Les espaces ruraux en Chine : continuité ou fragmentation ?

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Introduction :

Dans la deuxième moitié du XXe siècle, la production agricole chinoise s’est transformée. Devenu un géant agricole mondial, le pays n’est pourtant pas passé à côté de l’urbanisation. Ce phénomène a entraîné une profonde mutation des espaces ruraux.

Ainsi, nous étudierons les enjeux auxquels sont confrontés les espaces ruraux chinois.

Pour cela, nous nous pencherons tout d’abord sur le défi de l’autosuffisance de la Chine, puis sur la transformation de son modèle agricole et l’éclatement de ses espaces ruraux. Enfin, nous nous intéresserons aux enjeux liés à ces espaces, qu’ils soient environnementaux, sociaux ou touristiques.

Le défi agricole chinois

La Chine : un géant agricole mondial

L’agriculture est une activité non négligeable dans l’économie chinoise :

  • en 2017, elle représentait 8,2 % du PIB (contre 1,6 % pour l’agriculture française) ;
  • elle employait 27 % de la population active du pays.
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À retenir

La Chine est aussi un géant agricole à l’échelle de la planète : en 2017, elle est le 3e exportateur mondial de produits agricoles derrière les États-Unis et le Brésil.

  • Au niveau des productions végétales, la Chine est :
  • le 1er producteur mondial de blé, de riz, de pomme de terre, de coton, de thé ;
  • le 2e de maïs ;
  • le 3e de sucre (de canne et de betterave).
  • La Chine est aussi le 1er producteur de porcs, de moutons et de volailles.

Au-delà de ces productions agricoles, les espaces ruraux chinois sont aussi la 1re réserve de terres rares au monde, loin devant les États-Unis et en situation de quasi-monopole (88 % de la production totale).

  • Les grandes mines se situent dans les provinces de Mongolie intérieure, du Jiangxi ou du Sichuan.

Les grandes caractéristiques de l’agriculture chinoise en 2015 - géographie - 1re - SchoolMouv

Le défi de l’autosuffisance

Le problème alimentaire chinois est un défi de taille : la Chine doit nourrir environ 20 % de la population mondiale tout en ne disposant que de 9 % des terres arables (exploitables) et de 6 % de la ressource en eau.

Jusqu’au milieu des années 2000, les espaces agricoles chinois avaient pour objectif de nourrir la population et de répondre à ce défi. Les derniers chiffres de la FAO (sigle anglophone qui renvoie à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) montrent que le nombre de Chinois sous-alimentés est passé de 207 millions en 2005 à 123 millions en 2017.

Pour atteindre l’autosuffisance, la production agricole chinoise s’est longtemps appuyée sur une multitude de très petites exploitations familiales (0,6 hectare de surface en moyenne, contre 2,6 hectares pour la moyenne mondiale).
La politique poursuivie par la Chine pour atteindre cette autosuffisance consistait alors à augmenter la production de denrées stratégiques (comme le blé et le riz) selon un modèle productiviste.

  • Ce modèle s’appuyait sur l’utilisation massive d’engrais et de pesticides, dont la Chine est le 1er consommateur mondial.

La Chine misait également sur la multiplication des travaux hydrauliques pour irriguer ses terres agricoles.

Des espaces ruraux en mutation

La transformation du modèle agricole

Le modèle agricole chinois fait face à de nombreux facteurs l’obligeant à se transformer depuis la fin des années 1990 :

  • l’exode rural a fait chuter le nombre d’actifs dans le secteur primaire de 446 millions en 2005 à 255 millions en 2017 ;
  • les ressources en eau sont de plus en plus limitées ;
  • l’impact environnemental du modèle productiviste devient très handicapant.
  • La transition alimentaire des Chinois a multiplié par deux la demande en protéines animales (viande, lait, œufs) depuis les années 1990.
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Définition

Transition alimentaire :

Évolution des pratiques alimentaires vers un modèle occidental, basé sur une consommation accrue de céréales (blé, riz), de protéines animales (viandes, œufs, lait), de sucre et de graisses saturées.

Les autorités chinoises ont donc mis en place une planification pour la « construction des nouvelles campagnes socialistes » afin de réaménager les espaces ruraux en optimisant les terres cultivables (destruction des hameaux et regroupement de la population dans un bourg, raccordement aux infrastructures de transport).

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Définition

Planification :

Organisation de l’économie par les pouvoirs politiques, essentiellement sous la forme de plans quinquennaux pour la Chine.

La filière agro-industrielle est également en plein développement, portée par quelques grandes structures étatiques (les fermes d’État) ou de grands groupes de transformation et de distribution (COFCO, Guangming-Bright Food, Yili, Mengniu) qui intègrent la Chine dans une agriculture mondialisée.

Enfin, depuis 2016, l’État chinois autorise la culture et la commercialisation de plantes OGM, symbolisant l’utilisation de plus en plus massive des biotechnologies.

