Bulles spéculatives et faillites bancaires

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Introduction :

La finance repose parfois sur des éléments virtuels, des anticipations positives ou négatives d’une future situation, mais qui, en se propageant à la sphère réelle, provoque des situations de crise économique à l’échelle planétaire.

Dans ce cours nous allons expliquer comment se forme une bulle spéculative et comment elle peut éclater. Il s’agit pour cela de comprendre les phénomènes de panique bancaire et de faillites en chaîne, afin de déterminer les principaux canaux de transmission d’une crise financière à l’économie réelle.

Formation et éclatement des bulles spéculatives

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Astuce

Vous pouvez, afin de vous sensibiliser au sujet, regarder cette courte vidéo .

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Définition

Bulle spéculative :

Une bulle spéculative désigne une situation qui se caractérise par la valeur de marché d’un actif qui s’écarte de sa valeur d’équilibre.

Pour comprendre comment se forme une bulle spéculative, il faut d’abord se pencher sur le fonctionnement des marchés financiers.

Fonctionnement des marchés financiers

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Définition

Marché financier :

Le marché financier fait référence à un lieu dématérialisé dans lequel se confrontent offre et demande de capitaux.

Les marchés financiers sont donc un moyen de gérer les ajustements nécessaires au sein de l’économie mondiale, en permettant aux agents de se financer pour réaliser leurs activités (consommer, investir, produire, dépenser pour les États etc.).

  • Il s’agit de la mise en relation des agents ayant des besoins de financement avec ceux ayant des capacités de financement.

Pour qu’ils puissent remplir cette fonction ils doivent être efficients.

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Définition

Marché financier efficient :

Un marché efficient est un marché idéal (fictif) au sein duquel aucun actif n’est survalorisé ou sous-valorisé. Dans ce marché « parfait », la valeur théorique est égale à celle du marché.

Pour qu’un marché financier soit efficient il faut que plusieurs conditions soient réunies.

  • Les acteurs du marché doivent être rationnels : ils doivent agir de façon cohérente, uniformément, et chercher à maximiser leurs gains.
  • L’information doit circuler librement et simultanément, elle doit être gratuite.
  • Les coûts de transaction doivent être nuls.
  • Aucun opérateur ne doit être en mesure, par ses seules décisions, de faire varier le cours des actifs.
  • Sous ces conditions, le prix de l’actif ne peut s’éloigner durablement de sa valeur d’équilibre.
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À retenir

Dans ce contexte, la spéculation est stabilisatrice : si le cours s’écarte de sa valeur fondamentale, certains opérateurs vont acheter ou vendre des actifs, ramenant ainsi le cours vers sa valeur d’équilibre.

Spéculation

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Définition

Spéculation :

La spéculation est une opération, risquée, qui cherche à tirer profit par anticipation de l’évolution du niveau d’un actif.

Spéculer c’est par exemple acheter une action $X$ à l’instant $t$ en espérant la revendre à l’instant $t+1$ plus chère afin de dégager une plus-value. En cas d’information imparfaite, les prévisions du spéculateur peuvent ne pas se réaliser, engendrant une perte totale pour le commanditaire.

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Attention

Ce risque est élevé car le marché ne remplit pas toujours les conditions optimales de l’efficience des marchés financiers, notamment en termes de transparence et de rationalité des agents.

Certains agents, pour minimiser leurs risques, peuvent agir irrationnellement. Ils peuvent colporter sciemment des informations fausses, mais aussi en créer involontairement. Ces phénomènes sont amplifiés par un autre facteur irrationnel : le comportement mimétique.
Or, ces comportements irrationnels influencent fortement le marché.

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Définition

Comportement mimétique :

Un comportement mimétique est l’imitation d’un comportement. Dans le contexte économique, les agents anticipent collectivement, s’influencent entre eux, et se fient au comportement des autres agents plutôt qu’aux résultats probables du marché.

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À retenir

Ainsi, l’hétérogénéité des acteurs et l’existence de comportements mimétiques vont créer des bulles spéculatives dans lesquelles le cours d’un actif s’éloigne de sa valeur réelle.

