Fiche de lecture
Zazie dans le métro, Raymond Queneau
Contexte

Publié un an avant la fondation de l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentiel), Zazie dans le métro est un roman d’humour noir qui fait la part belle au langage oral. Queneau y applique sa conception du « néo-français », qui consiste en l’invention d’un nouveau standard de français à l’écrit, plus proche de la prononciation et de la syntaxe orales. La langue du texte fait se côtoyer les structures grammaticales bancales avec des mots et des expressions relevant d’un langage plus soutenu, créant ainsi un effet de contraste.

Queneau est en effet un écrivain adepte de la littérature expérimentale, où la contrainte formelle sert à explorer les potentialités du langage.

On peut lire Zazie dans le métro comme une sorte de voyage initiatique animé par une galerie de personnages loufoques. Le roman joue également sur les codes du réalisme en représentant l’atmosphère du Paris d’après-guerre tout en jetant la confusion sur les lieux (les personnages qui font visiter Paris à Zazie ne sont jamais d’accord sur le nom des monuments) et sur l’identité des personnages (la véritable identité de Trouscaillon, policier aux triples personnalités, l’identité sexuelle de Gabriel, le sexe de Marceline, l’âge de Zazie).

La fin du roman laisse également place à l’ambiguïté : s’il s’agit d’un voyage initiatique, le sens à en tirer demeure vague. En effet, quand la mère de Zazie lui demande ce qu’elle a fait, elle répond sobrement : « J’ai vieilli. » Enfin, l’aspect non linéaire des conversations, qui manquent de cohérence, contribue à ce flou, à l’aspect arbitraire et aléatoire de l’errance de Zazie à travers Paris.

Personnages

Zazie : Personnage principal du roman, Zazie n’a pas d’âge défini. Précoce, insolente, elle est souvent grossière et se tire des mauvais pas par la ruse.
Jeanne Lalochère : C’est la mère de Zazie, elle séjourne à Paris pour rendre visite à son amant. Elle a été acquittée par le tribunal après avoir assassiné son mari.
Gabriel : Oncle de Zazie, sa sexualité fait l’objet d’un questionnement constant tout au long du livre. Doux et calme, il apparaît comme l’antithèse de la turbulente Zazie.
Marceline : Présentée au début du roman comme l’épouse de Gabriel, une ambiguïté suggère à la fin du roman qu’il s’agit en réalité de Marcel.
Trouscaillon : Personnage mystérieux assumant diverses identités, il semble jouer différents rôles sans jamais laisser voir qui il est réellement.
Gridoux : Cordonnier, ami de Gabriel et Turandot, il est souvent au bar La Cave, tenu par Turandot.
La veuve Mouaque : Séduite par Trouscaillon, ce personnage de passage est fauché par une balle à la fin du roman.
Turandot : Propriétaire de La Cave, il est souvent accompagné par son perroquet Laverdure, qui ne cesse de répéter : « Tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire. »
Charles : Conducteur de taxi, il fait partie de la « bande » de Gabriel.
Mado Ptits-pieds : Serveuse à La Cave, elle tombe amoureuse de Charles et se fiance avec lui.

Thèmes

L’identité : Ce concept fait l’objet d’un questionnement constant tout au long du livre. L’ambiguïté inhérente à chaque personnage (sur les différents aspects de son identité, qu’il s’agisse de son sexe, de son âge, de son métier, etc.) instaure un certain flou qui contraste avec l’ambiance réaliste du livre.
Le voyage initiatique : Dans sa traversée de Paris, Zazie ne réalise pas son rêve (prendre le métro), mais est confrontée à de multiples épreuves à l’occasion desquelles elle doit apprendre à se défendre et à éviter les ennuis. Cependant, l’incohérence des situations et l’absence d’objectif et d’accomplissement apportent un certain pessimisme contrastant avec les codes du roman d’apprentissage.

Résumé

Le roman raconte le séjour de Zazie à Paris, où elle voulait absolument se rendre pour avoir l’occasion de prendre le métro. Malheureusement, celui-ci est en grève et Zazie va se lancer dans une exploration de Paris en compagnie de divers personnages, dont son oncle Gabriel.

