La monarchie française et l'économie
Introduction :
Au cours des XVIe et XVIIe siècles, au fur et à mesure que s’affirme la puissance de l’État sur le royaume, le pouvoir royal s’efforce aussi de renforcer la richesse du pays et accentue son emprise sur les domaines économique et financier.
Nous verrons dans ce cours ce qu’a fait le pouvoir royal à l’époque moderne pour renforcer l’action de l’État en matière économique. Il s’agira d’abord de s’intéresser à la façon dont les rois de France ont peu à peu acquis le monopole de la politique fiscale et augmenté les recettes publiques avant d’étudier la croissance de l’intervention de l’État dans l’économie du pays et les mesures économiques mises en œuvre.
Renforcer la fiscalité au service de la puissance
Renforcer la fiscalité au service de la puissance
Développer et augmenter les impôts
Développer et augmenter les impôts
Pour financer des dépenses militaires et administratives de plus en plus importantes, ou rembourser les nombreuses dettes contractées lors des guerres, les rois de France accroissent progressivement les recettes de l’État.
Le premier moyen employé est l’augmentation et la multiplication des impôts. Ceux-ci peuvent être directs comme la taille royale (impôt sur les personnes ou les biens) ou indirects comme la gabelle (impôt sur le sel) ou les aides (ensemble de taxes sur les biens de consommation et sur le transport des marchandises).
Quittance délivrée après paiement de la gabelle. Reproduction d’un document administratif du XVIIIe siècle - CC0 1.0
Les impôts directs sont prélevés par les trésoriers généraux dans les généralités.
Le Royaume de France est à cette époque divisé en 16 généralités.
Les impôts indirects, eux, sont prélevés par des compagnies privées. Celles-ci avancent une forte somme d’argent à l’État et se remboursent en prélevant les taxes à leur profit et en pourchassant et sanctionnant elles-mêmes les contrebandiers. Sous le règne de Louis XIV, ces sociétés privées sont regroupées par le ministre Colbert (ministre de 1661 à 1683) dans une organisation unique, la Ferme générale.
Portrait de Jean-Baptiste Colbert, par Philippe de Champaigne, 1655 – Metropolitan museum, New York
Les impôts connaissent une forte augmentation entre le règne de François Ier et celui de Louis XIV.
Certaines années de guerre, les augmentations peuvent être brutales comme en 1635, au début de la guerre de Trente Ans, où la taille royale est multipliée par trois. Par ailleurs, de nouveaux impôts directs apparaissent comme la capitation, créée en 1695 pour financer les guerres de Louis XIV (censé être provisoire, il sera perçu jusqu’en 1791) ou le dixième (impôt perçu sur les différents revenus).
Pour augmenter les recettes, l’État recourt aussi à la vente des offices.
Ce sont des fonctions administratives de justice, de finances ou de police. Celles-ci sont achetées au roi et sont ensuite détenues à vie par les officiers qui les ont acquises. Elles peuvent également être transmises en héritage ou revendues. Le roi perçoit alors un pourcentage de chaque revente. En période de difficultés financières, les rois de France ont fréquemment créé de nouveaux offices et augmenté le nombre d’offices déjà existants afin de renflouer les finances de l’État.
Renforcer la puissance du roi en matière fiscale
Renforcer la puissance du roi en matière fiscale
Longtemps considérés comme exceptionnels, liés à la guerre, ce n’est qu’à partir de la guerre de Cent Ans que le prélèvement des impôts royaux devient systématique en France.
Afin de pouvoir agir plus librement, les rois s’efforcent de renforcer leur contrôle de l’impôt et leur liberté de les augmenter si besoin.
Jusqu’au XVIe siècle, le roi a l’obligation de convoquer les États généraux du royaume (assemblée des représentants des trois ordres, noblesse, clergé, tiers-état) s’il souhaite établir un nouvel impôt. Ainsi, le roi doit théoriquement rechercher un certain consentement de la population.
Mais à partir du XVIIe siècle, le pouvoir royal veut décider seul de la politique fiscale du royaume, sans la soumettre au consentement d’une assemblée. Après 1614, les nouvelles taxes, (comme la capitation ou le dixième), sont ainsi créées sans convoquer les États généraux.
En plus de renforcer les recettes de l’État, les monarques français vont accentuer leur interventionnisme dans l’économie du royaume.
Une politique économique de plus en plus ambitieuse
Une politique économique de plus en plus ambitieuse
Une intervention croissante dans l’économie dès le début du XVIIe siècle
Une intervention croissante dans l’économie dès le début du XVIIe siècle
Maximilien de Béthune, premier duc de Sully, artiste inconnu, XVIIe siècle, musée Condé, France
Après les ravages provoqués sur le royaume par les guerres de religion, le roi souhaite, par l’intervention de l’État, accélérer son redressement. La liberté du commerce des grains est proclamée et de nombreux péages entre provinces sont abolis. Sully fait ouvrir de grandes voies de communication et fait creuser plusieurs canaux, comme celui de Briare qui relie la Loire à la Seine, afin de faciliter la circulation des marchandises.
