Les sociétés face aux risques
Introduction :
Les sociétés humaines sont soumises à de nombreux risques, que l’être humain a toujours tenté de contrôler. Certains sont d’origine naturelle et liés à des aléas. D’autres proviennent des activités humaines et sont liés au développement scientifique et industriel de nos sociétés. Tous les pays ne sont pas égaux face à ces risques. En effet, certains lieux de la planète sont plus susceptibles que d’autres de subir des aléas. De plus, le degré de développement des États peut conditionner leur adaptabilité aux catastrophes.
Dans une première partie, nous étudierons les caractéristiques des risques majeurs auxquels les sociétés sont confrontées. Dans une seconde partie, nous nous intéresserons aux choix opérés par ces sociétés pour réduire leur vulnérabilité face aux risques.
Typologie des risques majeurs
Typologie des risques majeurs
Qu’est-ce qu’un risque ?
Qu’est-ce qu’un risque ?
En géographie, un risque correspond à la probabilité qu’un aléa se transforme en dommages pour une société humaine. Les risques naturels sont très variés. Ils peuvent être sismiques ou volcaniques, ou être des cyclones, des tempêtes, des inondations.
Il ne faut pas confondre les termes « risque », « aléa » et « vulnérabilité ».
Un aléa est un phénomène naturel ou technologique (usines manipulant des produits dangereux, gaz, produits chimiques exposant les populations à des risques d’explosion, d’incendie, d’irradiation, d’intoxication, etc.) qui affecte un espace à un moment donné.
Cet aléa ne devient un risque qu’en présence d’enjeux humains, économiques et/ou environnementaux qui sont à proximité. Le risque correspond aux pertes potentielles que va subir cette société humaine à cause de l’aléa.
Par exemple, un typhon sur un atoll désert de l’océan Pacifique, ou une avalanche en Antarctique ne sont pas des risques et restent donc des aléas mais un cyclone sur des secteurs habités de l’île de la Réunion devient un risque majeur et peut causer des dommages considérables.
Un risque est « majeur » quand ses effets, humains et matériels, sont considérables pour la société touchée.
Enfin, face à ces risques, les sociétés seront plus ou moins vulnérables : cela dépendra de leurs moyens de protection face à ces risques.
Les habitants d’une ville seront vulnérables s’ils n’ont aucun moyen de se protéger face à un tremblement de terre. Leur vulnérabilité sera réduite s’ils ont mis en place des moyens de protection tels que des bâtiments ayant une architecture adaptée ou des abris pour la population ou encore la création de périmètres de sécurité, la diffusion d’informations aux populations, des plans de secours, des mesures de contrôles des sites, etc.
La vulnérabilité est donc l’ensemble des points faibles d’une société face à des risques.
Un fleuve déborde de son lit, entrainant des inondations dans les villes avoisinantes : nous sommes en présence d’un risque majeur.
Un ruisseau déborde de son lit et touche le terrain d’une maison avoisinante : le risque est présent mais il ne peut pas être qualifié de « majeur ».
Enfin, on parle de catastrophe quand le risque est réalisé et qu’il touche une population nombreuse.
Les risques majeurs peuvent avoir une origine naturelle ou anthropique, c'est-à-dire humaine.
Pour se souvenir de la formation d’un risque, on peut utiliser la formule suivante :
$\text{Risque} = \text{Aléa} \times \text{Vulnérabilité}$
Les risques naturels
Les risques naturels
Un risque est naturel quand il se rapporte à un aléa naturel (climatique, géologique…). On peut parler par exemple :
- du risque sismique (tremblement de terre) ;
- du risque cyclonique (ouragan, cyclone, typhon) ;
- ou encore du risque volcanique.
Si le risque se réalise et que l’aléa provoque des dégâts très importants sur une société, on parle alors de catastrophe naturelle.
Catastrophe naturelle :
Une catastrophe naturelle est un événement brutal d’origine climatique, sismique ou astronomique, provoquant de nombreux dégâts humains et matériels.
Aucun espace terrestre n’est exempt d’aléas naturels. Cependant, certains aléas se rapportent à une zone géographique particulière. C’est le cas des ouragans, cyclones et typhons qui se concentrent en zone tropicale.
Zone tropicale :
Les zones tropicales sont les espaces situés entre les deux tropiques (parallèles imaginaires sur une carte). Elles sont caractérisées par un climat tropical, c'est-à-dire une alternance entre saison sèche et saison humide.
