La nouvelle intitulée La Main d’écorché est le premier récit de Guy de Maupassant. Il fut publié en 1875 dans l’Almanach lorrain de Pont-à-Mousson, un des nombreux journaux avec lesquels Maupassant collabora tout au long de sa carrière. Pour cette première publication, l’auteur utilisa le pseudonyme de Joseph Prunier.
L’œuvre de Maupassant se compose d’une multitude de contes, nouvelles, et romans réalistes ou fantastiques. La Main d’écorché est une nouvelle fantastique.
Le narrateur : Le narrateur est un jeune étudiant parisien, ami d’enfance de Pierre B. M. Pierre B. : Ami du narrateur, étudiant en droit, originaire de Normandie où il achète la main d’écorché lors d’une vente de curiosités. C’est un jeune homme provocateur qui s’amuse à effrayer les gens avec la main qu’il a achetée. Imprudent, il n’écoute pas les conseils de celui qui lui conseille d’enterrer la main. Louis R. : Étudiant qui a organisé la soirée réunissant les étudiants au début de la nouvelle. Henri Smith : Un étudiant anglais qui conseille à Pierre d’enterrer la main qu’il a achetée. Le sieur Bouvin : Domestique de Pierre, il vient chercher le narrateur après l’agression nocturne de son maître. Le curé : Il est présent à l’enterrement de Pierre. Les fossoyeurs : Ils creusent la tombe de Pierre.
La peur et l’horreur : Le lexique de la peur, de l’horreur, voire de la terreur, est beaucoup employé dans cette nouvelle : « aspect effrayant », « une indicible épouvante », « une chose horrible et inconnue », « spectacle horrible », « fureur », « il eut peur, éperdu de terreur », etc. Plusieurs moments décrivent des spectacles affreux qui provoquent la peur des personnages : la découverte de la main, l’agression de Pierre et la découverte du cadavre auquel il manque une main. Un phénomène incompréhensible : Comme dans tout récit fantastique, un événement inexpliqué et généralement inquiétant intervient pour perturber la situation initiale. Dans cette nouvelle, l’agression de Pierre dans la nuit constitue le phénomène étrange du récit : Pierre a été étouffé par une main dont les empreintes sont profondément inscrites dans sa chair, le coupable n’est pas retrouvé, et la main d’écorché que Pierre avait mis sur sa sonnette a disparu. Le lecteur, auquel l’auteur ne livre aucune explication rationnelle, peut imaginer que c’est cette main d’écorché qui a voulu tuer Pierre, comme le prédisait l’étudiant anglais qui avait conseillé à son ami de l’enterrer de crainte que son propriétaire criminel ne vienne la récupérer. La folie : La folie est un thème récurrent de l’œuvre de Maupassant. Cela s’explique notamment par la santé mentale de l’auteur, qui déclina avant ses 30 ans et qui le poussa à s’intéresser aux thèmes de la folie et de l’angoisse. Dans cette nouvelle, Pierre sombre dans la folie suite à son agression. L’amitié : Pierre et le narrateur étaient manifestement de très bons amis d’enfance. En effet, le narrateur est la première personne que le domestique de Pierre prévient après l’agression. Il est aussi l’ami qui le visite tous les jours pendant sept mois à l’hospice, et celui qui organise l’enterrement de Pierre, lors duquel il se remémore avec tristesse et nostalgie des moments partagés dans leur enfance.
La découverte de la main d’écorché
La découverte de la main d’écorché
Le début de la nouvelle met en scène une soirée où plusieurs étudiants, dont le narrateur, se sont réunis pour boire du punch et discuter.
Pierre arrive au milieu de la soirée tout excité de pouvoir montrer à ses amis ce qu’il a ramené de son séjour en Normandie : une affreuse main d’écorché. Fier, il explique avoir acheté cette véritable main lors d’une vente d’objets appartenant à un vieux sorcier récemment décédé. Il précise avec excitation que le sorcier tenait particulièrement à cette main car elle était celle d’un grand criminel supplicié en 1736. Après avoir jeté sa femme dans un puit et assassiné le curé qui les avait marié, le criminel avait encore « détroussé1 douze voyageurs, enfumé une vingtaine de moines dans leur couvent et fait un sérail2 d’un monastère de religieuses. » Cette histoire provoque les railleries de la plupart des étudiants, mais un ami, étudiant en médecine, conseille vivement à Pierre d’enterrer chrétiennement cette main de peur que son propriétaire ne vienne la réclamer. Personne ne prend cela véritablement au sérieux et la fête se poursuit dans la nuit.
