Les systèmes productifs en France
Introduction :
Suite à un phénomène de désindustrialisation en France, les espaces industriels se sont reconvertis. D’autres activités économiques se sont développées suite à la mondialisation. Dans ce cours, nous étudierons comment les systèmes productifs ont été contraints de s’adapter et d’évoluer en France.
Ainsi, nous verrons tout d’abord que les systèmes productifs français, après avoir été en crise, se sont adaptés aux mutations économiques. Puis nous analyserons la nouvelle répartition des secteurs et l’évolution de la localisation des systèmes productifs. Enfin, nous nous pencherons sur leurs dynamiques et sur les acteurs qui participent à leur organisation.
La mutation des systèmes productifs français
La mutation des systèmes productifs français
La crise des systèmes productifs français
La crise des systèmes productifs français
La crise des systèmes productifs français apparaît dans les années 1970, coïncidant avec le premier choc pétrolier (1973) et la fin des Trente Glorieuses. La France est touchée par une désindustrialisation qui entraîne la perte de nombreux emplois dans l’industrie.
La désindustrialisation est non seulement due à la crise (qui est mondiale), mais aussi à la modernisation de l’industrie (mécanisation, robotisation) et aux gains de productivité. Il faut désormais moins de main-d’œuvre dans l’industrie pour produire autant ou même davantage.
À ces éléments s’ajoute une concurrence de plus en plus rude de la part des partenaires européens au sein de la CEE (Communauté Économique Européenne), mais aussi des États-Unis ou encore du Japon et de Taïwan.
Désindustrialisation :
Diminution ou disparition des emplois industriels, souvent remplacés par des emplois dans le secteur tertiaire.
Toutefois, des signes de fin de la désindustrialisation, et même de reprise (accompagnée de relocalisations) sont perceptibles. En France, ce sont 19 entreprises qui ont été relocalisées en 2017, contre 9 en 2015.
En 2010, par exemple, le fabricant de ski français Rossignol relocalise une partie de sa production à Sallanches en Haute-Savoie. La production à Taïwan souffrait de trop de défauts : problèmes de qualité, délais de production trop longs, stocks trop importants. En 2017, c’est la production des roulements à bille SKF qui est relocalisée en France (elle était auparavant réalisée à Singapour).
L’adaptation des systèmes productifs français aux mutations économiques
L’adaptation des systèmes productifs français aux mutations économiques
Les systèmes productifs français connaissent également de profondes mutations.
- La part de l’industrie dans le PIB diminue : elle passe de 24 % en 1980 à 12,4 % en 2018.
- La part de l'agriculture baisse également (6 % en 1980 et 3,5 % en 2018).
- Le secteur tertiaire emploie 77 % de la population active en France en 2018.
- C’est donc le secteur tertiaire qui profite de la baisse des parts de l’industrie et de l’agriculture, même si la frontière entre les secteurs tend à se brouiller. En effet, l’industrie externalise de nombreux emplois vers le secteur des services et a très souvent recours à l’intérim.
- La France, comme de nombreux autres pays développés, est entrée dans une ère économique post-fordiste, régie par la flexibilité (faculté de s’adapter aux évolutions), le juste-à-temps, les flux tendus et la sous-traitance.
Post-fordisme :
Période après 1975 où on assiste à une division internationale des tâches dans le processus de production, avec une plus grande spécialisation des marchés, contrairement à l’époque du fordisme (né dans les usines Ford au début du XXe siècle où les ouvriers fabriquaient la totalité des voitures sur la même chaîne de montage).
Juste-à-temps :
Technique de gestion des stocks dans une entreprise pour minimiser ceux-ci. Les stocks prennent de la place, coûtent et peuvent ne pas être vendus (changement de technologie, de tendance, de mode). Le juste-à-temps fonctionne avec le flux tendu.
La répartition et la localisation des systèmes productifs
La répartition et la localisation des systèmes productifs
Une répartition par secteurs qui évolue
Une répartition par secteurs qui évolue
Le secteur primaire représente désormais moins de 3 % (2,8 %) de la population active en 2016. Dans le secteur secondaire, l’industrie française perd des emplois et des parts de marché. Mais elle s’est redéployée à l’échelle mondiale dans le cadre de la NDIT.
Cela s’est notamment traduit par des délocalisations dans les industries textiles et automobiles :
- pour le textile, ce fut surtout vers la Chine ou l’Inde ;
- dans le cas de l’automobile, elles ont eu lieu vers la Turquie (Renault), le Maroc (Renault, Peugeot, Citroën) ou la Chine (Peugeot et Citroën à Wuhan) et l’Inde (Renault à Chennai).
