Le Mariage de Figaro
Le Mariage de Figaro, Beaumarchais : le valet, personnage central de la comédie
Introduction :
La comédie, qui cherche à amuser, est le genre populaire par excellence. Les valets et leurs équivalents féminins les servantes, de condition modeste, en sont des personnages types. Ils représentent le petit peuple, contrastant ainsi avec leurs maîtres, issus de la bourgeoisie ou de l’aristocratie. Cette figure traditionnelle a connu une évolution parallèle à celle des sociétés : des esclaves de la comédie antique aux valets du XVIIIe siècle, tels Figaro. Ils ont pris le premier rôle et se sont individualisés, sortant des archétypes anciens pour devenir des figures plus complexes et plus proches de la réalité et des idées de leur époque.
Nous étudierons dans un premier temps l’évolution et la permanence de cette figure comique avec, pour références, des personnages célèbres de valets. Puis nous préciserons les origines du Figaro de Beaumarchais et dessinerons son évolution entre la première pièce qui le met en scène, Le Barbier de Séville, et celle qui est considérée comme le chef-d’œuvre de Beaumarchais : Le Mariage de Figaro. Enfin, à partir d’un extrait du Mariage (acte II, scène 2), nous déterminerons une des fonctions attachées au valet de comédie, celle de constituer un moteur indispensable de l’action en s’opposant aux projets de son maître.
Le valet dans la comédie avant la naissance de Figaro
Le valet dans la comédie avant la naissance de Figaro
Les esclaves du théâtre antique
Les esclaves du théâtre antique
Depuis l’Antiquité, les personnages de serviteurs sont au cœur de la comédie. C’est la « nouvelle comédie », celle du grec Ménandre (vers 340 av. J.-C. - 292 av. J.-C.) qui, en puisant ses sujets dans l’univers familial et ses conflits, met au cœur de l’intrigue des esclaves au service de la maison.
Les comédies de Ménandre inspireront des auteurs latins, tels Plaute (vers 254 av. J.-C. - 184 av. J.-C.). Sosie est un des personnages de la comédie de Plaute intitulée Amphitryon.
Remarque :
Cette pièce a été reprise notamment en 1668 par Molière sous le même titre et par Jean Giraudoux en 1939 sous le titre Amphitryon 38. Ce dernier estimait qu’il proposait la 38e version du mythe narrant les mésaventures conjugales du général romain éponyme de la pièce.
Jupiter, amoureux d’Alcmène, profite du départ pour la guerre de son époux : Amphitryon. Il prend l’apparence de ce dernier et fait endosser celle de son serviteur Sosie au dieu Mercure. Le faux Sosie doit annoncer à Alcmène le retour inopiné de son mari, de façon à ce que Jupiter profite pendant une nuit des faveurs de cette épouse fidèle. Le vrai Sosie est lui retenu en dehors de la maison.
- Les ressemblances entre le faux et le vrai esclave créent des effets comiques reposant sur le quiproquo.
Quiproquo :
Malentendu faisant prendre une personne ou une chose pour une autre.
La réapparition du personnage dans le théâtre de Molière entraînera par antonomase la transformation du nom propre « Sosie » en nom commun pour désigner un individu particulièrement ressemblant à un autre : un sosie.
Dans la comédie antique, l’esclave est un « type » ou un « archétype » : il est d’emblée identifiable par son langage, ses vêtements, le rôle qui lui est attribué. Et ce, au même titre que les personnages de père (avare et autoritaire), de jeune maître amoureux, de nourrice, d’entremetteur·euse, ou de parasite.
Archétype :
Modèle dont toutes les incarnations sont des copies. Au théâtre, on parlera d’un personnage type qui servira de modèle scénaristique à toute une lignée de personnage du même type.
La commedia dell’arte
La commedia dell’arte
L’esclave devient valet dans la commedia dell’arte, théâtre populaire italien né au XVIe siècle et reposant sur une grande part d’improvisation. Ce théâtre reprend les types comiques de la « nouvelle comédie » antique : les personnages y portent des habits et des masques aussitôt identifiables comme Pantalone (Pantalon), le vieillard avare et libertin.
