Fiche de lecture
La Peau de chagin, Honoré de Balzac
Contexte

La Peau de chagrin constitue l’un des premiers grands romans de Balzac. En 1831, l’écrivain s’est déjà fait remarquer avec un essai osé, Physiologie du mariage, et fréquente le salon de Mme Récamier qui réunit les artistes et intellectuels les plus en vue. Le livre est écrit après la révolution de juillet en 1830, qui voit naître la seconde restauration après une révolte contre Charles X. Cette révolte entraîne un sentiment de désenchantement au sein de la société, et particulièrement chez les jeunes : à un système conservateur en succède un autre, dans une société où les valeurs matérialistes prennent le pas sur les idéaux. C’est dans ce contexte que se déroule l’histoire de La Peau de chagrin, un roman qui se veut ancré dans la réalité de son époque. Au moment de sa rédaction, Balzac commençait tout juste à concevoir le projet de La Comédie humaine, ce vaste ensemble d’œuvres dans lequel il classera plus tard La Peau de chagrin au tome XIV, celui des « Études philosophiques ». Cet ouvrage se démarque cependant comme le seul roman purement fantastique de la saga.

Personnages

Raphaël de Valentin : Héros du livre, Raphaël incarne une figure romantique. Amoureux passionné et adepte de la débauche, il devient un héros tragique, victime de ses propres désirs.
Pauline Gaudin : Pauline est d’abord l’élève de Raphaël, qui travaille comme précepteur. Elle est caractérisée par sa douceur aimante, sa sensualité, et sa générosité.
Rastignac : Rastignac est un personnage qui apparaît à de nombreuses reprises dans La Comédie Humaine, et notamment dans l’un des romans les plus connus, Le Père Goriot. Dans La Peau de chagrin, il incarne le compagnon de débauche de Raphaël, à qui il présente la comtesse Fœdora.
La comtesse Fœdora : Cette femme froide, calculatrice et égoïste apparaît comme l’opposé de Pauline, bien que Raphaël lui voue une passion tout aussi intense.

Thèmes

Le désir : Dans La Peau de chagrin, le désir est abordé avec un certain sens du tragique : son assouvissement ne fait que rapprocher de la mort. Il apparaît à la fois dangereux et irrésistible, et il atteint son paroxysme dans les relations amoureuses, au travers de Fœdora, puis de Pauline.

« Vouloir nous brûle et pouvoir nous détruit ; mais savoir laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme. »
La mort : Le rapport de Raphaël à la mort est constant et conflictuel. Au début du livre, il la désire, mais à la fin, il la redoute plus que tout, et il est prêt à sacrifier ses désirs afin de lui échapper.
La jeunesse : La Peau de chagrin propose également une réflexion sur la jeunesse, sur la violence de ses passions et la profondeur de son désenchantement. C’est le temps de tous les excès, et le protagoniste du roman en paie le lourd tribut.

Résumé

La Peau de chagrin raconte l’histoire de Raphaël de Valentin, un jeune homme décidé à mettre fin à ses jours, qui fait l’acquisition d’une mystérieuse peau d’onagre. L’antiquaire lui assure que la peau a le pouvoir de réaliser tous ses désirs, mais qu’à chaque vœu exaucé, elle se rétrécira en même temps que sa vie.

Première partie : Le talisman

Après une soirée déprimante dans une maison de jeu, Raphaël décide d’en finir avec la vie. Peu enclin à se suicider en plein jour, il choisit d’attendre la nuit. Pour passer le temps, il entre chez un antiquaire et découvre la fameuse peau, ainsi que son redoutable pouvoir. Fataliste, Raphaël accepte d’acheter la peau, et fait le souhait d’une grande orgie. Peu de temps après, des amis l’invitent à participer à une fête. C’est lors de cette orgie que le jeune homme fait le récit de sa vie à son ami Émile.

Deuxième partie : La femme sans cœur

Cette partie est constituée du récit que fait Raphaël à Émile. Élevé par un père froid et sévère, Raphaël est ruiné après la mort de son géniteur en 1826. Il s’installe dans un hôtel miséreux et se met en devoir d’écrire un traité de philosophie. Pour payer son loyer, il donne des cours à Pauline, la fille de la logeuse. Trois ans plus tard, son ami Rastignac vient le tirer de sa vie de reclus et le présente à la comtesse Fœdora, pour qui Raphaël nourrit une passion enflammée. C’est au terme de cette période que le héros se retrouve, ruiné et désespéré, dans la maison de jeu du début du roman. Au cours de l’orgie, il souhaite obtenir la richesse, et son vœu est exaucé. Mais la peau de chagrin se rétrécit…

Troisième partie : L’agonie

En décembre 1830, la descente aux enfers de Raphaël se poursuit. Ironiquement, il est à présent terrorisé à l’idée de mourir, et cherche par tous les moyens à échapper à sa malédiction. Un soir, il retrouve Pauline, devenue riche. Les deux amants projettent de se marier, mais la peau rétrécit de jour en jour. Raphaël se tourne alors vers la science pour tenter de la faire agrandir, sans succès. Rongé par un mal mystérieux et incurable, Raphaël finit par trouver la mort dans un ultime élan de désir pour Pauline. Cette dernière sombre ensuite dans la folie.

Citation

« Il existe je ne sais quoi de grand et d’épouvantable dans le suicide. Les chutes d’une multitude de gens sont sans danger, comme celles des enfants qui tombent de trop bas pour se blesser ; mais quand un grand homme se brise, il doit venir de bien haut, s’être élevé jusqu’aux cieux, avoir entrevu quelque paradis inaccessible. »

Première partie, « Le talisman »
« Toutes les femmes se résumaient par une seule, et cette femme je croyais la rencontrer dans la première qui s’offrait à mes regards. Mais, voyant une reine dans chacune d’elles, toutes devaient, comme les reines qui sont obligées de faire des avances à leurs amants, venir au-devant de moi, souffreteux, pauvre et timide. »

Deuxième partie, « La femme sans cœur »
« Le beau monde bannit de son sein les malheureux, comme un homme de santé vigoureuse expulse de son corps un principe morbifique Le monde abhorre les douleurs et les infortunes, il les redoute à l’égal des contagions, il n’hésite jamais entre elles et les vices : le vice est un luxe. »

Troisième partie, « L’agonie »
« Le sentiment que l’homme supporte le plus difficilement est la pitié, surtout quand il la mérite. La haine est un tonique, elle fait vivre, elle inspire la vengeance ; mais la pitié tue, elle affaiblit encore notre faiblesse. »

Troisième partie, « L’agonie »