Chapitre 1

Zazie arrive avec sa mère à la gare d’Austerlitz, où l’attend son oncle Gabriel. À l’arrivée, Jeanne les laisse et Zazie et son oncle prennent un taxi conduit par Charles, un ami de Gabriel. Zazie est très déçue de ne pas pouvoir prendre le métro.

Chapitre 2

Zazie et son oncle se rendent à La Cave, un bar tenu par Turandot. Celui-ci est choqué par la vulgarité de Zazie et refuse de la recevoir. Une fois chez Gabriel, Zazie va se coucher tandis que Gabriel se vernit les ongles. Gabriel s’apprête à aller travailler, et emporte le rouge à lèvres donné par sa femme Marceline.

Chapitre 3

Le lendemain matin, Zazie quitte discrètement l’appartement mais Turandot la voit passer et la suit. Zazie s’en débarrasse en criant au secours. Pris au piège, Turandot retourne à son bar, où il raconte ce qui s’est passé à Gabriel. Celui-ci renonce à aller chercher sa nièce et va se coucher.

Chapitre 4

Zazie tente de prendre le métro, mais la grève continue. En pleurs, elle est consolée par un inconnu qui l’emmène au marché aux puces. Il lui achète un jean (écrit « bloudjinnz ») et l’invite au restaurant. À table, Zazie lui raconte comment sa mère a assassiné son père à coups de hache.

Chapitre 5

Zazie quitte le restaurant mais est rattrapée par l’inconnu qui l’accuse d’avoir volé le jean. Une nouvelle fois, elle joue de la foule pour embarrasser l’inconnu. Persuadée qu’il s’agit d’un policier, elle l’emmène chez Gabriel pour lui jouer un tour. Le « policier » accuse Gabriel de prostituer sa nièce, et finit par lui faire avouer qu’il travaille comme danseuse de charme.

Chapitre 6

L’interrogatoire continue, et le policier, aussi appelé Pédro-Surplus, ou encore Trouscaillon, accuse maintenant Gabriel d’être homosexuel. Pendant ce temps, Zazie essaie son nouveau jean. Gabriel finit par mettre Trouscaillon dehors et descend au bar, ou malheureusement il retrouve Trouscaillon. Après s’être évanoui, Gabriel remonte chez lui en compagnie de Charles.

Chapitre 7

Mado Ptits-pieds, la serveuse, sert son déjeuner à Gridoux, un cordonnier. Celui-ci cherche à en savoir plus sur Trouscaillon. Après le départ de la serveuse, Trouscaillon va parler à Gridoux pour lui expliquer ses soupçons à propos de Gabriel.

Chapitre 8

Charles, Gabriel et Zazie se rendent à la tour Eiffel. Zazie tente d’en savoir plus sur la supposée homosexualité de Gabriel, sans succès. Pendant ce temps, son oncle fait un discours spectaculaire et les touristes le prennent pour un guide. Fédor Balanovitch, le conducteur du bus, qui appelle Gabriel « Gabriella » invite les touristes à monter. Zazie rejoint son oncle et ils prennent le bus, sans Charles qui est déjà parti.

Chapitre 9

Alors être descendus du bus, Zazie et son oncle sont poursuivis par les touristes, qui enlèvent Gabriel. La veuve Mouaque, qui passait par là, demande à un policier (Trouscaillon) de les aider à retrouver Gabriel.

Chapitre 10

À bord d’une voiture réquisitionnée par le policier, Zazie et la veuve se rendent à la Sainte-Chapelle, où ils percutent le car de Fédor.

Chapitre 11

Gabriel est finalement retrouvé sur une terrasse, occupé à promouvoir son spectacle auprès des touristes. Trouscaillon et la veuve Mouaque s’éclipsent, et Gabriel invite Zazie et les touristes à voir son spectacle.

Chapitre 12

De leur côté, Trouscaillon et la veuve Mouaque se donnent rendez-vous au Sphéroïde pour une sortie galante. En s’y rendant, la veuve croise Zazie, qui y va aussi pour rejoindre son oncle. Ils dînent tous ensemble et retournent à La Cave.