Pantalone et son masque, figure du théâtre populaire italien, 1550
Les valets, ou zanni en italien, tirent leur vis comica (« force comique ») de leur stupidité ou, au contraire, d’une forme d’intelligence qui les amène à se sortir des situations les plus compliquées par la ruse, l’intrigue, ou même la fourberie.
Arlequin © CC BY-SA 3.0
Arlequin et son habit reconnaissable à ses losanges, tantôt balourd, tantôt malin, en est un représentant. Il incarne le glouton paillard.
Dans Arlequin serviteur de deux maîtres, de Carlo Goldoni (1745), Arlequin réussit à duper les deux maîtres qu’il sert en même temps sans qu’aucun des deux ne le sache. Jusqu’à ce que, par inadvertance, il en vienne à mélanger leurs affaires et provoque ainsi la rencontre des deux maîtres : on découvre alors qu’il s’agissait de deux amants à la recherche l’un de l’autre. Ce sont les pitreries et les manigances d’Arlequin qui donnent sa force comique à la pièce, ainsi que son erreur d’inattention qui retourne la situation en faveur des jeunes gens amoureux.
Les valets chez Molière
Les valets chez Molière
Le théâtre de Molière s’inspire à la fois de la comédie antique, de la farce médiévale et de la commedia dell’arte.
- Les valets y ont la part belle.
On peut citer les exemples de Maître Jacques dans L’Avare, de Sganarelle dans Dom Juan, de Scapin dans Les Fourberies de Scapin ou, pour le versant féminin, de Dorine dans Le Tartuffe.
Ces domestiques n’ont que rarement des fonctions précises à accomplir dans la maison ; Maître Jacques, un cas exceptionnel, est qualifié de « cocher » et de « cuisinier ». De même qu’Alain et Georgette ont pour mission de surveiller Agnès dans L’École des femmes.
Mais ils sont surtout caractérisés par leur proximité, voire leur familiarité, avec leur maître respectif.
Sortis du carcan des archétypes, ils ont leur caractère propre.
Mais leurs points communs sont :
- d’être au courant de tout ;
- de dire ce qu’ils pensent ;
- d’entreprendre des actions très souvent en opposition avec celui auquel ils devraient normalement obéissance.
- Ils se divisent toutefois en deux catégories, comme dans la comédie italienne : les idiots et les vifs d’esprit, souvent fourbes.
Scapin dans Les Fourberies de Scapin est rusé et vif ; Sganarelle, dans Dom Juan est un esprit simple. Mais ce dernier peut, par moments, incarner un certain bon sens populaire : comme lorsqu’il reproche à son maître de promettre le mariage à tour de bras pour servir ses projets de séduction.
On peut donc se demander pour quelles raisons les valets ont été, à travers les siècles, des personnages récurrents dans la comédie.
Les causes de la permanence des valets dans le théâtre comique
Les causes de la permanence des valets dans le théâtre comique
Une réalité historique et sociale
Une réalité historique et sociale
La persistance des personnages de serviteurs dans le théâtre (d’abord esclaves dans l’Antiquité, puis valets) s’explique par le maintien jusqu’à une période relativement récente d’une société fondée sur de forts rapports hiérarchiques inégalitaires.
En France, c’est la Révolution de 1789 qui renversera l’Ancien Régime. Dès lors, le théâtre, en prise avec les réalités sociales, évoluera en parallèle.
- Annonciateur de ces transformations, le valet dans le théâtre du XVIIIe siècle devient un personnage contestataire et critique d’un certain ordre social. Il s’émancipe et porte en germe les idées des Lumières. Il critique la légitimité de son maître, il dénonce les abus de pouvoir (voir cours 18).
Remarque :
À partir du XIXe siècle, les valets perdent leur place centrale au théâtre comique. Si on voit encore des laquais et des femmes de chambre dans le théâtre de boulevard de Feydeau (1862-1921) ou de Courteline (1858-1929), ils n’ont plus que des rôles secondaires.
La permanence des valets au théâtre s’explique aussi par leur fonction comique.
La force comique des valets
La force comique des valets
Le succès de ce type de personnage repose sur sa force comique. Elle naît de la relation ambivalente qui se crée entre lui et le spectateur.
- Quand le valet fait preuve de bêtise et de maladresse, le spectateur, qui se sent supérieur, rit de l’idiotie du personnage.
