La socialisation et la construction d'une identité sociale
Introduction :
La socialisation est un processus d’apprentissage. Elle nécessite l’acquisition et l’intériorisation de pratiques, de normes sociales, de règles de conduite et des valeurs de la société dans laquelle se développe l’individu. Les contraintes imposées par la société et les interactions avec l’environnement proche de l’individu construisent l’identité sociale.
Les instances de socialisation ont un rôle très important à jouer dans la construction de nos identités sociales. Comment se construit notre identité sociale ? Quelles sont les instances de socialisation importantes ?
Dans une première partie, nous verrons l’importance de la famille, de l’école et des pairs dans la formation des plus jeunes. Nous aborderons ensuite la socialisation secondaire à travers les exemples de la socialisation professionnelle et conjugale.
L’importance des instances de socialisation durant la socialisation primaire
L’importance des instances de socialisation durant la socialisation primaire
Socialisation primaire :
La socialisation primaire désigne la partie du processus de socialisation qui se déroule pendant l'enfance et l'adolescence.
Durant la socialisation primaire, nous intégrons les premiers repères de notre identité sociale grâce notamment à la famille, à l’école ou encore aux groupes de pairs.
L’identité sociale se compose de tout ce qui permet de caractériser un individu, de l'identifier comme appartenant à différents groupes (genre, âge, milieu social). Les identités peuvent être multiples. Elles déterminent nos rôles sociaux. Prenons l’exemple d’un individu âgé de 16 ans : la journée, il endosse le rôle de lycéen puis, en rentrant chez lui, il joue davantage un rôle de fils/fille ou de frère/sœur.
La construction d’une identité sociale s’opère par le contact avec les socialisateurs. L’enfant est ainsi en interaction avec une diversité d’instances de socialisation.
Il y a d’abord la famille mais aussi l’école. Ces deux instances de socialisation façonnent l’identité sociale de l’enfant.
L’importance de la socialisation familiale
L’importance de la socialisation familiale
Durant l’enfance, l’individu intériorise les premières règles du jeu social : l’apprentissage de la parole, de la marche ou encore des règles d’hygiène et de politesse notamment.
Les parents transmettent des normes et des valeurs dans un contexte affectif, chargé d’émotions. La famille est ainsi le premier référent de l’enfant. En tant que socialisateur, elle forme l’individu en fixant un cadre à respecter.
L’enfant est aussi en position active puisqu’il fait l’apprentissage de rôles sociaux en imitant ses parents. En effet, un enfant s’amuse souvent à « faire comme les grands » (vêtements, postures, attitudes, etc.).
De plus, l’enfant apprend aussi aux parents à intégrer les normes et les valeurs de la parentalité. Par exemple, avec l’enfant, les parents apprennent la patience ou encore l’autorité. Les socialisés sont donc aussi des socialisateurs.
Rôle social :
Un rôle social désigne un comportement, une conduite précise correspond à un statut social (position occupée dans la société).
Prenons l’exemple de comportements au sein d’une classe d’élèves. La position occupée par l’enseignant est différente de celle occupée par l’élève (ils n’ont pas le même statut). Le statut d’enseignant permet d’interroger la classe (rôle social de l’enseignant). En revanche, le rôle de l’élève est de lever la main et d’attendre avant de prendre la parole.
La famille transmet aussi des opinions, des croyances. Par exemple, une enquête de la sociologue Anne Muxel estime que les deux tiers des Français adoptent le même comportement politique que leurs parents.
La famille fixe un cadre essentiel permettant à l’enfant de mieux percevoir son environnement et s’y adapter. Cette étape de la socialisation primaire est particulièrement importante. Les normes et les valeurs inculquées durant l’enfance ont des effets à l’âge adulte. Elles influenceront nos opinions, nos pratiques ou encore nos goûts. On peut d’ailleurs parler de reproduction sociale car la famille transmet un modèle que nous reproduisons inconsciemment en société.
La socialisation scolaire et le développement de la personnalité
La socialisation scolaire et le développement de la personnalité
Grâce à l’école, l’enfant entre en relation avec un nouveau socialisateur. Cette découverte n’est pas toujours bien vécue par l’enfant. En effet, il doit faire l’expérience d’un monde social qui s’élargit. Les normes deviennent alors de plus en plus nombreuses et l’enfant perçoit ce changement comme une contrainte nouvelle qui s’impose à lui.
