Phèdre et Hippolyte (premier titre de la pièce) fut représentée à l’Hôtel de Bourgogne le 1er janvier 1677, et s’est imposée comme le chef-d’œuvre de Racine. Celui-ci avait pris soin d’enseigner lui-même à la Champmeslé, célèbre actrice et maîtresse du dramaturge, la déclamation du rôle de Phèdre pour donner au personnage principal toute sa dimension.
Comme le précise Racine dans sa préface, le sujet est pris d’Euripide qui a porté ce personnage à la scène en 428 avant notre ère dans Hippolyte porte-couronne. Sénèque (4 avant J.-C. – 65 après J.-C.) a ensuite replacé cette figure féminine, victime d’une passion violente et scandaleuse, au centre de sa pièce Phaedra en reléguant Hippolyte au second plan. Plus près de Racine, Robert Garnier a composé un Hippolyte qui renouait avec la tradition euripidienne en 1573, tandis que l’Hippolyte ou le garçon insensible (1646) de Gabriel Gilbert et l’Hyppolite de Mathieu Bidar ont fortement altéré le sujet.
L’originalité de Racine a été de lui rendre sa force initiale et de ressusciter le mythe grec.
Thésée : Fils d’Égée et roi d’Athènes. Son absence pendant la première partie de la pièce fait naître la rumeur de sa mort. Phèdre : Femme de Thésée, fille de Minos et de Pasiphaé. Elle est amoureuse d’Hippolyte. Hippolyte : Fils de Thésée et d’Antiope (reine des Amazones). Il est amoureux d’Aricie. Aricie : Princesse de sang royal d’Athènes, descendante des Pallantides, un clan ennemi. Œnone : Nourrice et confidente de Phèdre. Théramène : Gouverneur d’Hippolyte. Ismène : Confidente d’Aricie. Panope : Femme de la suite de Phèdre. Gardes : null
L’amour impossible : L’amour que nourrit Phèdre est coupable parce qu’incestueux. Il ne peut s’épanouir, et sa révélation conduit au tragique et à la mort. Hippolyte et Aricie s’aiment mais ne peuvent s’unir à cause de l’interdiction de Thésée d’épouser une descendante des Pallantides.
La passion mise à nu : Toute la pièce tourne autour de cette mise à nu de la passion coupable de Phèdre. C’est l’élément déclencheur du tragique.
La fatalité et la puissance des dieux : Phèdre est une victime irresponsable de Vénus, déesse de l’amour :
« Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :
C’est Vénus tout entière à sa proie attachée. »
Cette passion incestueuse, née dans le cœur de Phèdre, précipite tous les personnages de la pièce vers une fin tragique. Hippolyte meurt, quant à lui, à cause d’un monstre marin peu après que Thésée l’a banni et a appelé la colère de Neptune, dieu de la mer, sur lui.
L’action se déroule à Trézène.
Acte I
Acte I
Inquiet de ne pas avoir de nouvelles de son père Thésée depuis plus de six mois, Hippolyte annonce à son gouverneur Théramène qu’il part à sa recherche. C’est aussi l’occasion pour Hippolyte de fuir Aricie, qu’il aime en secret, et qu’il ne pourra jamais épouser à cause de l’interdiction fixée par Thésée de tout mariage avec une descendante des Pallantides (dynastie rivale et vaincue). Phèdre dévoile à sa nourrice Œnone le mal qui la ronge : amoureuse de son beau-fils Hyppolite, elle brûle de cet amour coupable, et souhaite mourir. Panope apporte à Phèdre la rumeur de la mort de Thésée. Œnone rassure alors Phèdre : son amour pour Hippolyte n’est plus un crime, et pourrait même s’épanouir. L’espoir renaît, Phèdre ne souhaite plus se donner la mort.
Acte II
Acte II
Hippolyte rend à Aricie sa liberté et finit par lui déclarer sa passion, au grand bonheur d’Aricie qui l’aime en retour. L’arrivée de Phèdre interrompt le couple qui fondait déjà des projets. Cette intrusion fait fuir Aricie, et Hippolyte souhaite fuir Phèdre en qui il voit toujours l’ingrate marâtre qui l’a persécuté. Phèdre, très émue par la présence d’Hippolyte, oublie toute prudence et confie à Hippolyte son amour honteux. Hippolyte est effaré. Phèdre s’empare de l’épée d’Hippolyte et tente de se donner la mort. Œnone force Phèdre à quitter les lieux tandis que Théramène vient annoncer à Hippolyte que Thésée serait vivant.