- Quand, au contraire, le valet triomphe des obstacles par son intelligence ou sa rouerie, le spectateur s’identifie au héros et rit de contentement et d’approbation devant la victoire du faible sur le puissant.
- Le valet symbolise alors les aspirations de tout un chacun pour une société juste dans laquelle les faiblesses sont punies et les qualités récompensées.
Une des fonctions de la comédie résumée dans la devise latine : Castigat ridendo mores (« elle corrige les mœurs en faisant rire »), est ainsi accomplie par les valets.
Toutes les formes de comique sont déclinées par les valets.
Les six types de comique sont le comique de gestes, le comique de mots, le comique de situation, le comique de caractère, le comique de répétition et le comique de mœurs.
- Le comique de gestes est lié au corps du personnage, à ses grimaces, et ses pitreries ; mais aussi aux bastonnades qu’il reçoit de son maître (Sganarelle reçoit un coup de Dom Juan acte II, scène 3) ou qu’il lui donne (Scapin donne des coups de bâton à Géronte enfermé dans un sac en prenant la voix d’un spadassin, acte III, scène 2).
- C’est celui que les dramaturges ont le plus dévolu aux valets.
- Le comique de mots repose sur une certaine façon de parler, un accent particulier, des fautes de français, des déformations de mots. Figaro, acte III, scène 5 prétend que l’expression « God-dam » est « le fond de la langue anglaise » et qu’on peut tout dire et se tirer de toutes les situations en le prononçant.
- Le comique repose ici sur le sens de ses propos autant que sur la répétition du fameux « God-dam ».
- Le comique de situation est créé par des rebondissements, des coïncidences, des retournements qui créent des effets de surprise. Il est partout à l’œuvre avec les valets qui prennent des initiatives et se retrouvent parfois confrontés à de grosses difficultés : ainsi Arlequin dans Arlequin serviteur de deux maîtres, doit, à l'heure du service, faire son office pour deux maîtres dînant en même temps dans deux endroits différents.
- Cela entraîne bien sûr beaucoup de mouvement et d’agitation, le comique de gestes servant alors le comique de situation.
- Le comique de caractère s’attache à dénoncer par le ridicule les travers et vices humains en forçant le trait par la caricature. Il est souvent incarné par un personnage entêté, incapable de discernement et victime de ses obsessions (cf. l’avare)
- En réalité, ce sont ceux des maîtres plutôt que ceux des valets qui sont visés dans la comédie.
Ainsi dans le Mariage, Beaumarchais montre la frivolité et le libertinage d’une société décadente représentée par le comte Almaviva.
Quant à Figaro, il est doué d’une vraie psychologie. Certains aspects contradictoires de sa personnalité prêtent à rire : dans l’acte IV scène 13 par exemple, il assure Marceline que la jalousie ne peut avoir de prise sur lui car elle « n’est qu’un sot enfant de l’orgueil, ou c’est la maladie d’un fou ». Or, dès la scène suivante, croyant que Suzanne le trompe, il se montre jaloux.
- L’effet de contraste provoque ici le comique.
Figaro est le valet le plus célèbre du théâtre français du XVIIIe siècle.
Nous allons étudier les spécificités de ce personnage et l’une de ses fonctions dans Le Mariage de Figaro en nous appuyant plus particulièrement sur la scène 2 de l’acte II.
Figaro
Figaro
Origines et originalité de Figaro
Origines et originalité de Figaro
Le personnage de Figaro est une création de Beaumarchais. Son nom pourrait être une contraction de « fils » et de « Caron », Pierre-Augustin Caron étant le vrai nom de Beaumarchais. Cette généalogie soulignerait la grande proximité du créateur et de sa créature, Figaro se constituant ainsi en une sorte de double ou de descendant du dramaturge.
Mais le personnage est peut-être aussi inspiré d’une comédie de 1712, aujourd’hui perdue, intitulée Les Aventures de Figuereau. Figuaro, l’orthographe primitive du nom du valet, semble conforter cette seconde hypothèse.
- Quoi qu’il en soit, on voit en Figaro l’influence marquée du roman picaresque.
Roman picaresque :
Le roman dit « picaresque » désigne un type de roman populaire espagnol créé au XVIe siècle. Ces romans racontent le destin contrarié et aventureux d’un picaro (jeune homme de basse extraction sociale) qui, grâce à sa malice et ses astuces, réussit finalement dans la société.
