Métropolisation et littoralisation des espaces productifs
Introduction :
Un espace productif est un espace aménagé et mis en valeur dans le cadre d’une activité économique agricole, industrielle ou de services. Certains de ces espaces productifs, qu’on appelle espaces productifs majeurs, se concentrent surtout dans les métropoles et sur les littoraux.
Pour comprendre pourquoi, nous verrons tout d’abord, à travers deux parties, que la métropolisation des espaces productifs est ancienne dans les pays développés, et plus récente dans les pays en développement. La dernière partie de ce cours permettra de travailler sur le développement de la littoralisation des hommes et des activités.
Une métropolisation des espaces productifs ancienne dans les pays développés
Une métropolisation des espaces productifs ancienne dans les pays développés
Un phénomène qui débute aux États-Unis
Un phénomène qui débute aux États-Unis
La révolution industrielle a débuté en Europe (tout d’abord en Angleterre). Pourtant, la métropolisation des espaces productifs a commencé aux États-Unis dans les grandes villes du Nord-Est comme New York, Boston, Détroit ou Chicago à la fin du XIXe siècle.
Métropolisation :
Concentration croissante de la population, de la richesse et des fonctions de commandement dans les métropoles.
Dans les métropoles américaines se trouvent encore aujourd’hui les sièges sociaux d’entreprises mais les usines ont souvent disparu (exemple : General Motors à Détroit). On trouve parfois des unités de production malgré de nombreuses délocalisations. Les grandes villes américaines demeurent, en effet, attractives pour des investisseurs américains ou étrangers. Par exemple, le constructeur italien de scooters Piaggio a construit une usine à Boston en 2018.
- On assiste donc à un certain redéveloppement des espaces productifs de type industriel dans des villes d’où ils avaient quasiment disparu.
Ce sont ensuite les grandes villes de la « Sun Belt » qui ont profité de ce mouvement de délocalisation des espaces productifs dans les métropoles comme Atlanta, Dallas, Los Angeles ou Seattle.
Sun Belt (ceinture du soleil en français) :
Aire composée des États du Sud et de l’Ouest des États-Unis, très attractifs (pour le climat par exemple) et bénéficiant d’une économie dynamique.
Les activités de ces villes sont parfois les mêmes que celles des villes du Nord-Est (construction automobile, activités tertiaires avec les sièges sociaux de grandes multinationales comme Coca-Cola à Atlanta), mais elles portent également sur d’autres domaines comme l’aéronautique (avec Boeing dans la région de Seattle), l’informatique (Silicon Valley près de San Francisco) ou encore l’industrie cinématographique à Los Angeles (Hollywood).
Les grandes villes américaines sont aussi les lieux privilégiés de la production de services. Les Central Business District des villes nord-américaines accueillent assurances, banques, services aux entreprises, médias…
Central Business District (CBD) :
Quartier des affaires.
Parfois, ces activités trouvent de nouveaux locaux dans les edge cities situées dans les périphéries et bien reliées au centre-ville.
Edge city (ville lisière) :
Espace urbanisé périphérique qui concentre des entreprises, des services et des centres commerciaux.
La métropolisation des espaces productifs en Europe et au Japon
La métropolisation des espaces productifs en Europe et au Japon
En Europe, ce phénomène de métropolisation des espaces productifs a également eu lieu dans le cadre de la révolution industrielle, en Angleterre, en France et en Allemagne principalement, la Révolution industrielle ayant eu lieu plus tardivement dans les autres pays.
En Angleterre, ce sont les villes de Manchester, Liverpool, Leeds et, bien sûr, Londres où ce phénomène de métropolisation des espaces industriels est le plus présent.
Le phénomène de métropolisation des espaces productifs est également observable dans les villes mondiales comme Paris ou Londres qui concentrent une grande partie des activités productives industrielles et de services.
- Rares sont les villes françaises ou anglaises à abriter des sièges sociaux de grandes entreprises en dehors de Paris ou Londres.
Ailleurs en Europe, dans des villes de rang inférieur sur le plan mondial comme Munich, on constate une concentration d’activités productives autour d’industries historiques comme la construction automobile avec BMW ou électrique et électronique avec Siemens.
Le Japon s’est industrialisé rapidement sur le modèle de l’Europe et des États-Unis pendant l’ère Meiji (1868-1912). Trois régions regroupent plusieurs métropoles avec chacune des spécialités différentes.
- La région de Chūkyō où se trouve la ville de Nagoya abrite les unités de production et le siège social du constructeur automobile Toyota.