Canal de Briare, 2006 ©Clairannkalin - CC BY 4.0
Les paysans sont encouragés à produire plus que nécessaire afin de vendre aux autres pays. Pour cela, le pouvoir royal s’efforce d’augmenter la surface cultivée en faisant assécher des marais ou encore en développant la culture de la vigne.
Sous Louis XIII et son ministre Richelieu (ministre de 1624 à 1642), la France adopte la doctrine économique du mercantilisme.
Mercantilisme :
Doctrine économique fondant la puissance d’un État sur l’abondance de ses réserves en métaux précieux. L’État doit ainsi chercher à réduire ses importations et à augmenter ses exportations afin d’augmenter ses réserves en or et en argent.
Partie du portrait du cardinal Richelieu par Philippe de Champaigne, 1633-1640, National Gallery, Londres
Richelieu crée ainsi des compagnies de commerce afin de faciliter les colonisations et développer les échanges commerciaux avec l’empire colonial naissant. L’objectif de ces compagnies est notamment d’approvisionner la métropole en sucre, denrée de luxe achetée jusqu’alors à l’étranger et qui occasionne d’importantes sorties de métaux précieux.
Le « colbertisme », apogée du dirigisme économique royal
Le « colbertisme », apogée du dirigisme économique royal
Sous Louis XIV, le ministre Colbert ( ministre de 1661 à 1683) mène une politique ambitieuse destinée à renforcer la puissance économique du royaume.
À la fois ministre des finances, de la marine et des travaux publics, Colbert poursuit la politique mercantiliste initiée par Richelieu. Afin de favoriser l’entrée de l’or et de l’argent à l’intérieur du royaume, il s’efforce d’encourager les exportations. Pour augmenter la production française, il crée de grandes manufactures royales, spécialisées chacune dans une production particulière.
Manufacture :
Bâtiment de grande taille regroupant la production de biens de consommation, fabriqués à la main par de nombreux ouvriers.
C’est le cas par exemple de la Manufacture royale des Gobelins à Paris pour la production de tapisseries ou de la Manufacture royale des glaces à Saint-Gobain pour celle des miroirs. Colbert se montre également très exigeant avec les ouvriers sur les normes de fabrication à respecter afin de renforcer la réputation des produits français à l’étranger.
Le développement des manufactures doit aussi permettre au royaume d’être autosuffisant afin de limiter les importations. Dans ce but, Colbert établit de lourdes taxes sur les produits venant de l’étranger. À l’inverse, il cherche à attirer des entrepreneurs étrangers en leur accordant des privilèges.
Colbert s’efforce aussi de développer le commerce, notamment maritime. Dans la suite des travaux entrepris par Sully, on assiste au creusement de nouveaux canaux comme le canal du Midi et à l’aménagement de nombreux ports comme ceux de Lorient ou de Brest.
Mais surtout, Colbert poursuit la création de grandes compagnies de commerce : chacune d’entre elles reçoit le monopole des échanges avec une partie du monde. Ainsi, la Compagnie des Indes occidentales effectue les échanges avec l’Amérique quand la Compagnie des Indes orientales se charge des échanges avec l’Asie. D’autres, comme la Compagnie de Guinée, effectue la traite et le commerce triangulaire entre la France, l’Afrique et les Antilles.
Enfin, Colbert poursuit l’expansion coloniale du royaume : la France s’empare de nouvelles colonies en Amérique (ouest de Saint-Domingue, Louisiane en Amérique du Nord) et développe l’économie de plantation en Martinique, en Guadeloupe ou à la Réunion.
Économie de plantation :
Dans un territoire colonial, économie fondée sur la production de denrées agricoles (sucre, café, coton, etc.), produites par des esclaves et destinées à être exportés vers la métropole.
Les colonies fournissent ainsi un espace de débouchés réservé aux manufactures françaises selon le système de l’exclusif.
Système de l’exclusif :
Principe par lequel une colonie est contrainte de commercer uniquement avec sa métropole et non avec d’autres États ou colonies.
Conclusion :
Ainsi, tout en établissant une autorité de plus en plus absolue dans le domaine politique, les rois de France ont aussi renforcé l’action de l’État dans le domaine économique. Le renforcement de la fiscalité et l’augmentation des recettes de l’État, rendus nécessaires par l’élargissement de l’administration royale, ont aussi permis aux rois de France de mener des politiques économiques plus ambitieuses afin d’enrichir le royaume.
Cependant, ces mesures ne suffiront pas à faire face aux dépenses croissantes de l’État, notamment dans le domaine militaire, qui s’accentueront encore au XVIIIe siècle. Ce déficit croissant, conjugué à un système fiscal inégalitaire, contribuera à la crise de l’Ancien Régime et à la Révolution française.