Par exemple, un trader possède des actions $X$ et colporte des informations sur une possible hausse du prix de l’action auprès d’autres traders qui vont acheter cette action. Observant cela, les autres traders, qui n’avaient pas eu la non-information, se disent que si d’autres achètent c’est que le cours va grimper. Ils imitent donc leurs pairs, faisant augmenter le prix des actions $X$ au-dessus de la valeur qui aurait été fixée par le marché.

Il est souvent admis que les marchés ont absurdement surévalué certains prix d’actifs financiers et ont ensuite précipité les crises quand ils se sont aperçus de la déconnexion criante entre la réalité économique et la valorisation des actifs financiers en question.

  • Pour décrire ce type de phénomène on utilise le terme de prophéties auto-réalisatrices (nous le verrons plus en détail dans la deuxième partie du cours).
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À retenir

Cette hausse soudaine des prix est fragile et finit généralement par imploser. Elle est immédiatement suivie d'une chute spectaculaire du prix des actifs, on parle alors d’éclatement de la bulle spéculative.

Éclatement de la bulle spéculative

éclatement de la bulle spéculative en quatre temps

Une bulle spéculative a quatre phases :

  • Gestation

L’optimisme des investisseurs (opportunités de profit) et la confiance dans l’économie vont provoquer une hausse modérée du prix d’un actif.

  • Naissance

Voyant le comportement de certains investisseurs, d’autres agents vont les imiter et acheter aussi des titres.

  • Euphorie

La bulle s’entretient et grossit sur la base de l’endettement : le détenteur d’un actif dont le prix monte investit en général dans le même actif vu que celui-ci lui a rapporté. Un phénomène d’escalade se met en place : plus le détenteur s’enrichit, plus il est à même d’emprunter. Entretenue par des comportements mimétiques, la bulle ne cesse de croître.

  • Éclatement

La bulle financière est suivie d’un retournement des anticipations et d’une chute brutale des prix à la suite d’un évènement non prévu.

Les imperfections des marchés financiers n’assurent pas une allocation optimale des ressources financières. Elles peuvent ainsi entraîner une situation de crise qui se propagera d’abord au système bancaire, directement lié à ces activités.

Les crises bancaires : risque de faillites en chaîne

Une crise bancaire qui engendre une crise de liquidité

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Définition

Crise bancaire :

Une crise bancaire correspond à une situation financière très dégradée pour les banques. Elles doivent rembourser des créanciers, mais n’ont pas à leur disposition immédiate l’argent pour le faire (en raison notamment de placements devenus illiquides).

Ainsi, une crise bancaire engendre une crise de liquidité (aussi appelée crise d'illiquidité).

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Définition

Crise de liquidité :

Une crise de liquidité est la situation dans laquelle une institution bancaire ne possède pas assez de liquidité pour honorer ses engagements, autrement dit elle ne peut régler ses dettes.

L'assèchement de liquidité provoque la paralysie du système interbancaire et on peut assister à un resserrement du crédit : le credit crunch (baisse du nombre de crédits octroyés due au durcissement des conditions d’obtention).
Sur le marché financier, ce phénomène perturbe les échanges entre vendeurs et acheteurs qui, par manque d’actifs, ne se rencontrent pas, rendant impossibles les opérations financières.

De manière générale, la crise de liquidité est une crise systémique, c'est à dire inhérente au système économique tout entier.
Il s'agit d'un cercle vicieux qui touche chaque acteur du marché, quelle que soit sa taille ou son implication dans celui-ci.

  • On se souviendra, par exemple, de la crise des subprimes de 2008 qui a vu s'effondrer tout le système économique occidental, notamment celui des États-Unis.

Panique bancaire et prophéties auto-réalisatrices

Lors d’une panique bancaire, les clients, craignant de perdre leur épargne, retirent l’ensemble de leur dépôt (comme lors de la crise de 1929). Lorsque les clients retirent leur argent des banques se sont en fait eux qui vont mettre la banque en difficulté : cette dernière va peiner à trouver les fonds nécessaires à cette demande massive de liquidités. On appelle ce phénomène une prophétie auto-réalisatrice.

