Formation et disparition des océans : témoins d’un passé mouvementé de la Terre
Introduction :
Les dorsales au centre des océans, ainsi que les zones de subduction aux frontières des plaques, sont des preuves que les océans sont des espaces dynamiques, en évolution permanente. On sait que, au cours de l’histoire de la Terre, les continents poussés par cette dynamique océanique se sont séparés et rassemblés à plusieurs reprises. Lorsqu’ils se rassemblent, on observe la formation d’une chaîne de montagne, comme l’Himalaya ou les Alpes par exemple.
Nous allons étudier dans ce cours comment se forment les montagnes, puis nous ferons le lien entre ces chaînes de montagne et les océans grâce à des observations de terrain. Nous finirons par étudier les marqueurs de l’ouverture océanique.
La formation des chaînes de montagnes
La formation des chaînes de montagnes
Commençons par l’étude de cartes topographiques et géologiques dans le but de comparer relief et types de roches.
Les chaînes de montagnes sur les cartes
Les chaînes de montagnes sur les cartes
Le marron correspond aux plus hautes altitudes et le vert aux plus basses.
En observant une carte des reliefs de l’Europe, on peut constater une certaine continuité entre les grandes chaînes de montagne.
On voit par exemple que les Apennins (trait bleu foncé) en Italie sont dans le prolongement des Alpes du Sud (trait bleu), tout comme les Carpates (trait vert foncé) en Europe centrale sont reliées aux Alpes autrichiennes (trait vert). Si l’on prolonge encore les Alpes à l’est, on peut voir la chaîne anatolienne (trait rouge foncé) en Turquie qui s’étend selon le même axe (trait rouge).
Remarque :
À l’échelle mondiale, cette continuité montagnarde se prolonge jusqu’à l’Himalaya.
Cet alignement borde la plaque eurasienne au Sud.
- On parle alors de ceinture orogénique.
Ceinture orogénique :
Une ceinture orogénique (du grec oros qui signifie « montagne ») est un système montagneux aligné et étroit se situant en bordure d’une plaque continentale.
Il existe donc une continuité des chaînes montagneuses à travers le monde.
Concentrons-nous à présent sur l’étude de la France dont voici la carte géologique (ci-dessous).
Une carte géologique présente la nature et l’âge des roches en surface sur l’ensemble du territoire (ici sur l’ensemble du territoire français).
Carte géologique de la France ©BRGM
On peut observer dans un premier temps plusieurs ensembles géologiques :
- le Massif armoricain (Bretagne) ;
- les bassins parisien et aquitain ;
- le Massif central ;
- les Alpes ;
- les Pyrénées.
Si l’on regarde ces grands ensembles et leur relief (cf. carte de l’Europe déjà étudiée ci-dessus), on observe pourtant que, contrairement aux autres ensembles français, le Massif armoricain ($416\,\text{m}$ et les bassins ($\sim{178}\,\text{m}$) sont de faible altitude.
Comment expliquer que le Massif armoricain ait un faible relief alors que c’est un « massif » ? Pour répondre à cette question, penchons-nous sur la légende de notre carte géologique.
Les cycles orogéniques
Les cycles orogéniques
Légende de la carte géologique de France ©BRGM
L’étude de la légende de la carte géologique de France nous montre que les roches du Massif armoricain datent de plus de $250\,\text{Ma}$. De plus, on peut voir à droite de la légende que l’âge des roches en Bretagne correspond à celui de deux orogénèses : les orogénèses varisque et cadomienne.
Orogénèse :
L’orogénèse est la formation d’une chaîne de montagne. Elle se produit lors d’une collision entre deux plaques continentales.
Le Massif armoricain correspond donc à une chaîne de montagne ancienne ; et si aujourd’hui son relief est moins important, c’est qu’elle a été érodée au cours du temps. Les roches présentes au cœur de la chaîne lors de sa formation sont maintenant à l’affleurement.
Érosion d’une chaîne de montagne et mise à l’affleurement des roches profondes
L’érosion, associée à la fin de la dynamique de collision entre deux plaques, est un des éléments qui entraînent la disparition d’une chaîne de montagne.
Nous souhaiterions donc à présent étudier la formation d’une chaîne de montagne. Mais avant toute chose, retournons voir la carte géologique de France pour y soulever un paradoxe.
Les montagnes résultent de la collision entre deux plaques continentales. Cependant, on peut observer la présence de roches sédimentaires situées sur les chaînes de montagne. On sait pourtant que les roches sédimentaires se forment au fond des océans…
Fossile d’ammonite photographié dans les Alpes ©DOLChristine
Comment est-il possible alors que ces sédiments se retrouvent au niveau des montagnes ?
Pour répondre à cette question, nous allons étudier la chaîne des Alpes qui correspond à une orogénèse encore en cours.