Les ouragans, cyclones et typhons correspondent au même phénomène climatique. Le nom diffère uniquement selon la zone géographique :
- on parle d’ouragan dans l’Atlantique Nord et le Pacifique Nord à proximité des côtes américaines ;
- « Typhon » est le terme utilisé dans le Pacifique Nord à proximité des côtes asiatiques ;
- « Cyclone » est le terme utilisé dans le Pacifique Sud et dans l’Océan Indien.
Les tempêtes, que l’on peut connaitre en France métropolitaine, sont aussi des aléas climatiques similaires aux phénomènes cycloniques. Cependant, leur intensité est moindre.
D’autres aléas sont corrélés à un espace terrestre particulier, comme les séismes ou tremblements de terre. En effet, les risques sismiques se manifestent généralement au niveau d’une faille, le long des grandes plaques tectoniques du globe terrestre.
Plaques tectoniques :
Les plaques tectoniques sont les plaques constituant la lithosphère terrestre, c'est-à-dire la partie superficielle de la planète Terre. Ces plaques se déplacent et peuvent donc s’écarter ou se rapprocher les unes des autres : c’est ce qu’on appelle la « tectonique des plaques ».
On constate sur cette carte que le Japon est situé sur une jonction de plaques tectoniques. Le pays connait très fréquemment des épisodes de séismes. Quand un séisme se produit dans l’océan, il peut occasionner un tsunami.
Tsunami :
Un tsunami est une série d’ondes de forte puissance, engendrées généralement par un séisme, et qui se manifeste par d’immenses vagues destructrices qui déferlent sur les côtes.
Les déplacements des plaques tectoniques ont également formé la plupart des volcans au cours de la longue histoire terrestre. Bien que nombre d’entre eux ne soient pas actifs, le risque d’éruption volcanique existe pour certaines sociétés. On peut citer l’éruption de la montagne Pelée en Martinique en 1901 qui a détruit la ville de Saint-Pierre et a engendré la mort de 28 000 personnes.
Enfin, d’autres aléas peuvent survenir quelque soit l’endroit du globe. C’est le cas des inondations et des risques de crue. La France en connait régulièrement dans des zones différentes :
- dans les régions montagneuses lors de la fonte des neiges comme dans les Pyrénées ;
- dans les grandes vallées fluviales, comme le bassin de la Seine, en région parisienne ;
- dans les régions méditerranéennes aux intersaisons.
Ces différents aléas ne sont pas d’origine humaine. Cependant, l’exploitation par l’homme des espaces terrestres entraîne un accroissement de certains risques :
- les dégâts occasionnés par les inondations sont aggravés par l’urbanisation : la bétonisation rend les sols imperméables et empêche l’eau de s’écouler normalement ;
- selon le consensus scientifique, le réchauffement climatique favorise les événements climatiques exceptionnels comme des sécheresses ou des cyclones particulièrement destructeurs.
Ces aléas ne sont pas d’origine humaine. L’anthropisation, c'est-à-dire la transformation par l’homme des espaces terrestres, entraîne d’autres risques pour les sociétés : les risques technologiques.
Les risques technologiques
Les risques technologiques
Un risque technologique est d’origine anthropique, donc humaine. Il existe quatre catégories de risques technologiques : le risque nucléaire, le risque industriel, le risque de transport de matières dangereuses et le risque de rupture de barrage.
- Chacun de ces risques est corrélé à une activité humaine.
Le risque nucléaire est fréquemment évoqué dans les médias. En effet, les accidents sont rares mais d’une ampleur gigantesque. L’explosion des usines de Tchernobyl en Ukraine (1986) et de Fukushima au Japon (2011) ont fortement marqué les esprits.
Le risque nucléaire frappe par son impact dans le temps et dans l’espace. En effet, la pollution radioactive affecte tous les organismes vivants, faune et flore, sur une échelle de temps que l’on peine encore à mesurer. Les effets immédiats sur le corps humain sont extrêmement violents et souvent mortels (cancers).
Image prise par un drone de l’explosion de la centrale de Fukushima, le 11 mars 2011 ©CC BY-SA 2.0
La catastrophe de Fukushima trouve son origine dans un tsunami particulièrement violent qui a endommagé le système de refroidissement de la centrale, entraînant son explosion. Elle a entraîné des dégâts matériels considérables mais également une pollution radioactive multiple :
- pollution de l’air : le nuage radioactif s’est déplacé jusqu’en Europe du Nord ;
- pollution de l’eau : la centrale étant en bordure de l’océan Pacifique, les déchets radioactifs s’y sont déversés. En sous-sol, les nappes phréatiques ont aussi été polluées. ;
- pollution des sols, certains agricoles.
