Le libre arbitre

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Problématiques

  • Le libre arbitre est-il réel ou illusoire ?
  • La critique du libre arbitre signe-t-elle l’effondrement de la morale et de la justice ?

Définitions à connaître : liberté, morale, illusion.

  • Saint Augustin et le libre arbitre

Saint Augustin cherche à comprendre comment le mal est possible sur Terre alors que Dieu existe. Pour le théologien, Dieu n’est pas responsable du mal et l’être humain est seul fautif car « Dieu a conféré à sa créature, avec le libre arbitre, la capacité de mal agir, et par-là même, la responsabilité du péché » (De libero arbitrio).
Saint Augustin fait l’hypothèse de l’existence d’un libre arbitre qui permet d’expliquer l’existence du mal sur Terre. Le libre arbitre nous vient de Dieu, ainsi si nous nous en servons pour faire le mal, Dieu n’est pas responsable car nous avons le choix.

  • Le libre arbitre est un don divin qui offre à l’être humain la capacité de choisir entre le bien et le mal.
  • Descartes et le libre arbitre

Au XVIe siècle, Descartes affirme qu’un acte n’est libre que s’il résulte d’un choix de notre volonté. L’exercice de la volonté qui consiste à faire ou non quelque chose, c’est le libre arbitre. Il s’agit d’un pouvoir, celui de se déterminer indépendamment de toute contrainte extérieure, mais aussi d’être la cause de nos actes.

  • Le libre arbitre est une décision absolue de la volonté.
  • Bourdieu et les déterminismes

Les influences qui pèsent sur l’être humain sont nommées déterminismes :

  • Il y a le déterminisme biologique et physique : en tant qu’être vivant nous sommes voués à mourir ;
  • D’autres sont des influences extérieures à l’être humain, comme les lois morales ou sociales qu’il intègre via son éducation familiale et scolaire ;
  • Certaines influences sont aussi intérieures, comme nos désirs et notre inconscient. Elles déterminent au moins en partie notre façon de penser et d’agir, nous façonnent et nous conditionnent.
  • Le déterminisme social a été théorisé par Bourdieu avec le concept d’habitus, c’est-à-dire ce qui nous pousse à reproduire des pratiques et des constructions sociales.
  • Fernando Savater, Éthique à l’usage de mon fils

Pour illustrer l’influence que les déterminismes ont sur nos choix ou non, le penseur espagnol commente l’exemple mythologique d’Hector, un héros troyen qui doit combattre le puissant Achille. Hector a-t-il le choix de combattre ? Son choix est déterminé à l’avance par de multiples causes :

  • sa culture et son éducation lui ont inculqué qu’il faut combattre les ennemis de Troie ;
  • ses valeurs comme le sens de l’honneur et du devoir l’incitent à défendre ses concitoyens et sa cité sans se poser de question ;
  • son caractère impétueux et bouillonnant l’incite à rivaliser d’égo avec Achille.

Nous pouvons penser qu’Hector n’a pas vraiment le choix d’aller combattre, et qu’il est déterminé à le faire. Ainsi il n’est pas libre, mais contraint par la force des déterminismes. Pourtant, nous continuons de l’admirer car nous considérons qu’il pourrait choisir d’ignorer ces influences et de refuser le combat, malgré tous les conditionnements qui pèsent sur sa volonté. D’ailleurs, son frère Pâris fuit le combat la première fois qu’il rencontre Ménélas, le roi de Sparte. Pourtant, Pâris a reçu la même éducation que son frère, il est conditionné par les mêmes valeurs.

  • Hector est donc libre parce qu’il peut faire un choix, envers et contre toutes les influences qui pèsent sur ce choix.
  • Le libre arbitre chez les stoïciens

Selon les stoïciens, il existe un déterminisme naturel qui nous pousse à agir de telle ou telle manière : notre avenir est donc déterminé. Cependant, il nous reste une part de libre arbitre : il nous est possible d’agir à contre-courant, ou dans le sens du courant. Or quoi que l’on fasse les événements qui doivent arriver, arriveront.

  • La seule marge de liberté qui nous reste n’est pas tant la teneur des choix que nous prenons, mais la compréhension de pourquoi nous les prenons. Comprendre son destin est selon les stoïciens le seul moyen d’être heureux.
  • Ce qu’implique le libre arbitre pour Thomas d’Aquin

Le théologien Thomas d’Aquin affirme que sans libre arbitre : « les conseils, les exhortations, les préceptes, les interdictions, les récompenses et les châtiments seraient vains ».
Si l’être humain n’était pas libre et n’avait pas le choix de résister aux nombreuses influences qui pèsent sur lui, alors comme l’animal, il ne serait pas responsable de ses actes et ne pourrait pas être puni par la loi.

  • Spinoza et la superstition du libre arbitre

Selon Spinoza, tout événement est déterminé par les causes qui le précèdent. C’est la loi de la causalité selon laquelle un effet a nécessairement une cause.

Spinoza se demande alors pourquoi la volonté serait une exception à cette règle. Pour lui, l’idée selon laquelle la volonté exerce un libre arbitre sans être poussée par autre chose est impossible et relève du miracle. Un miracle est ce qui contredit les lois de la physique. Se croyant doté d’un libre arbitre, l’être humain se prend pour un être miraculeux, un petit dieu qui interrompt la causalité et se pose comme créateur tout puissant de son acte.

  • Selon le philosophe, le libre arbitre relève donc d’une croyance religieuse. La volonté elle-même a été déterminée à prendre telle ou telle décision : nos choix ne sont pas libres.
  • Spinoza et l’innocence de l’être humain

Spinoza distingue le plan moral et le plan juridique :

  • d’un point de vue moral, il considère que l’être humain est innocent car il n’a pas la possibilité de choisir entre un bon ou un mauvais usage de son libre arbitre. En effet, dans sa conception, le libre arbitre n’existe pas : la volonté humaine est en prise directe avec les déterminismes qui pèsent sur un acte ;
  • du point de vue juridique, « on a le droit de l’étrangler », conclut le philosophe. Un individu nuisible aux autres est responsable pénalement, et doit être mis hors d’état de nuire afin de protéger la société. Accabler moralement cet individu est cependant inutile. Nous devrions plutôt faire preuve de compassion à son égard, car son impossibilité d’être autre chose qu’un criminel le condamne à être mis en marge de la société.
  • La thèse de Spinoza rend l’être humain responsable devant la loi, même s’il est victime de ce qui le détermine.
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À retenir

  • La tradition philosophique croit en l’existence du libre arbitre. Il s’agit d’une volonté consciente qui permet à l’être humain d’opérer des choix libres en faisant abstraction des influences qui pèsent sur ses actes.
  • Comme le prouve le raisonnement de Spinoza, l’existence du libre arbitre est contestable.
  • Néanmoins, les êtres humains continuent de croire au libre arbitre pour des raisons d’ordre moral et juridique. Si nous n’avions pas la possibilité d’agir librement, nous ne pourrions pas être tenus pour responsables de nos actes. Aucun acte ne serait plus condamnable, et la vie en collectivité deviendrait impossible.
  • La justice doit pouvoir imputer à un individu la responsabilité de ses actes quand il fait preuve d’un comportement nuisible pour autrui, s’il avait la possibilité d’agir autrement.