Ce roman de Michel Tournier, publié en 1967, est une réécriture du Robinson Crusoé du britannique Daniel Defoe, paru en 1719. Le livre de Tournier se concentre sur les relations entre Robinson et Vendredi, et laisse de côté la dimension religieuse de l’œuvre originale. En 1971, Tournier adaptera son roman pour la jeunesse, sous le titre Vendredi ou la Vie sauvage.
Le livre obtient un succès critique immédiat, puisqu’il reçoit le grand prix du roman de l’Académie française l’année même de sa publication. Il s’agit pourtant du premier roman de l’écrivain, alors âgé de 42 ans, et traducteur accompli.
En reprenant le mythe de Robinson et de l’île déserte, Michel Tournier écrit une histoire réaliste dans sa conception et dans ses détails, mais plongée dans l’imaginaire intérieur de son personnage, qui doit investir l’île et la réinventer pour ne pas sombrer dans la folie.
Robinson Crusoé : Robinson est un marin anglais, marié et père de deux enfants. Il est le seul survivant du naufrage de son navire et doit affronter une intense solitude avant de rencontrer Vendredi. Vendredi : D’abord vu comme un simple « sauvage », Vendredi prend de plus en plus d’importance au fil du livre. Il est le double et l’alter ego de Robinson, son opposé presque en tous points.
La solitude : Livré à lui-même, Robinson fait l’expérience la plus radicale possible de la solitude. C’est par elle que Robinson se redécouvre lui-même, et parvient à remettre en question tout ce qui lui semblait acquis. La spiritualité : En l’absence de tout repère, de toute communication, Robinson se livre à une entreprise de réenchantement du monde afin de se réconcilier avec sa nature profonde. Il trouve la plénitude dans le présent et le monde matériel. La civilisation et la nature : Dans Vendredi ou les Limbes du Pacifique, Robinson abandonne peu à peu la civilisation car celle-ci finit par lui apparaître vaine et absurde. Il retourne à un état de nature, moralement et spirituellement plus satisfaisant.
Le roman, composé de douze chapitres, raconte la vie de Robinson Crusoé depuis son naufrage jusqu’à l’arrivée d’un navire, une trentaine d’années plus tard. Pendant cette période, on suit les débuts difficiles de Robinson jusqu’à sa rencontre avec Vendredi, qui forme le moment charnière du roman. Avec lui, Robinson apprend une nouvelle façon de vivre et de penser, si bien qu’à l’arrivée du navire, il prend la décision radicale de rester sur l’île. Le roman alterne les passages narratifs à la troisième personne et le récit à la première personne tandis que Robinson écrit dans son journal.
Chapitre 1
Chapitre 1
Ce chapitre narre le naufrage de Robinson et les débuts de sa lutte pour sa survie. Il rassemble du matériel provenant de l’épave et songe aussitôt à construire un bateau, qu’il décide d’appeler L’Évasion. Il prend alors conscience de l’aspect effrayant de sa situation.
« Pour la première fois, la peur de perdre l’esprit l’avait effleuré de son aile. Elle ne devait plus le quitter. »
Chapitre 2
Chapitre 2
En dépit de l’absence d’outils appropriés, Robinson s’échine à avancer la construction de son navire. Tandis qu’il travaille, il reçoit la visite de Tenn, le chien du navire, et est soulagé de ne pas être tout à fait le seul à avoir survécu. Robinson s’aperçoit qu’il ne pourra jamais faire rejoindre la mer à son navire, et renonce à son projet. Plus tard, un premier navire passe, mais Robinson ne parvient pas à attirer son attention. Il refuse cependant de perdre espoir.
« Il reprendrait en main son destin. Il travaillerait. Il consommerait sans plus rêver ses noces avec son épouse implacable, la solitude. »
Chapitre 3
Chapitre 3
Mettant en application ses bonnes résolutions, Robinson fait l’exploration minutieuse de l’île et en inventorie les ressources. Il installe ses affaires dans une grotte et commence un calendrier, puis reprend l’écriture de son journal, où il expose ses réflexions et ses ressentis. Il commence à cultiver la terre, avec Tenn pour seule compagnie. Il s’établit un emploi du temps chargé pour garder une impression de contrôle sur sa vie et son environnement.
Chapitre 4
Chapitre 4
Au 1 000e jour de son calendrier, Robinson s’autoproclame gouverneur de l’île et compose même une charte de règles de vie, ainsi qu’un code pénal. Un soir, il surprend un groupe d’Indiens venus sur l’île pour accomplir une exécution. Suite à cet épisode, Robinson renforce la sécurité de son logement, terrifié à l’idée du retour possible des Indiens. Mais il commence à changer, à entrevoir un bonheur possible sur cette île sans le secours du rationalisme dont il a fait preuve jusque-là.