Toutefois, plusieurs secteurs de l’industrie française restent performants, innovants et bien ancrés sur le territoire national :
- l’aéronautique (Airbus) ;
- l’aérospatiale (Arianespace) ;
- la pharmaceutique (Sanofi) ;
- et l’agroalimentaire (Danone, Fleury Michon, Bonduelle).
Les métropoles contrôlent la production car elles accueillent les territoires de l’innovation. L’Île-de-France est la première région industrielle française devant la région Auvergne-Rhône-Alpes (spécialisée dans la chimie, la pharmacie et les nanotechnologies). Le Sud et l’Ouest ont également des pôles industriels d’importance comme celui d’Airbus à Toulouse.
Le secteur tertiaire emploie plus des 3/4 de la population active. C’est le secteur qui croît le plus (en % du PIB et en nombre de personnes).
En 2016 en France, sur les 26,6 millions de personnes occupant un emploi, 20,1 millions travaillent dans le secteur tertiaire.
Les services dominent l’économie et constituent la base de la richesse de nombreux territoires (par exemple : les services financiers, bancaires et les sièges sociaux d’entreprises en Île-de-France dans le quartier de la Défense).
Leur progression est en grande partie due à l’imbrication croissante de tous les secteurs économiques. L’agriculture et l’industrie ont beaucoup plus besoin des services pour leur fonctionnement aujourd’hui qu’en 1950.
L’agriculture, par exemple, a besoin de services financiers (bancaires), d’assurances ou encore de prévisions météorologiques pointues, de suivre les cours de la bourse, etc.((fleche))
La localisation des systèmes productifs en France
La localisation des systèmes productifs en France
On a longtemps dit que les espaces productifs français, à la fois industriels et tertiaires, étaient concentrés dans le Nord-Est, le long d’une ligne Le Havre-Marseille. Cette division du territoire, héritée de la révolution industrielle, a connu des évolutions.
D’abord, les anciennes régions industrielles ont été durement touchées par les crises, les mutations du système productif entraînant recul de l’emploi, chômage élevé, fermeture d’usines, délocalisations et friches industrielles.
Friche industrielle :
Terrain anciennement occupé par des bâtiments industriels et aujourd’hui à l’abandon.
Toutefois, malgré ces difficultés, c’est toujours le Nord et l’Est du pays qui abritent le plus d’activités industrielles. Depuis 1984, des politiques d’aménagement françaises, puis européennes, ont mis en place des pôles de conversions.
Pôle de conversion :
Espace touché par la récession (ralentissement économique) et que les pouvoirs politiques veulent reconvertir. Cette politique est lancée en 1984 par le gouvernement de Pierre Mauroy pour créer des conditions favorables au redéveloppement de zones anciennement industrialisées et confrontées à des difficultés (fermetures d’usines, chômage).
De nombreuses reconversions ont eu lieu, redynamisant ces régions. Les reconversions se sont faites vers d’autres secteurs industriels, dans les services ou la culture (exemple : l’ancienne manufacture d’armes de Saint-Étienne a été reconvertie en cité du design).
Les acteurs économiques privilégient les grandes métropoles, les littoraux (atlantique et méditerranéen), les interfaces frontalières et les espaces autour des hubs pour des questions logistiques.
Une autoroute, un aéroport international ou une grande gare desservie par le TGV deviennent des facteurs essentiels de localisation des espaces productifs industriels ou tertiaires.
Dans ce contexte, l’outremer français souffre de deux faiblesses.
- La première est son éloignement et la desserte médiocre vers les grands aéroports mondiaux (absence de hub).
- La deuxième faiblesse est le manque d’unités de production qui peut être lié à la faiblesse relative de la population et à un surcoût de production (lié à l’éloignement).
Ces espaces disposent néanmoins de certains atouts tels que le climat (cultures tropicales comme la banane aux Antilles) ou la richesse du sous-sol (avec les mines de nickel en Nouvelle-Calédonie par exemple).
Les régions du Sud et de l’Ouest sont devenues attractives et contrebalancent désormais le poids du Nord et de l’Est dans la répartition des espaces productifs. Ces régions bénéficient d’un effet Sun Belt (par analogie avec les États-Unis), ou encore d’un héliotropisme, c’est-à-dire d’un attrait pour le soleil et, de manière plus générale, d’un cadre de vie agréable.
Effet Sun Belt :
Caractère attractif dont bénéficient en France les espaces productifs des régions du Sud et de l’Ouest, en raison de la bonne qualité de vie (climat, soleil) qu’elles offrent aux salariés des entreprises qui s’y installent.