- Cette influence apparaît nettement dans le monologue de l’acte V, scène 3 où le valet résume les principaux épisodes de son existence et énumère ses différentes activités (voir cours 18).
Figaro a un passé riche et mouvementé : entre autres choses, il a fait des études scientifiques et littéraires, il a été écrivain, chirurgien-vétérinaire et barbier.
Ce passé de barbier est celui que met en scène la première des pièces de la trilogie impliquant Figaro : Le Barbier de Séville (1775). Viennent ensuite Le Mariage de Figaro (1778), puis La Mère coupable (1792).
Figaro, contrairement à beaucoup de valets de théâtre, a des fonctions auprès de son maître qui sont nettement définies.
Il est concierge du château d’Aguasfrescas. Il a été nommé courrier de dépêches par le comte Almaviva qui est lui-même sur le point de partir pour l’Angleterre en qualité d’ambassadeur, impliquant que Figaro le suive. Si beaucoup d’événements de sa vie ne sont connus du spectateur que par ce que Figaro lui-même en dit, son passé proche a été représenté sur scène.
- Le public a donc vu le personnage évoluer et s’étoffer de la première à la deuxième pièce.
Cette récurrence de Figaro l’ancre dans le temps, l’éloignant ainsi de stéréotypes, et lui donne une épaisseur psychologique et humaine qui en fait une exception dans le théâtre français.
Avec lui, le valet n’est plus un « emploi » théâtral traditionnel mais un « emploi » au sens de « profession » : Figaro a une vraie individualité et il a exercé quantité de métiers ; celui de valet ne représente qu’un épisode de son existence.
Du Barbier au Mariage, Figaro a pris du galon. S’il est dans les deux cas le héros éponyme, il ne l’est que par périphrase pour le premier volet de la trilogie ; pour le deuxième, il est cité par son nom ; de plus, le titre fait état d’un événement qui doit le mettre en vedette : son mariage.
Surtout, dans le Barbier, il aide Almaviva à séduire celle qui deviendra la Comtesse. Dans le Mariage, il s’oppose à son maître. En effet, tout ne se passe pas comme prévu puisque le Comte a des vues sur Suzanne, la promise de Figaro. Cette difficulté va permettre au valet de faire montre de son inventivité dans le but de ridiculiser le Comte et de mettre à mal ses tentatives de séduction de Suzanne.
Figaro, le grand « machiniste »
Figaro, le grand « machiniste »
C’est en usant de ce terme (« machiniste ») que Beaumarchais décrit Figaro dans la préface du Barbier de Séville :
« Quant à moi, ne voulant faire qu’une pièce amusante et sans fatigue, une espèce d’imbroille (imbroglio = affaire embrouillée), il m’a suffi que le machiniste, au lieu d’être un scélérat, fût un drôle de garçon, un homme insouciant, qui rit également du succès et de la chute de ses entreprises, pour que l’ouvrage, loin de tourner en Drame sérieux, devînt une Comédie fort gaie…».
Le déroulement de l’intrigue tient en effet à la capacité de Figaro de « machiner », d’inventer des moyens de se tirer d’affaire ou de parvenir à ses fins. Le valet a donc une fonction dramatique importante.
Cela ressort par exemple de la scène 2 de l’acte II du Mariage, visible ici (36’25 à 39’25).
D’emblée, Figaro résume la situation : le Comte a des vues sur Suzanne ; il veut la faire « conseiller d’ambassade ». Ce faux titre fait référence au désir d’Almaviva, nommé ambassadeur en Angleterre, de faire de la jeune camériste son intime. Il a par ailleurs nommé Figaro « courrier de dépêches » (porteur de courriers) pour l’éloigner quand il voudra se retrouver seul avec Suzanne. Mais Suzanne refusant d’être sa maîtresse, le Comte veut se venger en empêchant le mariage.
- Le projet de Figaro est énoncé tout de suite après cet état de la situation : « Se venger de ceux qui nuisent à nos projets, en renversant les leurs, c’est ce que chacun fait, c’est ce que nous allons faire nous-mêmes. »
Figaro va donc utiliser les mêmes armes que son maître et retourner la situation en sa faveur. Il veut « agir aussi méthodiquement que lui » et le placer dans la situation où il place Figaro lui-même : l’inquiéter sur ses « possessions » c’est-à-dire, en l’occurrence ici, sur sa femme.