- La région du Keihanshin, avec Osaka et Kobe, est plus particulièrement spécialisée dans la chimie, la métallurgie ou les industries électriques comme Sumitomo.
- La région du Kanto où se trouve Tokyo, centre économique du Japon qui rassemble des usines sidérurgiques, des raffineries et des industries mécaniques et électroniques), mais aussi des activités portuaires, des pôles tertiaires (finance, tourisme) et même, de façon plus surprenante, des activités agricoles (culture du riz).
- Par ailleurs, les métropoles japonaises comme européennes, grandes ou moyennes, restent les lieux privilégiés des services en tous genres.
Une métropolisation des espaces productifs plus récente dans les pays en développement
Une métropolisation des espaces productifs plus récente dans les pays en développement
Une métropolisation rapide des espaces productifs dans les pays émergents
Une métropolisation rapide des espaces productifs dans les pays émergents
Les pays émergents connaissent le phénomène de métropolisation depuis une cinquantaine d’années au Brésil, en Inde et en Chine. Ces pays, qui étaient majoritairement ruraux jusque dans les années 1970, ont des taux d’urbanisation qui se rapprochent progressivement de ceux des pays développés. Une métropole offre plus de chances de trouver un travail dans l’industrie ou les services car c’est là que se concentrent les activités productives, souvent dans un cadre mondialisé.
Les métropoles des pays émergents sont bien connectées entre elles et avec celles des pays riches dans différents réseaux d’échanges matériels et immatériels, économiques et scientifiques. Les métropoles chinoises, indiennes et brésiliennes, par exemple, sont bien reliées avec le reste du monde (grands aéroports internationaux, grands ports). Les économies de ces pays sont extraverties et des villes comme Shanghai, Mumbai et São Paulo, qui comptent parmi les plus grandes villes du monde grâce à leur population très nombreuse, produisent pour le monde entier.
Économie extravertie :
Économie très ouverte sur le reste du monde, qui exporte et importe beaucoup.
Les produits fabriqués dans les usines de Shanghai concernent divers secteurs comme la construction automobile, les équipements électroniques et de communication, le textile ou les jouets. Ces produits sont exportés via son immense port en eau profonde de Yangshan (1er rang mondial pour les conteneurs, 2e en tonnage derrière un autre port chinois : Ningbo).
Mumbai est la capitale économique et la deuxième ville la plus peuplée d’Inde (24 millions d’habitants). Outre la finance, la ville accueille deux bourses (BSE – Bombay Stock Exchange et NSE – National Stock Exchange of India) et multiplie donc les emplois de services. Elle est également célèbre pour son industrie cinématographique (Bollywood) et abrite des sièges sociaux d’entreprises comme celui du groupe industriel Tata (acier, automobiles, téléphonie).
Des espaces productifs en plein essor dans les pays les moins avancés (Afrique, Asie)
Des espaces productifs en plein essor dans les pays les moins avancés (Afrique, Asie)
Les pays les moins développés n’échappent pas à la métropolisation.
Les causes de la métropolisation sont les mêmes que dans les pays développés ou les pays émergents : une concentration accrue des activités, des populations et des pouvoirs dans les villes.
Celles-ci accueillent des usines délocalisées, appartenant souvent à des acteurs économiques étrangers attirés par les bas coûts salariaux.
Mais l’industrie locale se développe également, à l’image des conserveries et des usines agro-alimentaires dans les ports d’Afrique de l’ouest. Les espaces productifs se développent rapidement dans ces métropoles des pays pauvres. Des unités de production, notamment dans le textile, sont installées au Bangladesh, aux Philippines ou en Tunisie.
Par exemple, à Dacca, capitale du Bangladesh, peuplée de 17 millions d’habitants, beaucoup d’habitants travaillent dans l’industrie textile.
Au Vietnam, pays très attractif actuellement, des usines apparaissent aussi dans le domaine du textile et de la chaussure (Nike, Adidas), mais également dans ceux de l’électronique et de la téléphonie (smartphones Samsung et Microsoft, téléviseurs LG). Des centres d’appel se sont installés au Sénégal (Dakar) et au Maghreb.
Certaines métropoles très peuplées fournissent une main-d’œuvre très bon marché aux entreprises multinationales. De plus, les métropoles des pays pauvres sont aussi un eldorado pour les populations qui les rejoignent pour trouver du travail.
Le secteur de l’administration est souvent sous-développé et parfois corrompu. Les services se multiplient et participent souvent au développement d’une économie souterraine et informelle.
La littoralisation des hommes et des activités
La littoralisation des hommes et des activités
Un processus qui se généralise
Un processus qui se généralise
La littoralisation se développe avec la mondialisation. Elle entraîne également une maritimisation de l’économie.
