d’instinct de vie, d’autoconservation, de lutte pour la vie au sens de Darwin. Dès lors, une violence naturelle n’est-elle pas aussi vitale ? Faut-il alors parler de violence ou d’agressivité ?
Konrad Lorenz a travaillé sur l’agressivité animale au XXe siècle. Par son travail, il a comparé les caractéristiques de la violence humaine à celles des autres violences animales.
Konrad Lorenz (1903-1989) était un biologiste et zoologiste autrichien, prix Nobel de physiologie et médecine, spécialiste d’éthologie (étude des comportements des animaux sauvages et domestiques).
Konrad Lorenz, 1er janvier 1973, ©Archives de la fondation Nobel
Dans son livre L’Agression, une histoire naturelle du mal, Lorenz établit une comparaison entre l’agressivité animale et l’agressivité humaine primaire mais toujours présente en nous. L’analyse s’articule autour d’une notion majeure : l’inhibition de la pulsion agressive et ses cas d’exception.
Inhibition :
Le concept d’inhibition désigne le processus physiologique empêchant, ici, un comportement comme l’agressivité meurtrière systématique.
« […] j’ai parlé d’inhibition contrôlant l’agression chez différents animaux sociaux et les empêchant de blesser ou de tuer leurs frères de race. J’ai expliqué que ces inhibitions sont de la plus grande importance et, partant, très différenciées surtout chez les animaux capables de tuer des créatures d’à peu près leur taille. Un corbeau peut arracher d’un seul coup de bec l’œil d’un autre corbeau ; un loup peut ouvrir d’une seule morsure la veine jugulaire d’un autre loup. Il n’y aurait plus depuis longtemps ni corbeaux, ni loups, si des inhibitions sûres et éprouvées n’empêchaient pas cela. Le pigeon, le lièvre et même le chimpanzé ne peuvent pas tuer un de leurs congénères d’un seul coup. Par-dessus le marché, les animaux possédant des armes relativement faibles par rapport aux autres, ont de meilleures capacités de fuite, leur permettant d’échapper même aux “prédateurs de métier”, bien plus capables de chasser, d’attraper et de mettre à mort que le plus qualifié de leurs congénères. Dans la nature libre, il est donc rarement possible qu’un tel animal cause des dommages sérieux à un autre de la même espèce ; en conséquence, aucune pression de la sélection n’est à l’œuvre pour faire évoluer des inhibitions anti-meurtres. L’éleveur d’animaux se rend compte – à ses dépens et à ceux des animaux – de l’absence de ces inhibitions s’il ne prend pas au sérieux les combats intraspécifiques1 entre animaux complètement “inoffensifs”. Dans les conditions artificielles de la captivité où le vaincu ne peut pas échapper au vainqueur par une fuite rapide, il arrive toujours que ce dernier le tue cruellement et laborieusement. Même la colombe, symbole de la paix, n’est gênée par aucune inhibition pour torturer une de ses sœurs jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Les anthropologues qui étudient les australopithèques ont souvent souligné que ces chasseurs, précurseurs de l’être humain, nous ont légué ce dangereux héritage qu’ils appellent une “mentalité de carnivore”. Or, cette constatation confond les concepts de carnivore et de cannibale qui, pourtant, dans une large mesure, s’excluent mutuellement. En définitive, il faut plutôt déplorer que l’homme ne possède pas de mentalité de carnivore. Tout le malheur vient précisément du fait qu’il est au fond une créature inoffensive et omnivore, ne possédant pas d’arme pour tuer de grandes proies et, par conséquent, dépourvu de ces verrous de sécurité qui empêchent les carnivores “professionnels” de tuer leurs camarades de même espèce. Il arrive qu’un loup ou un lion en tue un autre, dans de très rares cas, par un geste de colère. Mais, tous les carnivores bien armés possèdent des inhibitions fonctionnant avec une sécurité suffisante pour empêcher l’autodestruction de l’espèce. »
Konrad Lorenz, L’Agression, une histoire naturelle du mal, 1963.