Pourtant, l’enfant doit s’adapter à ce nouvel univers. En entrant en relation avec les socialisateurs (enseignants et agents de vie scolaire), il développe sa personnalité et enrichit son identité sociale. Il fait ainsi l’apprentissage d’un nouveau statut, celui d’élève.
Prenons l’exemple d’un groupe de lycéens : il n’est pas rare d’observer parmi eux la création et l’utilisation de surnoms qui traduisent aussi d’une certaine manière cet enrichissement des identités sociales.
L’école permet de développer la personnalité des individus grâce à trois grands types d’apprentissage :
- l’école est d’abord un lieu d’apprentissage des savoirs scolaires. L’enfant apprend notamment les mathématiques, le français, l’histoire-géographie puis progressivement, de nouvelles disciplines sont enseignées. Aux savoirs s’ajoutent des savoir-faire avec l’assimilation de méthodes de travail ;
- à cela s’ajoutent les savoirs extrascolaires qui déterminent l’apprentissage d’un rapport au temps, à l’espace et aux autres. Les normes du règlement intérieur doivent être assimilées. On prépare alors les élèves à tout un amas de contraintes : le respect de l'autorité, la ponctualité, la participation sont autant de savoir-être qui sont transmis par l’école. L’école transmet aussi les valeurs de la République. Elle forme les futurs citoyens ;
- enfin, l’école permet également l’acquisition de savoirs en marge ou en opposition notamment à travers la socialisation culturelle par les pairs en formant des groupes par affinité (amateurs de rap, de sport par exemple). L’école permet aussi aux élèves d’expérimenter la socialisation sentimentale avec les premiers « flirts » entre camarades. Tous ces apprentissages concourent à modeler la personnalité de l’individu.
Les actions des instances de socialisation sont très souvent complémentaires. Le mérite, le respect ou encore l’obéissance sont des valeurs transmises à la fois par la famille et par l’école.
- Cette transmission s’effectue en coopération.
Les deux instances organisent d’ailleurs régulièrement des rencontres afin de suivre au mieux la progression de l’enfant : rendez-vous, réunions parents-profs ou encore carnet de correspondance sont autant d’exemples des formes que peut revêtir cette coopération.
Cependant, les instances de socialisation peuvent aussi entrer en conflit. Certaines normes ou valeurs transmises par la famille peuvent être en contradiction avec celles de l’école. On peut penser aux pratiques religieuses qui sont proscrites par l’école laïque mais aussi et surtout aux façons de s’exprimer, qui peuvent ne pas correspondre aux attentes de l’école.
Toutefois, les principaux conflits en matière de socialisation opposent surtout l’école et la famille d’un côté aux groupes de pairs et aux médias de l’autre. En effet, des valeurs en opposition avec celles de l’école et de la famille peuvent être véhiculées entre amis et par les médias. On peut penser par exemple au langage familier utilisé dans les programmes de télé-réalité.
Après la famille, l’école est donc une autre instance de socialisation essentielle. Elle consolide les normes et valeurs acquises dans la familiale, apporte de nouveaux apprentissages à l’enfant (connaissances, comportements) tout en lui permettant d’élargir les sphères de socialisation et les rôles sociaux correspondant (rapport élève-professeur, rapports d’amitié, etc.).
La construction de l’identité sociale à l’âge adulte
La construction de l’identité sociale à l’âge adulte
Socialisation secondaire :
La socialisation secondaire désigne la poursuite du processus de socialisation à l’âge adulte.
La socialisation professionnelle
La socialisation professionnelle
À l’âge adulte, l’individu devient davantage acteur de sa socialisation étant donné que les premières normes et valeurs lui ont été transmises par la famille, l’école et les pairs.
Avec l’insertion professionnelle, l’individu connaît une seconde étape importante dans son processus de socialisation. En intégrant le monde du travail, il fait l’acquisition d’un nouveau statut dans la société.
Statut professionnel :
Le statut professionnel désigne la position occupée par l’individu dans le cadre professionnel. Le fait d’être salarié, travailleur indépendant, chômeur ou inactif sont autant d’exemples de statuts professionnels.
La socialisation secondaire est aussi et surtout le moment où l’individu acquiert une autonomie dans le monde social. Il ne dépend plus de la socialisation familiale ou scolaire. Il doit « voler de ses propres ailes ».
