Introduction :
Le mot « dissertation » dérive de l’étymologie latine du mot « discussion » qui signifie « examen attentif, contradictoire » ; « échange d’arguments ». La dissertation est donc un effort de réflexion dans lequel on examine de manière attentive les problèmes philosophiques liés à un sujet.
Une dissertation réussie se prépare avec trois ingrédients : une méthode (ensemble de règles qui guide la réflexion), de la culture (culture personnelle et culture philosophique acquise en cours) et de la curiosité (la philosophie est un regard curieux sur soi-même et sur le monde).
L’épreuve de la dissertation dure 4 heures. Deux sujets au choix sont proposés, sous forme de questions. Nous prendrons ici pour sujet support « La liberté doit-elle être sauvée ? »
Décortiquer le sujet
Décortiquer le sujet
Pour répondre à une question, il faut d’abord la comprendre. Pour cela, il faut analyser les mots du sujet, c’est-à-dire le décomposer en tous ses éléments pour comprendre ce qui est réellement demandé. Ce travail préparatoire s’effectue au brouillon.
Première étape : relever les notions du sujet
Première étape : relever les notions du sujet
Dans un premier temps, il s’agit de repérer dans le sujet les notions du programme étudiées en cours.
Dans le sujet, les notions peuvent être explicites ou implicites. Lorsqu’elles sont implicites, il faut donc les mettre en évidence.
- « La liberté doit-elle être sauvée ? »
La notion du programme est explicite : la liberté.
- « L’État doit-il faire notre bonheur ? »
L’État et le bonheur sont explicites. Une autre notion est désignée implicitement par l’expression « doit-il faire » : le devoir.
Il faut ensuite faire subir le même traitement aux autres termes, afin d’éviter de plaquer sur votre sujet du bac un autre sujet traitée pendant l’année, impliquant la même notion, mais pourtant différent.
« La liberté doit-elle être sauvée ? » est différent de « La liberté doit-elle parfois être sauvée ? » :
- « Sauver » : le verbe est à définir.
- « Doit-elle » : il s’agit d’une formulation typique de sujet.
Deuxième étape : la libre association
Deuxième étape : la libre association
Il s’agit de noter spontanément les idées qui vous viennent à l’esprit en rapport avec la question du sujet. La question vous suggère une réponse, qui elle-même amène à une idée ; cette idée s’enchaine sur une autre et ainsi de suite… Surtout ne vous censurez pas ! Le « tri sélectif » des idées se fait dans un second temps. Au départ, l’objectif est d’amasser un maximum d’idées, de références et d’exemples.
Troisième étape : la conceptualisation
Troisième étape : la conceptualisation
Cette étape est la plus complexe. Conceptualiser, c’est définir un terme de manière philosophique par rapport au sens courant que nous en avons, le sens du dictionnaire. Pour conceptualiser, il faut :
- s’aider de l’étymologie quand on le peut. Ici, « liberté » vient de libertas, qui signifie « indépendance » et « libre pouvoir » ;
- distinguer les différents domaines de réflexion dans lesquels la notion se retrouve : liberté politique, morale, métaphysique, religieuse ;
- distinguer la notion des notions voisines et des notions contraires : liberté/individualisme, liberté/émancipation, liberté/servitude liberté/aliénation ;
- énoncer les différents attributs de la notion, ceux qui sont évidents puis plus réfléchis :
- « La liberté est un ressenti indéfinissable mais agréable » ;
- « La liberté est la capacité à user de son libre arbitre » ;
- mobiliser ses cours. La notion de liberté est conceptualisée de manière différente chez Hobbes, chez Spinoza ou chez Sartre ;
- les repères au programme sont également utiles, ils comportent des distinctions relatives aux notions du programme.
Il est essentiel de conceptualiser. C’est en conceptualisant un terme que vous ferez apparaître les pistes de réflexions philosophiques qu’il vous faudra détailler dans votre développement.
Le type de sujet
Le type de sujet
Les questions du type : « peut-on/peut-il » interrogent sur :
- la possibilité pratique. Il s’agit de retraduire le sujet en se demandant si on dispose des moyens techniques de faire telle ou telle chose ;
- la possibilité morale ou le droit. Il s’agit de retraduire le sujet en se demandant si on a le devoir moral ou le droit juridique de faire telle ou telle chose.