La mutation des campagnes en Chine : des espaces ruraux éclatés ?

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À retenir

Les espaces ruraux chinois font face à une pression urbaine croissante.

L’urbanisation et l’industrialisation ont ainsi fait reculer les terres agricoles (2,5 millions d’hectares de terres perdues en 10 ans), notamment dans les plaines alluviales (plaines inondables à proximité des cours d’eau) où se sont développées les grandes villes et où se trouvent les terres les plus fertiles.

Cependant, la ville intègre ses campagnes proches dans son fonctionnement et organise parfois ses espaces ruraux pour assurer son approvisionnement (agriculture périurbaine).

  • En ce sens, villes et campagnes connaissent une complémentarité accrue.

Les conséquences des relations villes-campagnes sont un éclatement des espaces ruraux chinois, qu’il est possible de classer en fonction de leur connexion aux pôles urbains :

  • les anciennes campagnes périurbaines gagnées par les extensions résidentielles, l'industrialisation, les équipements urbains et les espaces de loisirs ;
  • les périphéries agricoles qui ont réorienté leur production en fonction du marché urbain (volailles, légumes, fruits, fleurs, etc.) ;
  • les espaces ruraux industrialisés pleinement intégrés à l'économie métropolitaine, voire mondialisée ;
  • les espaces agricoles toujours marginalisés, notamment à l’ouest de la Chine.

Les enjeux liés aux espaces ruraux chinois au XXIe siècle

L’enjeu environnemental

Les espaces ruraux chinois font face à de graves problèmes environnementaux puisque l’eau et les sols sont fortement pollués par les rejets industriels, les usages urbains et l’emploi massif des pesticides et engrais :

  • dès 2011, les autorités reconnaissent que 40 % des rivières sont gravement polluées et 20 % considérées comme toxiques ;
  • pour les sols, les autorités chinoises estiment que 19 % des terres cultivées et 16 % du territoire dépassent les seuils de pollution admis en Chine, chiffres sous-évalués par certains experts.

Face à ces impasses écologiques, les autorités chinoises ont adopté dans le treizième plan quinquennal (2016-2020) le principe d’une « gouvernance écologique ». Parmi les mesures principales, sont prévus :

  • le classement de 3 millions d’hectares en « terres agricoles permanentes » pour les protéger de l’extension urbaine ;
  • et l’abandon de la politique de surproduction pour améliorer la qualité des sols.

Ces mesures sont complétées par d’autres plans lancés dès les années 2010, dont les objectifs sont multiples :

  • diffuser des techniques d’irrigation plus économes ;
  • limiter les engrais et pesticides ;
  • mieux contrôler les élevages, dont les rejets (azote, phosphate, potassium, etc.) posent problèmes à proximité de captages d’eau ou des régions densément peuplées.

Les conflits d’usages autour des espaces ruraux

En Chine, les conflits d’usages autour des terres agricoles se multiplient. Les paysans ont peu de droits sur le foncier agricole : la terre est toujours une propriété collective. Ils subissent donc diverses spoliations (expropriations) au profit de grands travaux, de l'expansion urbaine, voire de mesures de protection environnementale.

  • Au total, environ 200 000 hectares seraient ainsi dérobés chaque année par les gouvernements locaux.

De nouveaux usages des espaces ruraux viennent également renforcer ces tensions.
Le développement d’un tourisme rural, promu dans le cadre de la planification des « nouvelles campagnes socialistes », modifie la perception d’une partie de la population chinoise sur sa ruralité. Longtemps associées pour les élites urbaines aux camps de travail de la révolution culturelle, les campagnes chinoises sont désormais vues comme des espaces chargés de valeurs traditionnelles (nourriture et air sain, travail de la terre) et de paysages porteurs de traits culturels chinois. Cela se traduit par la rénovation de plusieurs milliers de villages, bourgs et districts aux portes des grandes villes comme Shanghai.

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Définition

Révolution culturelle :

Politique de purge mise en place par Mao à partir de 1966. Une partie des victimes furent envoyées dans des camps de travail pour y être rééduquées.

Toutes ces problématiques poussent la Chine à acquérir de nouveaux espaces ruraux à l’étranger en menant une politique de land grabbing pour acheter ou louer des terres agricoles dans des pays du sud comme le Mozambique, le Nigeria, le Brésil ou l’Argentine, voire en Europe.

Conclusion :

Le modèle agricole de la Chine s’est mondialisé à la fin des années 1990, et la pression de l’urbanisation s’est accrue. Les espaces ruraux chinois sont confrontés à plusieurs défis, car le pays doit à la fois subvenir aux besoins de sa population mais aussi à toutes celles de la planète. Ce modèle productiviste a entraîné de graves problèmes environnementaux, que la Chine tente aujourd’hui de prendre en considération.