L’agriculture française reste traditionnellement divisée géographiquement en grandes zones spécialisées dans une ou plusieurs productions :
- la viticulture dans le Bordelais, en Bourgogne, en Champagne ;
- la céréaliculture dans les grandes plaines du Bassin parisien ;
- l’élevage porcin, bovin et de volailles en Bretagne ;
- le maraîchage en Provence, etc.
Dynamiques et acteurs des systèmes productifs français
Dynamiques et acteurs des systèmes productifs français
Les nouvelles dynamiques des systèmes productifs
Les nouvelles dynamiques des systèmes productifs
Dans le cadre de la mondialisation, les facteurs attractifs – pour les entreprises dans les anciens pays industriels – ne sont plus les ressources du sous-sol, comme ce fut le cas jusqu’à la première moitié du XXe siècle.
Désormais, sont d’abord privilégiés :
- un environnement de qualité ;
- une bonne connexion aux réseaux de transports et de logistique ;
- et une main-d’œuvre bien formée.
Les espaces productifs français se sont ouverts au monde via les interfaces maritimes (la Manche, la Méditerranée, l’Atlantique) ou terrestres (régions frontalières avec la Belgique, l’Allemagne).
Les ZIP (zones industrialo-portuaires), les aménagements de transports (autoroutes, ponts, tunnels) et les plateformes multimodales participent à l’insertion européenne et mondiale de l’industrie française.
Les entreprises et les aménageurs (collectivités locales, État) privilégient désormais la mise en réseau, notamment avec les systèmes productifs locaux et les clusters.
Cluster :
Grappe d’entreprises, dans une région qui fonctionne en synergie, souvent dans le même secteur d’activité.
Enfin, les territoires sont mis en concurrence à l’échelle mondiale, en plus de l’échelle nationale et européenne.
- L’innovation est donc un élément fondamental de compétitivité.
L’État et les collectivités territoriales (régions, départements, communes) ont ainsi mis en place des politiques volontaristes d’aides à la création de territoires d’innovation sur l’ensemble du territoire national, avec toutefois une plus forte concentration dans les grandes métropoles : Paris, Lyon, Marseille et Lille.
- C’est le cas du technopôle de Paris Sud où se développent divers pôles de compétitivité comme celui de system@tic Paris région.
Les acteurs des systèmes productifs français
Les acteurs des systèmes productifs français
La France compte 2 368 firmes multinationales françaises (hors services non marchands et banques).
- Elles peuvent être divisées en trois catégories selon l’Insee : grande, intermédiaire et petite/moyenne.
- Elles emploient environ 5 millions de personnes en France et encore davantage à l’étranger (5,8 millions).
- Elles font partie des acteurs majeurs des espaces productifs en créant de l’emploi ou en en supprimant (par le biais des délocalisations, relocalisations et restructurations).
- Les sièges sociaux de ces entreprises sont majoritairement en Île-de-France, très souvent à Paris. Des exceptions existent comme Michelin qui a son siège social historique à Clermont-Ferrand.
- Les sites de production, par contre, sont disséminés sur tout le territoire en fonction des avantages comparatifs que l’entreprise peut en retirer.
L’État est un autre acteur du système productif qui facilite et encourage la reconversion d’anciens sites et pousse à la création de pôles de compétitivité (comme celui du plateau de Saclay au Sud de Paris). L’État intervient directement quand il possède tout ou partie d’une entreprise.
En France, après une vague de nationalisations entamée en 1945, l’État s’est progressivement désengagé en privatisant les entreprises nationales (EDF, Air France, etc.). Néanmoins, il possède encore des parts dans des secteurs clés de l’économie, même si le gouvernement actuel réfléchit à se désengager d’un certain nombre de secteurs (comme les aéroports de Paris).
D’autres acteurs participent également à l’organisation des espaces productifs comme les collectivités territoriales qui peuvent octroyer des terrains, des permis de construire et construire des équipements de transport.
Enfin, les acteurs sociaux (salariés, syndicats) jouent un rôle en étant mobiles, mieux formés, et en s’adaptant à l’évolution constante des systèmes productifs en France.
Conclusion :
La crise des systèmes productifs français est une conséquence de la désindustrialisation et d’une concurrence nationale, européenne et internationale rude. Pour autant, les systèmes productifs se sont adaptés aux changements, et ce sont les firmes multinationales, l’État, les collectivités territoriales et les acteurs sociaux qui participent à leur organisation.
Dorénavant, le secteur tertiaire est le plus important et ne cesse de croître, bien que les frontières entre les différents secteurs tendent à se brouiller. Les régions du Sud-Ouest se sont redynamisées avec l’arrivée d’acteurs économiques, attirés par le cadre de vie et la qualification de la main-d’œuvre.
Les systèmes productifs connaissent de nouvelles dynamiques avec la mondialisation, et ne cessent d’innover.