Acte III
Acte III
Phèdre craint le terrible scandale que sa déclaration peut faire éclater, elle demande à Œnone d’agir auprès d’Hippolyte pour l’apaiser. Celle-ci lui propose plutôt de prendre les devants en accusant Hippolyte d’un amour incestueux. Phèdre refuse d’abord puis s’en remet à sa nourrice. Thésée est de retour. Il est très étonné de l’accueil glacial que lui réserve Phèdre et de la demande d’Hippolyte de pouvoir quitter Trézène au plus vite.
Acte IV
Acte IV
Œnone annonce à Thésée qu’Hippolyte est amoureux de Phèdre. S’ensuit une confrontation entre Thésée et Hippolyte. Le père accuse le fils et ce dernier, effaré, ne parvient pas à se défendre. Il déclare son amour pour Aricie mais Thésée, furieux, ne veut pas le croire. Il le bannit et appelle la colère de Neptune sur Hippolyte. Phèdre, pleine de repentir, est prête à révéler la vérité à Thésée, mais la révélation de l’amour réciproque entre Hippolyte et Aricie la rend folle de jalousie : elle décide donc de laisser périr Hippolyte. Phèdre regrette d’avoir révélé son amour, elle aurait préférée mourir dignement plutôt que de souffrir cette humiliation. Elle maudit et chasse Œnone dont les conseils lui ont fait oublier ses devoirs.
Acte V
Acte V
Hippolyte propose à Aricie de fuir. Thésée interrompt le couple et accuse Aricie d’aimer un homme adultère. Aricie l’éclaire à demi-mots sur la culpabilité de Phèdre. Troublé, Thésée décide d’interroger Œnone, mais on apprend qu’elle s’est suicidée. Bientôt, Théramène vient annoncer la mort d’Hippolyte causée par un monstre marin. Phèdre, qui s’est empoisonnée, paraît pour délivrer toute la vérité à son époux et meurt à ses pieds. Accablé, celui-ci décide d’adopter Aricie et de rendre les honneurs funèbres à son fils.
« Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler. »
Phèdre à Œnone
Acte I, scène 3« J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ;
Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,
Et dérober au jour une flamme si noire. »
Phèdre à Œnone
Acte I, scène 3« Ah ! cruel, tu m’as trop entendue !
Je t’en ai dit assez pour te tirer d’erreur.
Eh bien ! connais donc Phèdre et toute sa fureur.
J’aime. Ne pense pas qu’au moment que je t’aime,
Innocente à mes yeux, je m’approuve moi-même,
Ni que du fol amour qui trouble ma raison,
Ma lâche complaisance ait nourri le poison.
Objet infortuné des vengeances célestes,
Je m’abhorre encor plus que tu ne me détestes. »
Phèdre à Hippolyte
Acte II, scène 5« Les moments me sont chers, écoutez-moi, Thésée :
C’est moi qui sur ce fils chaste et respectueux,
Osai jeter un œil profane, incestueux.
Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste :
La détestable Œnone a conduit tout le reste.
Elle a craint qu’Hippolyte, instruit de ma fureur,
Ne découvrît un feu qui lui faisait horreur :
La perfide, abusant de ma faiblesse extrême,
S’est hâtée à vos yeux de l’accuser lui-même.
Elle s’en est punie, et fuyant mon courroux,
A cherché dans les flots un supplice trop doux.
Le fer aurait déjà tranché ma destinée ;
Mais je laissais gémir la vertu soupçonnée :
J’ai voulu, devant vous exposant mes remords,
Par un chemin plus lent descendre chez les morts.
J’ai pris, j’ai fait couler dans mes brûlantes veines
Un poison que Médée apporta dans Athènes.
Déjà jusqu’à mon cœur le venin parvenu
Dans ce cœur expirant jette un froid inconnu ;
Déjà je ne vois plus qu’à travers un nuage
Et le ciel et l’époux que ma présence outrage ;
Et la mort, à mes yeux dérobant la clarté,
Rend au jour qu’ils souillaient toute sa pureté. »
Phèdre à Thésée
Acte V, scène 7