Les marqueurs océaniques dans les Alpes
Les marqueurs océaniques dans les Alpes
Le Chenaillet, un plancher océanique en altitude
Le Chenaillet, un plancher océanique en altitude
Si l’on se dirige à l’est, dans les Alpes internes, une balade au Chenaillet permet de découvrir une grande diversité de roches. On peut voir ci-dessous le panorama du Chenaillet puis les différentes roches observées sur le terrain.
Interprétation du paysage au Chenaillet ©FlorentFigon
À gauche de la photographie se trouve une zone avec des radiolarites et calcschistes.
Les radiolarites et calcschistes sont des roches sédimentaires se formant à une grande profondeur ($-4000\,\text{m}$ pour les radiolarites).
- Ces roches se sont donc formées au fond d’un océan.
Les roches suivantes sont des roches magmatiques typiques du plancher océanique (des ophiolites).
- Les basaltes en coussin notamment (ou « pillow lava ») résultent d’un volcanisme marin.
Ophiolites :
On appelle « ophiolites » les reliques d’un ancien océan retrouvées dans une chaîne de montagne. Une obduction est à l’origine de la formation des ophiolites.
Obduction :
On appelle obduction le phénomène de chevauchement d’une plaque continentale par une plaque océanique à l’origine de la formation d’ophiolites.
Nous avons donc, au Chenaillet, un plancher océanique à plus de $2000\,\text{m}$ d’altitude !
Comment ce plancher s’est-il retrouvé là ?
Nous allons commencer par des observations de terrain afin de retrouver les marqueurs de compression et d’étudier les roches composants les chaînes de montagnes ; puis nous verrons quel est le scénario de la formation des Alpes.
Le Queyras, relique de la subduction
Le Queyras, relique de la subduction
Continuons notre progression vers l’est pour rechercher d’autres marqueurs de l’histoire des Alpes.
Dans le Queyras, au col de Saint-Véran, nous pouvons observer des métabasaltes et des métagabbros.
Ces roches sont métamorphiques, elles ont subi des transformations dues à des variations de pression et température.
On peut voir sur cette photographie que la roche contient du glaucophane et de l’épidote. Si vous vous souvenez de vos cours de première, vous savez certainement que ces minéraux sont des marqueurs d’un métamorphisme de faciès « schiste bleu » que l’on retrouve dans les zones de subduction.
Le glaucophane et l’épidote ne se forment que dans des conditions de très fortes pressions propres aux zones de subduction.
On peut donc déduire de ces observations que les roches du plancher océanique sont entrées en subduction avant d’être exhumées lors de la collision, puisqu’elles sont aujourd’hui présente en surface.
Exhumation :
On appelle exhumation le retour à la surface des roches profondes.
Les Alpes externes, marqueurs de collision
Les Alpes externes, marqueurs de collision
Cap sur l’ouest : le Vercors et la Chartreuse sont des massifs montagneux en bordure des Alpes. Ils font partie des Alpes externes. Ces massifs sont composés de roches sédimentaires calcaires datant du Crétacé. Il est assez facile d’observer dans le paysage les couches de sédiments ainsi que des signes de déformation.
Voyons plutôt :
À gauche, sur la photographie, on peut facilement distinguer des couches sédimentaires inclinées : on observe un pli dans ces couches sédimentaires vers l’ouest. À droite, l’interprétation schématique de ce paysage.
Au niveau de Sassenage, entre la Chartreuse et le Vercors, on peut ainsi observer un pli et une faille inverse.
- Ceux-ci étant des marqueurs de compression, on se trouve donc bien dans une zone de convergence.
Résumé de la formation des Alpes
Résumé de la formation des Alpes
Les Alpes sont un ancien océan qui s’est refermé. Lors de la fermeture de l’océan, le plancher océanique est entré en subduction, puis il y a eu collision entre deux croûtes continentales. Lors de la collision, il y a eu exhumation des roches océaniques entrées en subduction. On retrouve ces roches dans les ophiolites du Chenaillet, du Queyras et du massif de Dora Maira.
Pour résumer l’ensemble des observations faites dans la partie précédente, je vous invite à regarder la vidéo suivante .
L’ouverture des océans
L’ouverture des océans
Nous avons vu que la fermeture d’un océan aboutit à une chaîne de montagne. Vous avez étudié en classe de première la formation du plancher océanique et sa subduction. Nous allons maintenant voir comment s’organise la genèse de l’océan.
La marge passive Atlantique
La marge passive Atlantique
Pour cela nous allons dans un premier temps étudier la marge passive de l’océan Atlantique.
Marge passive :
Une marge passive est une bordure entre la zone continentale et la zone océanique sur laquelle on ne relève pas d’activité tectonique.
