Le Traité sur la tolérance est un texte de circonstance, écrit pour réhabiliter Jean Calas.
L’affaire Calas est une affaire judiciaire ayant fait grand bruit, qui s’est déroulée de 1761 à 1765 à Toulouse. La toile de fond est le conflit religieux qui opposait les protestants et les catholiques. Jean Calas était un commerçant protestant. Son fils a été retrouvé mort, étranglé ou pendu, et Jean Calas a été accusé d’avoir tué son fils pour empêcher celui-ci de se convertir au catholicisme.
Après la révocation de l’édit de Nantes, en 1685, les protestants cessent d’être acceptés en France. Ceux qui n’ont pas émigré sont soumis à des lois sévères. Beaucoup de protestants continuent cependant à vivre leur religion, non pas au grand jour mais discrètement, et sont relativement tolérés. Mais les difficultés économiques et les violences de la guerre de Sept Ans effritent cette tolérance pacifique entre les deux groupes traditionnellement ennemis. C’est ainsi que nait à Toulouse une rumeur propageant la menace d’une révolte des calvinistes.
Dans le cas Calas, c’est la rumeur publique qui a d’abord accusé le père d’avoir assassiné le fils, contraignant ainsi le capitoul, officier municipal de Toulouse, à diligenter une enquête approfondie. En l’absence de preuve, ce sont les commérages, les ragots et les dénonciations qui sont retenus contre Jean Calas. Il est ensuite condamné à subir une longue séance de torture, puis au supplice de la roue, avant d’être étranglé et brûlé.
Pierre Calas, un autre fils de Jean, qui était resté protestant, est banni de Toulouse et s’exile à Genève, où il rencontre Voltaire, qu’il parvient à convaincre de l’innocence de son père. C’est pour obtenir la révision du procès que Voltaire écrit et publie le Traité sur la tolérance. En 1765, le tribunal des Requêtes rend un arrêt réhabilitant la mémoire de Jean Calas et de sa famille.
Une affaire judiciaire : On considère que c’est avec le Traité sur la tolérance que pour la première fois un écrivain s’est impliqué et a pris position dans une affaire judiciaire. Voltaire déploie ici une stratégie de communication très habile, recourant à la rhétorique, à l’histoire et même à l’humour, pour mobiliser l’opinion publique. La tolérance plutôt que la superstition : Mais à partir de cette affaire judiciaire, Voltaire déplie une réflexion de portée universelle, assortie d’une véritable enquête culturelle : ce n’est pas seulement Jean Calas qu’il veut défendre, mais surtout l’idée de tolérance, défense rendue nécessaire par les contrecoups des guerres de religion. La remise en cause de la religion : Les hommes des Lumières ont vu dans ce traité un texte essentiel, qui attaquait le clergé catholique et prônait la liberté de penser. Voltaire dénonçait en effet la dérive fanatique des religions, et insistait sur le fait que celle-ci était contradictoire avec leur essence et leur signification de départ. C’est bien un recul de l’obscurantisme qu’il prône ici, incarné ici par le fanatisme et la superstition. On voit combien les thèmes essentiels des Lumières sont traversés par une remise en cause de la religion.
Au-delà des questions religieuses, Voltaire fait de la tolérance un principe de droit, et très exactement relevant du droit naturel : il est dans la nature de l’homme de le pratiquer, et ce sont les sociétés et les religions qui l’en détournent. La tolérance est au contraire un principe sur lequel repose tout gouvernement sage.
L’essai s’articule en deux directions : il s’agit d’abord de réhabiliter Jean Calas et de convaincre le lecteur de son innocence ; mais l’objet philosophique de cet essai est surtout de défendre l’idée de tolérance en matière de religion. Sur 25 chapitres, seuls les 2 premiers sont réellement consacrés à Jean Calas.
De chapitre en chapitre, Voltaire essaie de prouver que la tolérance est un sentiment naturel. Il cherche dans l’histoire culturelle de l’humanité ce qui va dans ce sens : les Grecs et les Romains la pratiquaient déjà, argumente Voltaire. Une étude poussée du judaïsme permet également de conclure que cette religion n’est pas non plus intolérante.
Son investigation n’est pas seulement religieuse mais également politique. Voltaire cherche en effet à montrer que l’intolérance n’est d’aucune efficacité dans une société, et qu’elle ne relève pas d’un droit naturel. Le christianisme est également une religion de tolérance, et Voltaire multiplie les exemples en ce sens.
Parmi les sources de l’intolérance, il y a les superstitions, contre lesquelles Voltaire adresse un grand réquisitoire.
« Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution »
Chapitre XXIII – Prière à Dieu
« De toutes les superstitions, la plus dangereuse n’est-elle pas de haïr son prochain pour ses opinions ? »
Chapitre XXI
« Si la persécution contre ceux avec qui nous disputons était une action sainte, il faut avouer que celui qui aurait fait tuer le plus d’hérétiques serait le plus grand saint du paradis. »
Chapitre XI
« La religion est instituée pour nous rendre heureux dans cette vie et dans l’autre. Que faut-il pour être heureux dans la vie à venir ? Être juste. Pour être heureux dans celle-ci autant que le permet la misère de notre nature, que faut-il ? Être indulgent. Ce serait le comble de la folie de prétendre amener les hommes à penser d’une manière uniforme sur la métaphysique. On pourrait beaucoup plus aisément subjuguer l’univers entier par les armes, que de subjuguer tous les esprits d’une seule ville. »
Chapitre XXI