« Il y avait quelque chose d’heureux suspendu dans l’air, et, pendant un bref instant d’indicible allégresse, Robinson crut découvrir une autre île derrière celle où il peinait solitairement depuis si longtemps, plus fraîche, plus chaude, plus fraternelle, et que lui masquait ordinairement la médiocrité de ses préoccupations. »
Chapitre 5
Chapitre 5
Cette « autre île » devient de plus en plus perceptible pour Robinson, et il l’identifie de plus en plus à une personne, à une femme. En faisant corps avec l’île, Robinson parvient à vaincre son sentiment de solitude. Il se découvre une nouvelle spiritualité dans le dénuement et le silence. Il trouve même une manière d’assouvir son désir sexuel par une pénétration végétale, durant laquelle il se fait mordre par une araignée.
Chapitre 6
Chapitre 6
Robinson constate la vanité et l’absurdité de toutes ses entreprises : agriculture, élevage, charte, code pénal… Il ne parvient pas à faire naître en lui cet homme nouveau qu’il attend. Cependant, il développe une relation de plus en plus intime avec l’île, et trouve une forme d’accomplissement dans sa vie.
Chapitre 7
Chapitre 7
Les Indiens reviennent, poursuivant l’un des leurs. Cherchant à tuer le fuyard pour ne pas s’attirer les mauvaises grâces des autres, Robinson touche accidentellement l’un des poursuivants. Il recueille alors l’indien fuyard, qu’il nomme Vendredi, dans sa forteresse. Les jours suivants, Robinson entreprend de le « civiliser ». L’indien suit sans mot dire les directives de son sauveur.
Chapitre 8
Chapitre 8
En l’absence de Robinson, Vendredi s’amuse à habiller des plantes avec les vêtements et les bijoux du coffre de Robinson, et plus tard, il sauve le chien embourbé de la rizière en laissant l’eau s’écouler. Furieux, Robinson s’aperçoit que Vendredi a une vie propre dont il ignore tout, et qu’il est impuissant à le civiliser. Robinson commence alors à s’intéresser davantage à lui et à son mode de vie.
« Pour la première fois il entrevoit nettement, sous le métis grossier et stupide qui l’irrite, l’existence possible d’un autre Vendredi – comme il a soupçonné jadis, bien avant de découvrir la grotte et la combe, une autre île, cachée sous l’île administrée. »
Chapitre 9
Chapitre 9
Suite à une maladresse de Vendredi, les barils de poudre entreposés dans la grotte explosent. Tenn meurt dans l’explosion. Robinson perd ainsi presque tout ce qui le reliait matériellement à la civilisation. En un sens, il en est soulagé.
« Un nouveau Robinson se débattait dans sa vieille peau et acceptait à l’avance de laisser crouler l’île administrée pour s’enfoncer à la suite d’un initiateur irresponsable dans une voie inconnue. »
Peu à peu, les deux hommes se rapprochent, et une relation d’amitié basée sur l’égalité se met en place.
Chapitre 10
Chapitre 10
Libéré de sa clepsydre (instrument à eau) qui mesurait le temps, Robinson découvre l’éternité du présent. Robinson voit désormais Vendredi tel qu’il est, il l’admire même.
Chapitre 11
Chapitre 11
Un navire apparaît à l’horizon et un équipage en débarque. Robinson apprend alors qu’il s’est écoulé vingt-huit ans depuis le naufrage. Robinson se sent mal à l’aise. Confronté à l’équipage, il est frappé par la cupidité, la haine et la violence de ces hommes civilisés. Il prend alors la décision de rester sur l’île.
Chapitre 12
Chapitre 12
Au matin, Robinson s’aperçoit avec désespoir du départ de Vendredi. Mais aussitôt après, il découvre un enfant, le mousse du bateau, qui avoue avoir été malheureux à bord. Robinson le nomme Jeudi.
« Je sais maintenant que chaque homme porte en lui – et comme au-dessus de lui – un fragile et complexe échafaudage d’habitudes, réponses, réflexes, mécanismes, préoccupations, rêves et implications qui s’est formé et continue à se transformer par les attouchements perpétuels de ses semblables. Privée de sève, cette délicate efflorescence s’étiole et se désagrège. Autrui, pièce maîtresse de mon univers… »
Chapitre 3« Toute cette histoire serait passionnante si je n’en étais pas le seul protagoniste et si je ne l’écrivais pas avec mon sang et mes larmes. »
Chapitre 6« Puis-je écrire sans ridicule qu’il semble drapé dans sa nudité ? Il va, portant sa chair avec une ostentation souveraine, se portant en avant comme un ostensoir de chair. Beauté évidente, brutale, qui paraît faire le néant autour d’elle. »
Chapitre 10« Car il n’était pas jeune d’une jeunesse biologique, putrescible et portant en elle comme un élan vers la décrépitude. Il était d’une jeunesse minérale, divine, solaire. »
Chapitre 11