Les questions du type : « faut-il/doit-on » interrogent sur :
- la nécessité matérielle, le besoin. Il s’agit de retraduire le sujet en se demandant si nous sommes contraints de X, à quel besoin répond X ;
- l’obligation morale, le devoir. Il s’agit de traduire le sujet en se demandant si notre dignité exige que X, si nous avons le devoir moral de X…
Pour les questions du type : « pourquoi X/à quoi sert X » :
- il s’agit de mettre en évidence les raisons, les causes de X, ses buts et/ou son utilité. Il faut aussi poser la question de l’inutilité de ce X.
Ces réflexes de traduction, combinés à la compréhension des termes du sujet, aident à problématiser le sujet.
Pour notre sujet « La liberté doit-elle être sauvée ? », on peut donc se demander :
- sommes nous contraints de protéger politiquement les libertés ?
- À quel(s) besoin(s) répond notre volonté de protéger la liberté ?
- Avons-nous l’obligation morale de combattre ce qui entrave nos libertés ?
La problématique
La problématique
Pour structurer les idées récoltées, il faut ensuite cadrer une problématique. Pour cela, il faut déterminer deux réponses au sujet, et les mettre, d’une certaine manière, en compétition.
Répondre à la question du sujet ne consiste pas à opposer radicalement une première réponse et une deuxième réponse au sujet : vous vous contredirez vous-même et votre réponse globale sera incohérente. Ainsi, si vous dites tout d’abord que nous devons sauver la liberté parce qu’elle est menacée puis qu’il n’est pas nécessaire de protéger la liberté car elle n’est pas menacée, vous vous contredisez !
Il faut donc construire des réponses crédibles et consistantes, et cela demande un savoir faire particulier.
Proposer une première réponse et la questionner
Proposer une première réponse et la questionner
Après avoir formulé une première réponse, il faut énoncer les implications de cette thèse, en se demandant ce qu’implique le fait de soutenir cette réponse. Trouvez des conséquences et formulez-les sous formes d’idées brèves, aidez-vous de la formule « si… alors… ». Il s’agit ensuite de questionner ces implications, puis d’associer les idées et références philosophiques pour amorcer l’argumentaire.
L’Homme doit sauver la liberté.
Si la liberté doit être sauvée alors c’est que la liberté est en danger. De quels dangers souffre la liberté ? Quels sont les dangers qui font obstacle à la liberté ? Existe-t-il des personnes (esclavage) / des politiques (tyrannie, totalitarisme) / des facteurs socio-culturels (déterminisme) / des désirs (Inconscient) qui nuisent à la liberté ? Quels dangers ruinent la liberté morale ? La liberté politique ?
C’est que nous ne sommes pas vraiment libres ou bien que nous sommes libres « en sursis ».
Pourquoi pouvons-nous affirmer que nous ne sommes pas libres ? D’un point de vue politique, certains peuples sont encore sous le joug de dictateurs. L’ONU est une organisation qui veille à la préservation des libertés de l’Homme, premier droit à sauver et préserver selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. D’un point de vue moral et politique, la notion de déterminisme vient confirmer que la liberté est menacée et que nous devons nous émanciper de bons nombres d’influences qui pèsent sur notre existence et la déterminent à notre insu. D’un point de vue métaphysique, Spinoza effectue une critique du libre arbitre montrant finalement que nous sommes dans une liberté illusoire.
Proposer une deuxième réponse à la question et la questionner
Proposer une deuxième réponse à la question et la questionner
La liberté n’a pas besoin d’être sauvée.
Si la liberté n’a pas a être sauvée, alors c’est que nous avons le sentiment imprescriptible d’être libre. Comment se manifeste notre sentiment de liberté ? Que ressentons-nous ? La liberté ne se prouve pas, elle s’éprouve. C’est un sentiment agréable mais indéfinissable. C’est donc que la liberté fait partie de la nature de l’homme, elle est inhérente à la nature humaine. L’homme est-il libre par nature ? Rousseau l’affirme : l’homme naît libre même si partout il est sous les fers, sous le joug de ceux qui le gouvernent. Selon la Déclaration des droits de l’homme, les hommes naissent libres et égaux en droit. D’un point de vue moral, Sartre affirme le caractère imprescriptible de la liberté qui fait partie de l’essence de l’Homme.
C’est par le questionnement des réponses apportées au sujet que des idées philosophiques majeures sont mobilisées.
Formuler cette opposition sous la forme d’une alternative
Formuler cette opposition sous la forme d’une alternative
- Doit on penser que X et admettre que Y ou bien penser que … ce qui revient à …
- Doit on penser que X alors que … ou bien penser Y mais alors … ?