Littoralisation :
Concentration des populations et des activités le long ou à proximité du littoral.
Maritimisation :
Processus amenant les littoraux à jouer un rôle de plus en plus important dans l’économie d’un grand nombre de pays.
Les espaces productifs du secteur primaire sont essentiellement liés à la pêche (conserverie, industrie agro-alimentaire). L’aquaculture (activités de production animale ou végétale dans un milieu aquatique) se développe sur de nombreuses façades maritimes.
Pour l’industrie, les espaces productifs ne sont plus liés depuis longtemps aux gisements de matières premières. Celles-ci sont le plus souvent importées, ce qui permet l’implantation de vastes zones industrialo-portuaires (ZIP).
Zone industrialo-portuaire (ZIP) :
Espace situé sur le littoral et qui associe des activités industrielles aux activités portuaires.
Les progrès dans les transports, notamment maritimes, ont valorisé les espaces littoraux, surtout quand ils sont équipés d’infrastructures portuaires modernes et efficaces.
La concentration des hommes et des activités sur le littoral est croissante. Actuellement, les deux tiers de la population mondiale vivent à moins de 100 km des côtes et ce chiffre est en augmentation constante. Il en résulte une forte anthropisation et, parfois, une exposition aux risques sur certains littoraux très industrialisés et urbanisés comme dans la mégalopole japonaise (exemple : le tsunami de 2011 au Japon).
Anthropisation :
Modification d’un milieu dit « naturel » par les activités humaines. Ce terme est parfois utilisé comme synonyme d’artificialisation.
Un processus accentué par la mondialisation
Un processus accentué par la mondialisation
La mondialisation accentue la littoralisation des espaces productifs. La NDIT, la conteneurisation et les équipements portuaires (grues, portiques) permettent un accroissement des flux de marchandises, des biens d’équipements et des matières premières agricoles, minières ou énergétiques.
La NDIT (nouvelle division internationale du travail) est la spécialisation des pays émergents dans la fabrication des biens manufacturés et des pays développés dans l’industrie de pointe ainsi que dans les services. Cette nouvelle spécialisation provient notamment de l’industrialisation des pays émergents (en particulier la Chine).
Conteneurisation :
Fait de transporter des marchandises par conteneur. Le véritable démarrage de la conteneurisation date des années 1960.
La littoralisation concerne toutes les régions du monde, dans les pays développés et les pays émergents : la façade pacifique de l’Asie est aujourd’hui l’espace productif majeur car les littoraux, en particulier chinois, sont au cœur du système productif mondial.
Système productif :
Ensemble des facteurs et des acteurs concourant à la production, à la circulation et à la consommation de richesses.
Les Zones économiques spéciales (ZES), comme celle de Shenzen ou de Shanghai attirent les IDE (investissement direct à l’étranger). D’autres façades maritimes jouent un rôle important comme le pourtour méditerranéen (France, Italie, Espagne, Maroc), la Northern Range en Europe, les façades atlantique et pacifique de l’Amérique du Nord.
Northern Range :
Expression anglaise désignant la façade maritime des plus grands ports européens allant de la Manche (Le Havre) à la mer du Nord (Hambourg).
En Asie de l’Est, ce phénomène est en pleine croissance. Les coûts de main-d’œuvre souvent encore bas attirent les investissements et les installations d’usines d’assemblage, notamment au Vietnam, en Thaïlande et en Indonésie. Les grands ports asiatiques, en Chine (Shanghai, Ningbo, Qingdao), à Singapour, en Corée du Sud comme Pusan ou à Taïwan (exemples : Taipei, Kaohsiung), sont des espaces moteurs de la littoralisation des activités productives.
Conclusion :
C’est donc aux États-Unis que le phénomène de métropolisation des espaces productifs a commencé, au XIXe siècle. Ce phénomène a également eu lieu en Europe, principalement en Angleterre, en France et en Allemagne, suite à la révolution industrielle. Le Japon s’est industrialisé ensuite rapidement sur le modèle de l’Europe et des États-Unis.
Les pays émergents connaissent quant à eux une métropolisation rapide depuis une cinquantaine d’années, au Brésil, en Inde et en Chine. Les métropoles de ces pays sont bien connectées entre elles et avec celles des pays riches. Les pays les moins développés n’échappent pas à la métropolisation. Les espaces productifs y sont en plein essor.
Dans les pays du monde entier, la littoralisation des hommes et des activités est un processus qui se généralise, et qui est accentué par la mondialisation, ce qui permet un développement important des espaces productifs dans ces zones.