Dans un contexte de guerres et d’horreurs humaines, Le Mythe de Sisyphe est le premier essai philosophique de Camus. Il y aborde des problématiques qui lui sont chères, notamment celle de l’absurdité de l’existence, qui n’a pas de sens ni de but. Il reprend cette question dans son célèbre roman L’Étranger, publié la même année. L’essai est composé de quatre grandes parties :
- un raisonnement absurde ;
- l’homme absurde ;
- la création absurde ;
- et le mythe de Sisyphe.
La vie vaut-elle la peine d’être vécue ? Voilà la question que pose Camus. Il essaye de montrer que tout est plus ou moins absurde, jusqu’à notre existence même. Il prend pour exemple le personnage de Sisyphe, qui dans la mythologie grecque est puni par les Dieux et condamné à faire rouler un gros rocher en haut d’une montagne. Une fois arrivé au sommet, le rocher roule jusqu’en bas et Sisyphe doit recommencer son ascension. Pour Camus, c’est l’exemple même de l’absurdité, car le personnage accompli sa tâche, tout en ayant conscience que son but est totalement vain.
L’existence est donc absurde, car elle n’a pas de sens donné, prédéfini. Sans Dieu et promesses de vie après la mort, la mort devient le point final de l’existence, auquel tous les hommes sont condamnés. Même le sentiment de la mort est absurde, car il n’y a en soi pas de sentiment de la mort, pas d’expérience de la mort, puisqu’une expérience est ce qui a été vécu et rendu conscient.
L’auteur aborde principalement la question du suicide : si la vie est absurde, pourquoi continuer à vivre ? La vie est absurde car le destin de l’homme est la mort. Vivre en connaissant cette fatalité, c’est vivre comme un condamné à mort. Camus explique pourtant que le suicide n’est pas la solution, et que seule la révolte est acceptable : c’est-à-dire continuer à vivre malgré l’absurdité dont on a conscience. Il faut donc vivre sans espoir, ce qui est différent du désespoir.
Il termine son essai par un paradoxe : plus la vie est absurde, plus elle vaut la peine d’être vécue. Si le sens de la vie était clair, quel en serait l’intérêt ? Ce n’est donc pas la recherche de la vérité mais la révolte qui permet de lutter contre l’absurde. Il conclut son ouvrage par : « Il faut imaginer Sisyphe heureux ». De la découverte de l’absurde naît la liberté, parce que l’homme est débarrassé de ses habitudes, de ses préjugés et de ses espoirs, et peut observer le monde avec un regard neuf.
« La seule liberté que je connaisse, c’est la liberté d’esprit et d’action. L’absurde m’éclaire sur un point : il n’y a pas de lendemain. Voici désormais la raison de ma liberté profonde. »