Doit-on penser que la liberté est une valeur résolument en danger et considérer qu’elle est attaquée dans tous les domaines ou bien admettre qu’il persiste en l’Homme une part de liberté naturelle, inaliénable et indestructible, même s’il est bien difficile de l’exercer ?
Sans problématique, la dissertation n’a aucune orientation, aucune piste de réflexion n’est lancée. Une problématique consiste a rendre explicite le ou les problèmes qui sont contenus dans la question initiale, mais qui sont cachés.
Construire un plan
Construire un plan
On ne peut pas appliquer un même type de plan pour tous les sujets. Nous présenterons donc ici trois plans possibles.
Plan thèse, antithèse, synthèse
Plan thèse, antithèse, synthèse
Ce plan est appelé plan dialectique et s’effectue nécessairement en trois parties. La troisième partie, la synthèse, explique l’insuffisance des deux thèses précédemment opposées et résout la difficulté rencontrée. Mais il n’est pas toujours possible de procéder ainsi et selon le type de sujet, le plan dialectique n’est pas toujours pertinent.
Plan en trois parties avec deux thèses : l’opinion et la réfléchie
Plan en trois parties avec deux thèses : l’opinion et la réfléchie
Il s’agit ici de présenter une première thèse, une opinion spontanée, puis de critiquer cette opinion en réfutant les arguments de la première thèse. La troisième partie consiste en la proposition d’une deuxième thèse, plus réfléchie.
I) La liberté est menacée en tous bords
II) Nous avons les moyens politiques et moraux de protéger nos libertés
III) Mais la liberté n’est-elle pas, au fond, une illusion ?
Plan qui conteste le sens de la question
Plan qui conteste le sens de la question
Ce plan contient également trois parties. La première apporte une réponse. La deuxième partie la nuance ou la conteste. La troisième partie critique le présupposé du sujet.
La liberté est-elle une illusion rassurante ?
I) L’homme se croit libre mais ne l’est pas
II) La liberté est une croyance nécessaire au bon fonctionnement de la morale et de la justice
III) La liberté n’est pas une illusion mais elle est une conquête qui exige de l’engagement et du courage
- Quel que soit le plan envisagé, ils progressent tous vers le même but : la résolution des problèmes liés au sujet.
La structure du devoir
La structure du devoir
La dissertation possède une structure, un squelette qui est toujours le même.
Introduction
Introduction
L’introduction doit contenir un certain nombre d’étapes et avoir une longueur d’une demi page à une page. Tout d’abord, une accroche qui introduit la ou les notions du sujet mais surtout qui permet d’arriver à la problématique : un acte de la vie quotidienne, un événement historique, une scène de roman ou de film, un mythe, une citation… Tout ce qui amène à se poser la question du sujet est le bienvenu. On expose ensuite la problématique, puis l’annonce du plan.
Développement
Développement
Le développement, en deux ou trois parties, court sur trois à huit pages. Chaque partie se découpe selon le même schéma.
L’idée directrice est la formulation d’une première réponse consistante à la question.
L’argumentation doit ensuite contenir une progression logique (avec des connecteurs logiques),un travail de conceptualisation, des exemples, des références philosophiques ( on peut utiliser les idées, les arguments, les exemples d’un auteur philosophique, ou partir d’une citation) et des connaissances (en art, en science, en histoire).
Le bilan permet de revenir au sujet et d’y répondre partiellement.
Enfin, la transition permet de relancer la discussion afin de passer à la deuxième partie.
Conclusion
Conclusion
La conclusion, d’une demi page environ, doit répondre à la question initiale. Elle se fait en deux temps. Tout d’abord, il faut faire un bilan récapitulatif, expliquer le cheminement entre les différentes parties du devoir. Ensuite, on apporte une réponse claire et précise à la question posée.
Les fausses réponses du style « cela dépend des points de vue de chacun » ou bien « c’est une question difficile à laquelle on ne peut pas répondre » sont à bannir. De même, les ouvertures avec une question sans aucun rapport avec le sujet initial ne sont pas pertinentes.
Conclusion :
Rédiger une dissertation demande donc un travail en deux temps. Le temps du brouillon est nécessaire, mais aussi déterminant. Plus on interroge le sujet et pose clairement deux ou trois pistes de réflexion pour y répondre, plus le devoir sera réussi. C’est pourquoi il faut passer entre 1 h 30 à 2h sur le brouillon. Cependant, il ne faut pas rédiger tout le devoir au brouillon, seulement l’introduction. Le deuxième temps est celui de la rédaction, qui doit être soignée tant du point de vue de la forme que de l’expression écrite. La rédaction prend environ 2h.