Dans la scène 2 de l’acte II, Figaro a déjà tout manigancé quand il expose son plan à Suzanne et à la Comtesse. Ainsi, quand cette dernière lui demande comment faire, il répond : « C’est déjà fait ».
Il a déjà distribué les rôles : le sien, celui de Suzanne, de la Comtesse, de Basile, de Chérubin et celui du Comte lui-même qu’il prévoit de ridiculiser.
L’emploi répété du verbe « faire » dans les propos de Figaro souligne son rôle d’organisateur, de metteur en scène : « Je vous ai fait rendre à Basile un billet inconnu », « Tu feras dire à Monseigneur… », « Je fais endosser un habit de Suzanne à quelqu’un… », « Veut-on me laisser faire ? ». Le spectateur s’attend donc à voir du théâtre dans le théâtre, une scène de comédie interprétée dans la comédie qui constitue une mise en abyme : Chérubin jouera un personnage qu’il n’est pas, le Comte croira à cette illusion, des spectateurs – Figaro, Suzanne, la Comtesse – assisteront à la scène et riront du comte.
L’emploi du futur proche (« Je vais vous envoyer le Chérubin »), du présent à valeur de futur (« je le referme et l’endoctrine ») ainsi que des impératifs (« coiffez-le, habillez-le ») souligne cette fonction de metteur en scène de Figaro.
Ce passage de la pièce éclaire aussi la psychologie du personnage : d’abord, il ne s’inquiète pas de la menace qui pèse sur son mariage. C’est le sens de ses premières répliques :
« Au fait de quoi s’agit-il ? D’une misère. Monsieur le comte trouve notre jeune femme aimable, il voudrait en faire sa maîtresse, c’est bien naturel. »
« Il n’y a pas là d’étourderie »
« Quoi de plus simple encore ? »
À la Comtesse et à Suzanne qui lui font remarquer sa légèreté et son apparente indifférence, il répond qu’il vaut mieux s’occuper des problèmes que de pleurer dessus : « N’est-ce pas assez que je m’en occupe ? ».
L’action est donc le maître mot de Figaro, comme il l’énonce lui-même avec l’insistance provoquée par la répétition de « rien » : « les gens qui ne veulent rien faire de rien n’avancent rien et ne sont bons à rien ».
Toujours prodigue de bons mots, Figaro résume aussi sa façon de voir les choses en : « Recevoir, prendre et demander : voilà le secret en trois mots. »
- C’est la devise d’un conquérant qui n’accepte pas de perdre mais va toujours de l’avant en gagnant sur tous les plans : ce qu’on ne lui donne pas spontanément, il l’obtient de toute façon.
Figaro est un personnage plein de ressources qui remporte l’adhésion des deux femmes qui ont écouté son plan : il est capable de « mener une intrigue » comme le souligne Suzanne, il est plein d’« assurance » comme le note la Comtesse, un « né […] courtisan », comme Figaro lui-même le proclame. Notons qu’en se déclarant « courtisan » (homme de cour, vivant dans l’entourage du roi), Figaro se met au même niveau que le Comte. Mais le spectateur le perçoit si ingénieux, qu’il en devient supérieur au Comte.
Conclusion :
Si Figaro est l’héritier d’une longue tradition théâtrale, il renouvelle néanmoins le personnage type du valet au théâtre. Doté d’une réelle psychologie, de dextérité verbale et d’un passé teinté de surprise, armé d’une forte volonté, d’une résistance sans faille aux difficultés et d’une vive intelligence, il est au cœur de l’action comme opposant principal aux volontés de son maître.
Que le plan mis en œuvre par Figaro dans la scène 2 de l’acte II ne se passe pas exactement comme il l’avait prévu n’y change rien. Figaro est bien une force agissante. C’est lui qui a la fonction dramatique la plus importante de tous les personnages. Cette force de caractère entraînera le succès de la pièce et son adaptation à l’opéra, notamment par Mozart dans Les Noces de Figaro, créées à Vienne en 1786.