Les organisations productives telles que les entreprises sont des lieux de socialisation secondaire qui permettent à l’individu d’être intégré socialement. L’identité au travail n’est pas la même que dans la famille. L’individu joue ainsi différents rôles en fonction de la sphère dans laquelle il se situe (famille, travail, etc.) et il adapte chaque rôle en fonction de son statut. Un ouvrier, un cadre d’entreprise ou un médecin doivent « endosser » un rôle social.
Cette socialisation fonctionne par étapes. Il y a tout un processus de socialisation qui s’effectue ici par anticipation. À l’âge adulte, la socialisation devient anticipatrice : l’individu doit apprendre les normes et les valeurs du groupe auquel il souhaite appartenir (le groupe de référence).
Prenons l’exemple d’un étudiant en médecine. Dans les dernières années de sa formation, il va tenter d’intégrer les façons d’être et de faire des médecins déjà formés qu’il côtoie. Il doit ainsi apprendre de nombreux gestes techniques (faire une ponction lombaire par exemple), apprendre à travailler en équipe (relation aux infirmiers notamment) mais aussi en autonomie (il effectue des gardes et prend seul en charge de nombreux patients la nuit). Il apprend à faire face à une personne malade sans s’impliquer émotionnellement.
Groupe d’appartenance :
Groupe social auquel l’individu appartient.
Groupe de référence :
Groupe social auquel l’individu souhaite appartenir.
Un même individu est ainsi amené à connaître plusieurs statuts au cours de sa vie, statuts qui lui permettront d’expérimenter de nombreux rôles sociaux. Notre identité sociale est donc « plurielle ».
Le couple : un prolongement de la socialisation primaire ?
Le couple : un prolongement de la socialisation primaire ?
La socialisation professionnelle n’est pas la seule se déroulant à l’âge adulte. Il y a également la socialisation conjugale.
Il s’agit de l’intégration des règles de la vie en couple. Les conjoints font l’apprentissage de normes et de valeurs nouvelles qu’ils construisent ensemble. Il s’agit pour eux d’élaborer un projet de vie commune permettant d’assurer la cohésion du couple. Les conjoints définissent ainsi les règles de vie et les valeurs qu’ils souhaitent partager au quotidien.
Prenons l’exemple d’un couple nouvellement formé. Au départ, les conjoints tentent de mieux se connaître en évoquant notamment les valeurs importantes pour eux (le respect, la générosité, le calme par exemple). Inconsciemment, ils négocient les normes et valeurs qui seront plus tard centrales au sein du couple.
Le mariage est un autre exemple de phase de socialisation conjugale. En effet, les conjoints consolident leur projet de vie commune. Ils « enterrent » leur vie de jeune pour créer une nouvelle identité sociale grâce à l’acquisition de leur statut marital.
À l’inverse, un divorce (ou une séparation) implique inévitablement une désocialisation pour les conjoints. L’identité du couple est rompue et les relations sociales autour du couple sont chamboulées. Les normes et les valeurs autrefois centrales dans le couple sont remises en cause.
Conclusion :
La socialisation permet de construire notre identité sociale. Cette dernière désigne la façon dont un individu ou un groupe se définit et est défini par les autres. L’identité est à la fois construite par les individus eux-mêmes mais aussi grâce aux différentes instances de socialisation.
Durant la socialisation primaire, l’univers social de l’enfant est limité à sa famille qui est alors le référent essentiel dans la transmission des normes et des valeurs. Peu à peu, le monde social de l’enfant s’élargit grâce à l’action de l’école. Cette dernière permet de consolider les acquis de l’enfant en transmettant des savoirs nouveaux (scolaires mais aussi extrascolaires). En côtoyant des pairs, l’enfant puis l’adolescent se forge de nouvelles identités (membre d’un club, d’une association, d’un groupe).
À l’âge adulte, l’identité sociale acquise durant l’enfance ne s’efface pas complètement. Avec l’entrée dans la vie active et la mise en couple, l’individu intègre peu à peu de nouvelles normes et valeurs qui lui permettront de compléter son identité : c’est la socialisation secondaire. Elle peut être en continuité avec la socialisation primaire (effectuer la même profession que ses parents ou se mettre en couple et reproduire les attitudes de ses parents) ou en rupture.
L’identité sociale d’un individu est plurielle, puisque celui-ci est amené à endosser différents rôles et statuts.