1 Entre animaux de la même espèce.
Ainsi, s’il existe des inhibitions de la violence pour des raisons qui sont liées à la survie de l’espèce ou du groupe, c’est que la violence qui a quand même lieu possède sa raison d’être biologique, la même que pour son inhibition : la survie, plus précisément la survie d’un individu tant qu’elle n’est pas incompatible avec celle de l’espèce.
« À quoi le mal est-il bon ? » se demande Lorenz. Le mal résulte de l’action contre un être (la lionne contre une gazelle, et non tout le troupeau ou toute l’espèce) ; ce mal est bon quand, contribuant à la survie des individus, il contribue en même temps à la survie de l’espèce. Pour le dire autrement : jamais les lions n’ont cherché à exterminer les gazelles. Dès lors, sans le phénomène d’agression, la vie perdrait de son élan. Pour ce qui est de l’être humain, celui-ci est initialement un être faible, incapable de détruire une autre espèce. De plus, l’invention technique, par laquelle il comble ses faiblesses naturelles, s’accompagne du sens de la responsabilité lié à l’usage de l’invention technique. Sinon, pour Lorenz, l’espèce humaine aurait disparu dès l’invention de la hache. Nous éprouvons, en règle générale, une répugnance à tuer autrui de nos propres mains.
Le problème réside dans l’invention des meurtres à distance, comme donner à un subalterne l’ordre de tuer ou appuyer sur le bouton rouge déclenchant une bombe atomique. Hitler a-t-il tué un homme de ses propres mains ? « L’homme qui appuie sur un bouton est complètement protégé des conséquences perceptives de son acte » écrit Lorenz : ce qui est vrai à propos de la guerre atomique se vérifie déjà dans la chasse. Lorenz remarque qu’il y aurait moins de chasseurs s’il fallait chasser comme la lionne, courir et tuer le gibier avec ses ongles et ses dents, et le dévorer sur place.
Tuer un de nos semblables nous répugne tellement que dans le cadre de la « solution finale » pendant la Seconde Guerre mondiale, il a été décidé de tuer par le gaz plutôt que de continuer à fusiller. On peut d’abord penser qu’il s’agissait d’une simple volonté d’économiser les munitions, mais la véritable raison était ailleurs. La vision du massacre était si insupportable pour les soldats nazis qu’il fallut la cacher aux yeux même des bourreaux.
L’homme ne semble donc pas être mauvais en soi, fondamentalement et originellement violent et exterminateur, car il est naturellement faible. C’est surtout le manque de recul et parfois de morale à l’égard de ses armes et de ses outils (sa technologie) qui le rend destructeur et autodestructeur, et au fond socialement inadapté. C’est ainsi que Hannah Arendt, politologue et philosophe du XXe siècle, développa le concept de « banalité du mal ».
Les formes rituelles et sublimées de la violence
Les formes rituelles et sublimées de la violence
Si l’homme est violent et accepte même parfois de supporter l’immonde violence qu’il fait subir à autrui, c’est aussi qu’il a su donner à cette dernière des formes « acceptables » et des raisons d’être collectives. C’est en ce sens que René Girard voit dans certaines pratiques l’expression d’une sublimation de la violence humaine.
René Girard (1923-2015) est un anthropologue, historien et philosophe français, professeur de littérature comparée à l’université Stanford et élu à l’Académie française en 2005.
René Girard en 2007, domaine public
René Girard élabora la théorie mimétique du désir selon laquelle tout désir humain n’est pas un désir propre mais une tendance imitée de ce que l’on voit du désir de l’autre. Nous désirons par le fait même qu’il désire (et qui nous donne envie de désirer) et ce qu’il désire (et qui donne envie de désirer ce qu’il désire). Le désir est donc un élément majeur des rapports de rivalité, de jalousie et de domination que nous entretenons mutuellement dans la société et à l’occasion de cérémonies religieuses. En effet, l’exemple donné par René Girard est celui du bouc-émissaire. Dans le livre La Violence et le Sacré, l’auteur explique comment le désir mimétique conduit à l’apparition de conflits et d’actes de violences répétitifs qui structurent les groupes. La violence collective se manifeste et se focalise sur une victime solitaire – ou un groupe spécifique de victimes – nommée « bouc émissaire », victime sacrificielle qui sert de prétexte et de défouloir et sur laquelle tous se déchaînent.