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À retenir

Une panique bancaire peut s’auto-entretenir :

  • Un nombre inhabituel de retraits réduit les liquidités de la banque.
  • Ce déficit de liquidités engendre encore plus de retraits car les déposants courent retirer leur dépôt.
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Astuce

Même une banque qui n’éprouve pas de complications particulières peut être en difficulté après avoir perdu beaucoup de ses déposants et avoir été forcée de vendre en urgence ses actifs illiquides.

Ce qui aggrave la situation est que la banque n’a pu obtenir un bon prix, faute de temps, pour trouver des acheteurs prêts à les payer plus cher. La baisse des prix des actifs est alors encore plus violente et la banque peut se retrouver acculée à la faillite.
Lorsque cette banque fait faillite, elle ne peut honorer ses échanges sur le marché interbancaire entrainant ainsi les autres banques qui peu à peu font faillites avec elle selon un effet dominos.

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Définition

Marché interbancaire :

Le marché interbancaire est un marché réservé aux banques. Elles s’échangent entre elles des actifs financiers de court terme, entre un jour et un an. C’est un marché de gré à gré, cela signifie que les banques traitent et négocient librement entre elles.

  • L’offre émane des banques qui ont des liquidités disponibles : elles prêtent des liquidités aux autres banques.
  • La demande émane des banques qui ont des besoins de financement : elles empruntent des liquidités aux autres banques.
  • De ce fait, si l’une ne rembourse pas l’autre, cette dernière ne remboursera pas la suivante et ainsi de suite.

Lors de la crise des subprimes, plusieurs organismes bancaires et financiers ont fait faillite :

  • 16 septembre 2008 : AIG, le plus grand assureur mondial, est menacé de faillite ;
  • 15 septembre 2008 : Lehman Brothers, banque d'investissement multinationale créée en 1850, fait faillite en 24 heures ;
  • 16 mars 2008 : le géant bancaire américain JP Morgan Chase annonce le rachat de Bear Stearns au bord de la faillite ;
  • 13 mars 2008 : Carlyle Capital Corporation créé en 2006 par Carlyle Group pour spéculer sur les titres adossés aux crédits immobiliers américains annonce sa faillite ;
  • 14 septembre 2007 : la Banque anglaise Northern Rock, cinquième banque de Grande-Bretagne, annonce sa faillite ;
  • 1er août 2007 : aux États-Unis, American Home Mortgage, un organisme de refinancement de prêts hypothécaires, n'est pas en mesure de rembourser $300\,\text{millions}$ de dollars d'échéance arrivées à terme ;
  • 2 avril 2007 : New Century, le numéro deux des subprimes américains, est mis en faillite.

Nous avons donc vu qu’une crise bancaire correspond à la propagation d’une crise financière au système bancaire et provoque des faillites en chaîne des banques de second rang. Dans un système économique où les agents sont interdépendants, nous allons voir que les crises financières se diffusent aussi à la sphère réelle : production et consommation

Les canaux de transmission : des crises financières vers l’économie réelle

Le système financier est au cœur de l’activité économique. Sans financement :

  • les ménages ne peuvent pas consommer plus que leur revenu ;
  • les entreprises ne peuvent pas investir pour se créer ou se développer et produire ;
  • les États ne peuvent faire face à leurs dépenses.

En somme, sans les banques ou les organismes financiers, les agents en besoin de financement ne rencontreraient pas les agents en capacité.

  • En découle une logique implacable : si le système financier s’écroule, il entraîne avec lui tout le système économique.

Partie des marchés financiers, la crise peut se diffuser rapidement et fortement à l’économie dite réelle.

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Définition

Économie réelle :

L’économie réelle désigne les échanges marchands, la consommation, l’emploi (etc.) et la sphère financière regroupant les moyens servant au financement de l’économie réelle (le crédit, les actions, les obligations).

On estime que deux canaux principaux peuvent (dans le cas de la crise de 2008) être à l’origine de la propagation de la crise financière à la sphère réelle :

  • la réduction du financement du secteur privé ;
  • l’impact négatif des effets de richesse sur la consommation et l’emploi, moteurs de croissance.

Nous allons étudier tour à tour ces phénomènes dans les deux sous-parties suivantes.

La réduction du financement du secteur privé

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Rappel

Pour rappel, les entreprises financières et non financières ont traditionnellement recours à deux sources de financement : le financement bancaire indirect et le financement direct par les marchés.

