On ne connaît pas l’auteur de La Farce de Maître Pathelin, farce qui a été composée vers 1456-1460. On a supposé qu’elle avait pu être écrite par un juriste à cause des nombreuses références juridiques contenues dans cette pièce de théâtre, ou, avec plus de probabilité, par un bouffon. Il s’agit d’une pièce de théâtre comique, représentative du théâtre médiéval, et comprenant 1 600 vers, ce qui en fait une pièce plus longue et plus élaborée que ne l’étaient la plupart des farces.
Le genre de la farce désigne des pièces de théâtre comique, composées et représentées entre le XIIIe et le XVIe siècles. Les farces ont en commun de mettre en scène des personnages ridicules et de représenter des situations de tromperie et de ruse. L’un des principaux schémas des farces, celui du trompeur trompé, constitue le grand ressort de La Farce de Maître Pathelin. Cette pièce a eu très vite un grand succès et était très appréciée de Rabelais qui la connaissait par cœur.
Maître Pathelin : Avocat sans cause à plaider mais très rusé. Guillemette : Femme de Pathelin, qu’elle aide dans ses ruses. Guillaume Joceaulme : Drapier malhonnête mais naïf. Thibault l’Agnelet : Berger qui travaille pour Guillaume et devient client de Pathelin.
La ruse et la tromperie : Comme dans la plupart des farces, la ruse et la tromperie dominent cette pièce comique. Chacun des protagoniste est malhonnête et trompeur à sa façon. Le personnage de Guillaume renvoie à l’image caricaturale du commerçant peu scrupuleux, dont l’intérêt est toujours de soutirer le plus d’argent possible à ses clients.
Les ruses de Pathelin sont plus subtiles, puisqu’il déploie une gamme de tromperie beaucoup plus large, de la mise en scène, lorsqu’il se fait passer pour malade, à la maitrise rhétorique (c’est-à-dire la maitrise des mots et de l’argumentation) lors du procès. Le public rit avec maître Pathelin et se réjouit de ses inventions, d’autant plus que, en tant qu’avocat, il incarne le type professionnel le plus élaboré du trompeur.
Le trompeur trompé : Le berger présente une configuration plus intéressante encore puisqu’il se contente d’une sonorité, un bêlement, pour tromper tout le monde. L’économie de moyen est d’autant plus efficace et impressionnante que cette stratégie lui a été suggérée par un autre et qu’il l’utilise contre celui-là même qui la lui avait apprise.
La critique sociale : Le comique s’exprime donc à travers un comique de personnage, qui renvoie à des types sociaux et professionnels. Comme souvent, la comédie se fait aussi critique sociale.
Mais le vrai ressort comique est ici essentiellement verbal. Ce sont les joutes oratoires et les inventions verbales qui réjouissent le plus le spectateur et qui ont fait de cette pièce un classique de la comédie.
Maître Pathelin veut se faire faire des vêtements sans dépenser d’argent. Pour cela, il entreprend d’arnaquer le drapier Guillaume Joceaulme.
Il choisit une pièce de tissus chez Guillaume et demande à celui-ci de venir se faire payer chez lui. Lorsque Guillaume se rend au domicile de l’avocat, il y trouve maître Pathelin, alité et mourant, et sa femme Guillemette en pleurs. Le drapier croit alors que c’est le diable qui est venu lui prendre du tissus en se faisant passer pour un autre.
Puis un berger, Thibault l'Agnelet, vient demander de l’aide à maître Pathelin : il est en effet en procès avec son maître, qui n’est autre que le drapier, pour avoir égorgé des brebis.
Pathelin propose une stratégie de défense au berger : au tribunal, il se fera passer pour simple d’esprit et répondra à toutes les questions en bêlant comme un mouton.
Au cours du procès, le drapier Guillaume reconnaît l’avocat et le dénonce publiquement. Mais il ne parvient pas à s’expliquer clairement, et son propos est confus puisqu’il mélange deux affaires différentes : celle des draps volés et celle des moutons égorgés. Le juge doit alors lui répéter : « Revenons à nos moutons », expression qui est restée célèbre.
Maître Pathelin et Thibault l'Agnelet remportent le procès. Mais lorsque l’avocat veut se faire payer, Thibault, le prenant à son propre piège, ne cesse de lui répondre en bêlant.
« PATHELIN :
Ces médecins m’ont tué
De leurs drogues. Comme de cire
Ils nous travaillent ; sans mot dire
Il faut les croire…
GUILLEMETTE :
Voyez, rien
Las ! contre un tel mal.
LE DRAPIER :
L’a-t-il bien,
À bon escient ? Non, de la foire
Dès l’aube il vint.
GUILLEMETTE :
Lui ?
LE DRAPIER :
Voire, voire !
Certes il y fut, en vérité !
Maître, et ce que je vous prêtai,
Ce que vous prîtes. »« LE JUGE :
Sus ! revenons à ces moutons.
Qu’en fit-il ?
LE DRAPIER :
Il en prit six aunes
De neuf francs.
LE JUGE :
Sommes-nous béjaunes,
Sots et niais. Où vous croyez-vous ? »« PATHELIN :
Assez, puisqu’il fait retraite.
Quelle entorse je lui baillai !
Ne t’ai-je pas bien conseillé ?
LE BERGER :
Bée !
PATHELIN :
On n’entend plus, qui t’effraye ?
Parle.
LE BERGER :
Bée.
PATHELIN :
Il faut partir, paye.
LE BERGER :
Bée. »« PATHELIN :
Il me fait manger mon oie .
Par le diable ! ai-je tant vécu
Pour qu’un berger, mouton vêtu,
Me berne ? »