- Cette focalisation de la violence de tous permet d’éviter une violence généralisée, chaotique et sans règles, où tout le monde agresserait tout le monde dans toutes les situations de désir et de rivalité.
La religion et le rite sacrificiel sont donc envisagés comme moyens de régulation de la violence sociale et principes de cohésion sociale. Le sacrifice permet de chasser rituellement, c’est-à-dire dans des formes conventionnelles et acceptables, la violence qui menace la communauté et qui viendrait de l’extérieur ou d’un être considéré comme anormal dans la société.
La théorie de René Girard permet de fonder une nouvelle anthropologie de la violence dans son lien au phénomène religieux. L’intérêt de cette étude contemporaine est de permettre de revenir sur des faits humains anciens sous un angle jusque-là non exploité et d’apporter une nouvelle thèse sur la question de la violence humaine. Le fait culturel religieux serait donc, selon l’anthropologue, une sublimation de la violence naturelle. René Girard explique ainsi la synthèse entre la violence humaine comme tendance naturelle de l’homme (celle du désir) et ses formes culturelles, comme les rites religieux.
Dans l’extrait qui suit, René Girard explique comment une violence, sous couvert de morale socio-religieuse, peut devenir violence légitime. Le sacrifice et la mort de l’individu sacrifié viennent sauver la vie du groupe, notamment dans la confusion volontaire, acceptée de tous, entre justice et vengeance, où la vengeance est sublimée par des procédés qui ressemblent à ceux de la justice, c’est-à-dire de l’évaluation équitable.
« Une fois qu’il n’y a plus de transcendance1, religieuse, humaniste, ou de tout autre sorte, pour définir une violence légitime et garantir sa spécificité face à toute violence illégitime, le légitime et l’illégitisme de la violence sont définitivement livrés à l’opinion de chacun, c’est-à-dire à l’oscillation vertigineuse et à l’effacement2. Il y a autant de violences légitimes désormais qu’il y a de violents, autant dire qu’il n’y en a plus du tout. Seule une transcendance quelconque, en faisant croire à une différence entre le sacrifice et la vengeance, ou entre le système judiciaire et la vengeance, peut tromper durablement la violence. […]
Le religieux est donc loin d’être “inutile”. Il déshumanise la violence, il soustrait à l’homme sa violence afin de l’en protéger, faisant d’elle une menace transcendante et toujours présente qui exige d’être apaisée par des rites appropriés ainsi que par une conduite modeste et prudente. Le religieux libère vraiment l’humanité car il délivre les hommes des soupçons qui les empoisonneraient s’ils se remémoraient la crise telle qu’elle s’est réellement déroulée.
Penser religieusement, c’est penser le destin de la cité en fonction de cette violence qui maîtrise l’homme d’autant plus implacablement que l’homme se croit plus à même de la maîtriser. C’est donc penser cette violence comme surhumaine, pour la tenir à distance, pour renoncer à elle. Quand l’adoration terrifiée faiblit, quand les différences commencent à s’effacer, les sacrifices rituels perdent leur efficacité : ils ne sont plus agréés3. Chacun prétend redresser lui-même la situation mais personne n’y parvient : le dépérissement même de la transcendance fait qu’il n’y a plus la moindre différence entre le désir de sauver la cité et l’ambition la plus démesurée, entre la piété la plus sincère et le désir de se diviniser. »
René Girard, La Violence et le Sacré, 1972.
1 La transcendance désigne un principe qui dépasse l’individu.
2 Selon René Girard, en l’absence de principe transcendant pour stabiliser la frontière entre le légitime et l’illégitime, cette dernière a tendance à bouger facilement (« oscillation vertigineuse ») voire à s’effacer complètement (« effacement »).
3 Ne sont plus acceptés comme légitimes.
Conclusion :
Ainsi si la violence est propre à l’être humain, la question qui se pose n’est plus de savoir si on peut éviter la violence pour vivre dans un état de paix perpétuelle comme le voulait Kant, mais de savoir comment diminuer la violence humaine. À quelle condition peut-on réduire la violence humaine ?