Marge active :
On l’oppose à la marge passive dans laquelle le passage croûte océanique-croûte continentale se fait avec une subduction.
Dans une marge passive, la croûte continentale et la croûte océanique appartiennent à la même plaque lithosphérique.
Les côtes est et ouest de l’océan Atlantique sont des marges passives. L’Atlantique est un océan jeune, en cours d’expansion.
Étudions donc les marges passives pour comprendre comment s’est ouvert l’océan. Pour ce faire, nous allons plus précisément nous intéresser aux marges du golfe de Gascogne. Cette étude est possible grâce à la réalisation de profils sismiques.
Profil sismique :
Un profil sismique est une méthode permettant de visualiser les changements de couches sédimentaires. Ces changements de couches sont matérialisés par des traits.
Un profil sismique s’obtient par sismique réflexion ou réfraction.
Principe de la sismique réflexion (ondes réfléchies) et de la sismique réfraction (ondes réfractées)
- La sismique réflexion consiste à étudier le trajet des ondes. Lors d’un changement de milieu et donc de couche sédimentaire, une partie des ondes est réfléchie vers la surface. On provoque donc la formation d’ondes sismiques puis on enregistre leur temps de trajet jusqu’à des géophones.
- Pour la sismique réfraction on utilise également les propriétés de déplacement des ondes le long des changements de milieu.
On peut voir sur ces profils des failles normales (en bleu). Dans le profil A, la zone orange correspond à un bloc basculé : on peut voir que les couches sédimentaires à cet endroit ne sont plus horizontales. De plus, on voit que des sédiments du Crétacé à aujourd’hui sont venus combler les espaces créés par le basculement des blocs (zone verte). Les sédiments de cette zone sont dits « post-rift » et permettent de dater le basculement des blocs (nous vous renvoyons pour cela au cours sur la datation relative).
Les blocs basculés et les failles normales sont des marqueurs de zones de divergences.
On en retrouve d’ailleurs également dans la chaîne des Alpes où ils constituent des reliques de la marge passive de l’océan disparu.
Le Taillefer est un massif granitique. On peut voir que son versant ouest est incliné, il marque une limite avec les roches sédimentaires se trouvant en discordance sur ce versant. Ces roches sont sédimentaires et plus récentes que le Taillefer, elles se sont formées dans un bassin entre deux blocs basculés (La Mure et Taillefer). On peut observer des failles à l’est du Taillefer qui marquent la limite entre ce massif et les roches sédimentaires de Bourg d’Oisans. Les roches de Bourg d’Oisans se sont formées dans le bassin entre le Taillefer et le Rochail.
- Les marges passives sont composées de gros blocs basculés, délimités par des failles normales.
- Des sédiments se déposent dans des bassins sédimentaires formés par le basculement des blocs.
- Ces sédiments se transforment ensuite en roches sédimentaires.
Le rift des Afars
Le rift des Afars
Il existe donc, à la limite d’un océan et d’un continent, une zone de transition caractérisée par des marqueurs de divergence (blocs basculés, failles normales). Nous allons maintenant nous intéresser aux mécanismes qui permettent la mise en place des marges passives et des blocs basculés.
Pour ce faire, nous allons étudier une zone très particulière du globe terrestre : le rift des Afars ou « Rift est-africain ».
Rift :
Un rift est une zone de divergence intraplaque, caractérisée par des failles normales et des blocs basculés.
Ce rift est situé à l’est du continent africain. C’est une zone active en plein milieu d’une croûte continentale. On y relève notamment, au centre, de nombreux séismes et une importante activité volcanique.
Sur des photographies aériennes, on peut observer une morphologie en escaliers de part et d’autre du centre du rift.
- Chaque marche d’escalier correspond à un futur bloc basculé.
Photo aérienne du Rift est-africain (Éthiopie) sur laquelle on peut observer une morphologie en escaliers ©DavidMPyle
Sur le schéma ci-dessous, on peut observer comment ces blocs basculés se mettent en place.
Les forces de divergence étirent la lithosphère continentale. Cette dernière cède sous la contrainte : il en résulte des failles normales. La lithosphère continuant de s’étirer, les blocs basculent en coulissant le long des failles. La remontée du manteau asthénosphérique provoque la divergence de la lithosphère continentale. Le rift et la divergence associée sont des conséquences de cette remontée.
- C’est le début de l’océanisation.
Conclusion :
Pour conclure ce cours, nous allons reprendre l’ensemble des données obtenues lors des différentes observations de terrain pour retracer le cycle orogénique complet, de la formation de l’océan à la formation de la chaîne de montagne.
Après la collision continentale, un processus d’érosion se met ensuite en place jusqu’à la disparition totale des reliefs.
Cycle orogénique accompagné d’exemples actuels