Essais - Partie 2
Du barbare de l’Antiquité au sauvage de la Renaissance
Du barbare de l’Antiquité au sauvage de la Renaissance
- Les Grecs de l’Antiquité
- Ils étaient de grands voyageurs qui conquirent de nombreux territoires du bassin méditerranéen.
- Pour un Grec de l’Antiquité, est « barbare » tout ce qui n’est pas grec.
- Le barbare est donc l’autre.
- Ainsi, ce terme n’est pas péjoratif et il peut aussi bien faire référence à :
- des coutumes que les Grecs jugent inférieures aux leurs ;
- des civilisations jugées admirables par les Grecs.
- L’Empire romain
- Chez les Romains, cette question revêt une autre résonnance.
- L’Empire romain est constitué d’un assemblage de cultures différentes que Rome souhaite intégrer.
- Tous les hommes acceptant les valeurs de la romanité sont considérés comme capables de devenir Romains.
- L’heure est alors à la valorisation des traditions romaines (travail de la terre, apologie d’une vie simple, perpétuation d’un culte polythéiste).
- C’est pourquoi l’idéal de rusticité et de simplicité, que semblent incarner les autres populations intégrées à l’Empire, est privilégié.
- Le barbare est placé sur un piédestal et érigé en modèle d’authenticité.
- La figure du « bon sauvage » commence alors à se constituer dans la littérature et les arts.
- L’Europe médiévale
- Les nombreux conflits qui agitent l’Europe relancent la question du rapport à l’autre et de notre capacité à vivre ensemble.
- Le mythe de « l’homme sauvage » voit le jour.
- Il s’agit d’un être faisant le lien entre l’homme civilisé et le monde magique.
- Renaissance
- La rencontre avec les hommes du Nouveau Monde dès 1492, réinterroge la relation qu’entretiennent les Européens avec leur nature sauvage.
- Le terme d’origine grecque « barbares » cède alors la place au mot « sauvages » (celui qui vit dans la forêt).
- Ce nouveau substantif met l’accent sur un cadre de vie naturel au détriment d’une organisation sociale (comme celle de l’homme civilisé).
- XVIIIe siècle
- Bien plus tard Rousseau dénoncera cette conception de l’état de nature dans son Discours sur l’origine de l’inégalité.
- Les hommes du Nouveau Monde, bien que très proches de la nature, vivent en société eux aussi, même si elle est très différente de celle des Européens.
- Pour lui, l’opposition « sauvage »/« civilisé » est donc caduque.
Le Nouveau Monde au service de l’argumentation
Le Nouveau Monde au service de l’argumentation
- Les descriptions des « sauvages » ne sont pas neutres parce qu’elles renvoient toujours à l’observateur :
- soit celui-ci s’en sert pour justifier son entreprise ;
- soit il l’utilise pour critiquer les sociétés dites civilisées.
- Christophe Colomb décrit les peuples rencontrés dans son Journal de bord.
- Il s’agit du point de vue d’un conquistador qui dépeint des « sauvages » doux et foncièrement pacifistes, peu habitués aux gestes et comportements violents.
- Un portrait en creux des Européens (qui sont ce que ne sont pas ces peuplades) se dessine dans celui des sauvages.
- Ainsi, la peinture du bon sauvage en dit aussi long sur ses valeurs que sur celles de l’observateur.
- En 1542, Bartolomé de Las Casas prend la défense des Indiens réduits en esclavage et victimes de génocides.
- Il rédige une Très brève relation de la destruction des Indes dans laquelle il oppose la barbarie des colonisateurs à la sagesse des Indiens.
- Certains de ces textes constituent de véritables apologues qui critiquent les Européens dans leur rapport à l’autre.
- Montaigne, dans Des Cannibales, s’emploie lui aussi à renvoyer à ses contemporains l’image de leurs vices en dépeignant les sauvages comme des êtres, non pas parfaits, mais supérieurs.
Les sauvages selon Montaigne
Les sauvages selon Montaigne
- Dans « Des cannibales », Montaigne joue sur la double acception du terme « barbare » :
- la connotation négative (individu peu évolué susceptible de commettre des actions basses, voire cruelles) ;
- et l’acception antique grecque (celui qui a d’autres usages que les nôtres, bons ou mauvais).
- La notion de barbare est donc relative et varie selon le point de vue de l’observateur, son appartenance ethnique, culturelle.
- Il réfute d’emblée la première définition au profit de la seconde.
- L’ethnocentrisme est ainsi remis en question : les Indiens ont juste des mœurs différentes de celles des Européens.
- Montaigne valorise ensuite le naturel (« sauvage ») au détriment de l’artifice, propre de l’homme civilisé.
- Il opère ainsi un renversement de valeurs.
- Le texte repose sur des antithèses confrontant le naturel au dénaturé :
- les sauvages vivent dans le vrai ;
- les hommes civilisés s’en sont détournés.
- Montaigne remet en question les fondements de la pensée et de l’organisation sociale de l’occident en critiquant les anciens (ici Platon et Lycurgue).
- Monde ancien et monde nouveau s’opposent ainsi sous sa plume.
- Portrait laudatif des Indiens et négatif des Européens se complètent. Montaigne contribue magistralement à alimenter le mythe du bon sauvage.