1 Volé
2 Harem
L’agression de Pierre
L’agression de Pierre
Le lendemain, le narrateur visite Pierre, qui s’est amusé à accrocher la main à la sonnette de sa porte. La nuit suivante, le narrateur a un sommeil très agité. Au petit matin, le domestique de Pierre vient le réveiller pour lui annoncer que son maître a été assassiné. Le narrateur se précipite chez son ami où des médecins et des policiers sont déjà présents.
Il découvre alors son ami allongé, toujours vivant, mais dans un état effrayant, avec les empreintes de cinq doigts qui s’étaient enfoncés dans la chair de son cou. Il remarque que la main d’écorché n’est plus à la sonnette, mais il pense que les médecins l’ont ôtée pour ne pas effrayer les gens.
Les jours suivants, le narrateur lit le récit détaillé du crime dans le journal et apprend que la vie de Pierre n’est plus en danger, tandis que le coupable de l’attentat n’a pas été retrouvé. Pendant sept mois, le narrateur visite Pierre à l’hospice car ce dernier est devenu fou. Pierre finit par mourir dans un délire en hurlant : « Prends-la ! prends-la ! Il m’étrangle, au secours, au secours ! »
L’enterrement de Pierre
L’enterrement de Pierre
Comme Pierre était orphelin, le narrateur se charge de conduire son corps dans le village de Normandie où ses parents sont enterrés. Pendant que l’on creuse la tombe de Pierre, le narrateur se promène avec le curé et se rappelle avec nostalgie avoir plusieurs fois mangé des mûres non loin de ce cimetière avec Pierre lorsqu’ils étaient enfants. Les fossoyeurs découvrent alors qu’à l’endroit où ils étaient en train de creuser se trouve déjà un cercueil. Dans ce dernier est installé un cadavre effrayant auquel il manque une main. La main est posée à côté du cercueil et le cadavre semble les regarder avec fureur pour qu’ils leur rendent sa main. C’est donc ce que les fossoyeurs font avant de refermer le cercueil. Le lendemain, le narrateur demanda au curé de dire des messes pour la paix de cette âme dont il avait troublé la sépulture et retourna à Paris.
Description de la main d’écorché que Pierre dévoile à ses amis :
« À ces mots, il tira de sa poche une main d’écorché ; cette main était affreuse, noire, sèche, très longue et comme crispée, les muscles, d’une force extraordinaire, étaient retenus à l’intérieur et à l’extérieur par une lanière de peau parcheminée, les ongles jaunes, étroits, étaient restés au bout des doigts ; tout cela sentait le scélérat d’une lieue. » Description de la chambre de Pierre dans l’état où elle était suite à l’agression :
« Un spectacle horrible s’offrit à leurs yeux, les meubles étaient renversés, tout indiquait qu’une lutte terrible avait eu lieu entre la victime et le malfaiteur. Au milieu de la chambre, sur le dos, les membres raides, la face livide et les yeux effroyablement dilatés, le jeune Pierre B… gisait sans mouvement ; il portait au cou les empreintes profondes de cinq doigts. Le rapport du docteur Bourdeau, appelé immédiatement, dit que l’agresseur devait être doué d’une force prodigieuse et avoir une main extraordinairement maigre et nerveuse, car les doigts qui ont laissé dans le cou comme cinq trous de balle s’étaient presque rejoints à travers les chairs. Rien ne peut faire soupçonner le mobile du crime, ni quel peut en être l’auteur. » Le narrateur se remémore avec nostalgie des souvenirs d’enfance pendant l’enterrement de son ami Pierre :
« Il faisait un temps magnifique, le ciel tout bleu ruisselait de lumière ; les oiseaux chantaient dans les ronces du talus, où, bien des fois, enfants tous deux, nous étions venus manger des mûres. » Découverte du cadavre dans la tombe creusée pour Pierre :
« D’un coup de pioche, ils firent sauter le couvercle et nous aperçûmes un squelette démesurément long, couché sur le dos, qui de son œil creux semblait encore nous regarder et nous défier ; j’éprouvai un malaise, je ne sais pourquoi, j’eus presque peur. ‟Tiens ! s’écria un des hommes, regardez donc, le gredin a un poignet coupé, voilà sa main.” Et il ramassa à côté du corps une grande main desséchée qu’il nous présenta. ‟Dis donc, fit l’autre en riant, on dirait qu’il te regarde et qu’il va te sauter à la gorge pour que tu lui rendes sa main.” »