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Définition

Credit crunch :

Un credit crunch est une réduction drastique de l’offre de crédit consécutive à une crise bancaire.

Ainsi, en cas de credit crunch, le crédit interbancaire s’arrête : les banques cessent de se prêter les unes aux autres et les restrictions de crédit s’étendent à la consommation des ménages et à l’investissement des entreprises.

Cet effet a été particulièrement net en 2008 dans les pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni où la consommation des ménages est tirée par l’endettement.
Cette situation aggrave la crise car elle limite la production et l’emploi, aboutissant à une véritable récession accompagnée d’un chômage de masse.

Croissance annuelle des encours de crédits aux particuliers

On peut voir sur ce graphique le phénomène de credit crunch à partir de 2007

L’impact négatif des effets de richesse sur la consommation et l’emploi, moteurs de la croissance

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Définition

Effet richesse :

L’effet richesse (ou effet Pigou) représente la propension à dépenser de manière proportionnellement plus importante au fur et à mesure que le patrimoine augmente : autrement dit, lorsque la richesse des ménages s'accroît, la consommation augmente encore plus rapidement.

Aux États-Unis où une large part du patrimoine des ménages est composée d'actions, l'évolution boursière conditionne souvent cet effet de richesse.

La dévaluation du patrimoine financier et immobilier des ménages va les inciter à moins consommer.
Cette réduction des patrimoines financier et immobilier des agents privés non financiers peut avoir un impact sur la croissance par trois principaux mécanismes.

  • Quand les ménages jugent durable une baisse de leur richesse et la considèrent comme une baisse de leur revenu permanent, ils ont plus de difficultés à atteindre leur objectif de patrimoine et sont encouragés à épargner. Cet impact est plus important dans les pays où le financement de l’économie repose principalement sur le marché (États-Unis, Royaume-Uni, Pays-Bas…), car une fraction plus importante du patrimoine des ménages est investie en actions, dont la valeur fluctue davantage que celle des autres placements financiers. Il est en revanche moins significatif dans les pays où le financement repose sur le système bancaire (Allemagne, France, Italie…).
  • La baisse du prix des actifs augmente le coût du capital, c’est-à-dire la rémunération servie aux apporteurs de fonds propres. Cela a un impact sur l’investissement des entreprises du secteur productif.
  • La baisse des prix peut peser sur la distribution des crédits de deux façons. D’une part, les banques sont, même en période « normale », en situation d’information imparfaite (« asymétrique ») vis-à-vis des emprunteurs (elles ne connaissent pas en détail les projets qu’elles financent, elles ne savent pas si l’emprunteur va faire face à ses échéances de prêt). Elles exigent donc des garanties réelles de la part de l’emprunteur, souvent sur son patrimoine personnel. Or, en période de crise, la valeur de ce dernier, comme indiqué ci-dessus, est plus faible. D’autre part, dans un environnement économique incertain, tous les projets — même les plus profitables — deviennent plus risqués.
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À retenir

Le surendettement, des ménages et des entreprises, peut constituer un canal supplémentaire de transmission de la crise financière à l’économie réelle, puisque la difficulté des ménages et des entreprises à contracter de nouveaux prêts, voire à satisfaire les échéances des prêts en cours, les conduit à revoir à la baisse leur niveau de consommation et d’investissement. Cela pèse sur la demande agrégée et, dans certains cas, sur le niveau général des prix.

En conséquence, on peut déterminer que les baisses des crédits et de la valeur du patrimoine ont été les deux principaux canaux de propagation de la crise bancaire à la sphère réelle qui s’est ensuite propagée à l’ensemble des acteurs de la mondialisation.

Conclusion :

Dans ce cours, nous avons pu observer comment se forme et éclate une bulle spéculative, phénomène à l’origine d’une crise bancaire. De même, nous avons vu que les faillites en chaînes qui en résultent sont d’abord inhérentes aux banques avant de propager la crise financière à tout le système économique.
Dans le cours suivant, nous verrons par quels moyens il serait possible de limiter ces situations catastrophiques pour l’économie mondiale.

Des crises financières aux crises économiques