Les risques industriels concernent les usines industrielles, chimiques ou pétrochimiques. Les effets d’une catastrophe industrielle sont multiples : explosions, fuite de substance toxique ou encore pollution des eaux.
À titre d’exemple, on peut citer la catastrophe de Bhopal le 3 décembre 1984. Cet accident industriel de grande ampleur a été causé par des négligences au sein d’une usine de pesticides à Bhopal, en Inde. L’usine a explosé en occasionnant des pertes humaines considérables.
Le site de l’usine de Bhopal en 2008 ©Luca Frediani - CC-BY-SA-2.0
Le transport de matières dangereuses renvoie à des risques multiples. Il peut s’agir par exemple du transport d’hydrocarbures par des navires pétroliers. En 2010, l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon avait provoqué une fuite de pétrole dans le golfe du Mexique : c’est ce que l’on appelle une marée noire. Les impacts environnementaux ont été particulièrement dévastateurs.
Explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon
Le transport de matières dangereuses regroupe également le transport de déchets toxiques en provenance d’usines, le transport d’explosifs, de gaz ou encore de liquides inflammables. Les produits issus du secteur médical peuvent être concernés, comme les matières infectieuses (déchets médicaux).
Enfin, le risque de rupture de barrage correspond à la destruction totale ou partielle d’un barrage. Les facteurs de risques sont multiples :
- aléas naturels, comme un séisme ;
- défaut technique lors de la construction ;
- erreurs humaines dans l’exploitation du barrage.
Les dégâts occasionnés à la suite d’une rupture de barrage sont considérables car l’eau est libérée brusquement et se déverse avec une grande violence sur les zones habitées.
Ces risques appellent à une gestion adaptée par les autorités et par la société civile, qui cherchent à réduire leur vulnérabilité.
La gestion des risques selon les sociétés
La gestion des risques selon les sociétés
Les politiques de prévention
Les politiques de prévention
Afin de faire face à la vulnérabilité des espaces habités, les sociétés ont mis en place des politiques de prévention des risques.
Pour cela, les sociétés humaines ont d’abord cherché à comprendre les aléas auxquels elles étaient soumises pour mieux s’en prémunir. Chaque aléa est donc défini par son intensité.
- On établit la magnitude (c’est-à-dire la force) d’un séisme pour mesurer son intensité avec des outils de calculs comme l’échelle de Richter.
- L’intensité des cyclones, ouragans et typhons est également mesurée grâce à des outils comme l’échelle de Saffir-Simpson, divisée en 5 niveaux d’intensité.
- Lors de crues, on mesure la hauteur maximale de l’eau grâce à des échelles.
Les risques technologiques disposent aussi d’échelles de mesure. L’échelle INES, composée de 8 niveaux de risques (de 0 à 7), concerne le risque nucléaire. Le niveau le plus élevé n’a été atteint que deux fois dans l’histoire, lors des catastrophes de Tchernobyl (1986) et Fukushima (2011).
La prévention des risques passe aussi par la mise en place de normes de constructions adaptées aux aléas. Au Chili et au Japon par exemple, les nouveaux immeubles doivent impérativement respecter des normes sismiques. Les villes mettent également en place des procédures d’évacuation des populations en cas de tsunami, matérialisées dans les rues par des panneaux de signalisation.
Panneau d'évacuation en cas de tsunami, en Nouvelle Zélande (2011) ©Symac - CC BY-SA 3.0
Pour limiter les risques technologiques, les autorités publiques mettent en place une législation particulière qui s’impose aux industriels.
L’Union européenne a par exemple imposé la mise en place de normes SEVESO.
Seveso est le nom d’une usine italienne. En 1976, un nuage de produits toxiques s’est échappé de l’usine. Les pouvoirs publics n’ont pas pris la mesure du danger et les populations n’ont été évacuées que plusieurs semaines après le début de la catastrophe.
Les directives européennes « SEVESO » contraignent les établissements porteurs de risques technologiques à élaborer des mesures de protection pour les limiter. De plus, ils doivent prévoir des plans de secours en cas de catastrophes.
L’anticipation est donc le maître mot de la prévention des risques.
Aujourd’hui, dans les pays développés, une enquête sur les risques technologiques est indispensable avant toute installation industrielle.
La prévention limite la vulnérabilité des sociétés mais elle n’empêche pas la survenue de catastrophes.
La gestion des catastrophes
La gestion des catastrophes
Lors de la survenue d’une catastrophe, la vulnérabilité des sociétés doit être réduite par le respect des Plans de Prévention des risques ou autres plans de secours. Cependant, les catastrophes surviennent souvent de façon brutale.