Chapitre 13

Charles reçoit une réponse positive de Mado, qu’il a demandée en mariage. Gabriel les invite tous les deux à son spectacle. Mado est félicitée par Marceline.

Chapitre 14

Tout le monde se rend au Mont-de-Piété pour assister au spectacle de Gabriel. Les personnages s’étonnent d’y être invités, puisque Gabriel a toujours gardé le secret sur ce spectacle. Gabriel est cependant déçu de l’absence de Marceline.

Chapitre 15

Chez elle, Marceline est réveillée par Trouscaillon, qui se présente comme un inspecteur qui est à la fois Trouscaillon, Bertin Poirée, et Pédro-Surplus. Il essaie de séduire Marceline, qui s’échappe en passant par la fenêtre.

Chapitre 16

En attendant la fin du spectacle, Trouscaillon discute avec Fédor. À la sortie, une dispute éclate entre Gridoux et Trouscaillon, qui finit par se faire arrêter par des policiers.

Chapitre 17

Excepté Mado et Charles, tous se rendent aux Nyctalopes. Gridoux s’énerve contre la veuve, chagrinée par le départ de Trouscaillon, et lui donne une gifle. La dispute dégénère en bagarre générale.

Chapitre 18

L’ambiance est revenue au calme et les personnages boivent leur café, quand la veuve, qui sort du restaurant, reçoit une balle. Les policiers entrent dans l’établissement, menés par Trouscaillon, qui cette fois prétend être Aroun Arachide, « prince de ce monde ». Au moment critique, un certain Marcel les aide à s’échapper et ils se dispersent dans le métro.

Chapitre 19

Jeanne Lalochère, la mère de Zazie, quitte son amant pour aller chercher Zazie. Marcel (ou Marceline, l’ambiguïté est conservée), accompagne l’adolescente en l’absence de Gabriel, qui a disparu. Le roman se termine sur un dialogue entre Zazie et sa mère, qui la questionne sur son séjour. Zazie répond simplement qu’elle a vieilli.

Citation

« Gabriel soupira. Encore faire appel à la violence. Ça le dégoûtait cette contrainte. Depuis l’hominisation première, ça n’avait jamais arrêté. Mais enfin fallait ce qu’il fallait. C’était pas de sa faute à lui, Gabriel, si c’était toujours les faibles qui emmerdaient le monde. Il allait tout de même laisser une chance au moucheron. »

Chapitre 1
« - Tonton Gabriel, dit Zazie paisiblement, tu m’as pas encore espliqué si tu étais un hormosessuel ou pas, primo, et deuzio où t’avais été pêcher toutes les belles choses en langue forestière que tu dégoisais tout à l’heure ? Réponds.
- T’en as dla suite dans les idées pour une mouflette, observa Gabriel languissamment. »

Chapitre 9
« Pourquoi, qu’il disait, pourquoi qu’on supporterait pas la vie du moment qu’il suffit d’un rien pour vous en priver ? Un rien l’amène, un rien l’anime, un rien la mine, un rien l’emmène. Sans ça, qui supporterait les coups du sort et les humiliations d’une belle carrière, les fraudes des épiciers, les tarifs des bouchers, l’eau des laitiers, l’énervement des parents, la fureur des professeurs, les gueulements des adjudants, la turpitude des nantis, les gémissements des anéantis, le silence des espaces infinis, l’odeur des choux-fleurs ou la passivité des chevaux de bois, si l’on ne savait que la mauvaise et proliférante conduite de quelques cellules infimes (geste) ou la trajectoire d’une belle tracée par un anonyme involontaire irresponsable ne viendrait inopinément faire évaporer tous ces soucis dans le ciel bleu. »

Chapitre 11
« Oui, dit l’homme au pébroque (neuf), c’est moi, Aroun Arachide. Je suis je, celui que vous avez connu et parfois mal reconnu. Prince de ce monde et plusieurs territoires connexes, il me plaît de parcourir mon domaine sous des aspects variés en prenant les apparences de l’incertitude et de l’erreur qui, d’ailleurs, me sont propres. »

Chapitre 18