La gestion des catastrophes est donc le plus souvent une gestion de crise.
La réponse des pouvoirs publics dépend du type d’aléa et des dégâts causés. Néanmoins, les réponses immédiates doivent être :
- l’envoi de signaux d’alerte aux populations par tous les moyens disponibles : messages radiophoniques ou télévisés, alarmes. Les alarmes sont nécessaires pour informer et diffuser les consignes comme l’obligation de rester confiné chez soi ou au contraire d’évacuer ;
- la mise en place d’une médecine de catastrophe, avec la participation éventuelle d’ONG comme Médecins sans Frontières ou la Croix-Rouge ;
- la mise en place d’une aide alimentaire et de relogement pour les populations touchées.
Dans le cas de catastrophes de grande ampleur, l’aide internationale peut être sollicitée.
Aide alimentaire d’urgence fournie par les États-Unis à Haïti lors de la catastrophe causée par l’Ouragan Matthew en 2016
Les catastrophes industrielles impliquent généralement des interventions d’urgence de réparation ou de colmatage. C’est le cas lors de fuites de produits toxiques.
Enfin, la plupart des catastrophes génèrent une quantité considérable de déchets : maisons détruites, déchets charriés par les cours d’eau en crue, infrastructures détruites, etc.
La gestion de ces déchets fait partie de la phase de reconstruction.
Les dégâts causés par un séisme à Portoviejo en Équateur en 2016 ©Agencia de Noticias ANDES – CC BY-SA 2.0
Pays du Nord et pays du Sud : une gestion différenciée ?
Pays du Nord et pays du Sud : une gestion différenciée ?
Les pays en développement ne disposent pas de moyens financiers comparables aux pays développés pour mener des politiques de prévention. Les bâtiments ne sont pas systématiquement conformes aux normes préventives. De même, la mise en place d’une législation contraignante pour les industriels peut être rendue inefficace si l’État n’a pas les moyens financiers et humains de la faire respecter.
Une fois la catastrophe survenue, les pays les plus pauvres peuvent se trouver démunis dans leur gestion de la crise. Ils doivent faire face :
- au manque de moyens ;
- au manque d’infrastructures pour délivrer à temps l’aide alimentaire ou médicale nécessaire. Dans ce cas, d’autres risques peuvent se surajouter, comme le risque épidémique ;
- à un temps de reconstruction rallongé.
De plus, de nombreux pays en développement se situent dans les latitudes tropicales, qui concentrent des risques particuliers (ouragans, cyclones, épisodes climatiques extrêmes). C’est notamment le cas pour la plupart des PMA.
PMA – Pays les Moins Avancés :
Les PMA sont les pays les moins avancés de la planète selon des critères de niveau de vie des populations et d’insuffisance des ressources. Ils sont actuellement au nombre de 47, dont 33 pays africains.
Ainsi, en Afrique subsaharienne, l’aléa le plus meurtrier reste les épisodes de sécheresse. Le même aléa n’a fait aucune victime au cours des quarante dernières années dans les pays développés.
Si les conséquences économiques d’une catastrophe affectent toujours le pays touché, elles peuvent être désastreuses pour un pays vulnérable. L’ouragan Matthew, qui a détruit une partie d’Haïti en 2016, a causé 2 milliards de dollars de dégâts selon les autorités haïtiennes, soit 1/3 du PIB du pays.
Toutefois, il faut éviter de simplifier la gestion des risques par les pays en voie de développement.
Comme dans les pays développés, on constate une amélioration continue dans la prévention et la mise en place de méthodes de gestion. Au Bangladesh, un des pays les plus pauvres de la planète, le nombre de victimes de cyclone a fortement diminué en quarante ans : 300 000 morts en 1970 contre 4 000 lors du dernier cyclone de 2007.
Conclusion :
Toutes les sociétés humaines sont soumises à des risques, naturels ou technologiques, dont elles essaient de se prémunir. Ces risques varient selon la situation géographie des pays, le milieu dans lequel évoluent les sociétés ou encore le degré d’industrialisation.
La gestion des risques implique la mise en place de techniques de prévention qui concernent la société dans son ensemble : pouvoirs publics, industriels, habitants. Certains risques particuliers demandent une attention des autorités qui produisent une législation de prévention, comme dans le domaine nucléaire.
Cependant, le risque « zéro » n’existe pas. Chaque pays tente d’être en capacité de répondre à la crise en cas de catastrophe. Si les pays en développement sont plus vulnérables, ils développent des stratégies selon leurs moyens afin d’en réduire l’impact humain, économique et écologique.