En 1840 et alors qu’il a déjà écrit de nombreux livres, l’idée germe chez Honoré de Balzac (1799-1850) de fonder la Comédie humaine. La Comédie humaine est le titre donné par Balzac à l’ensemble de son œuvre, à l’exception de quelques travaux de jeunesse.
La Comédie humaine a été publiée chez Furne entre le 25 juin 1842 (date de mise en vente du premier volume) et août 1846.
Un projet : peindre la société : Le projet consiste donc à peindre la société française contemporaine de l’auteur, c’est-à-dire de la première partie du XIXe siècle. En ce sens, il éclaire tant sur des faits historiques tels que les deux Restaurations, le Consulat, l’Empire, etc., que sur des faits sociaux et notamment l’imposition par la bourgeoisie au pouvoir d’une vision matérialiste et capitaliste du monde.
Des personnages et des « types sociaux » : La Comédie humaine décrit ainsi la vie des contemporains de Balzac, évidemment de son propre point de vue. Il est en particulier convaincu de l’existence de « types sociaux », créant ainsi des personnages emmurés dans leur destin social.
« J’aime les êtres exceptionnels […] j’en suis un. Il m’en faut d’ailleurs pour faire ressortir mes êtres vulgaires et je ne les sacrifie jamais sans nécessité. Mais ces êtres vulgaires m’intéressent plus qu’ils ne vous intéressent. Je les grandis, je les idéalise, en sens inverse, dans leur laideur ou leur bêtise. Je donne à leurs difformités des proportions effrayantes ou grotesques. » (extrait des correspondance entre Balzac et Georges Sand).
Par ailleurs, la construction des personnages balzaciens se fonde sur la physiognomonie, méthode très à la mode à l’époque, selon laquelle la physionomie du personnage serait à même de révéler sa personnalité. Ainsi, les portraits balzaciens contiennent-ils des éléments clés de l’histoire.
La réapparition de certains personnages : Une autre singularité de la Comédie humaine est celle de la réapparition de certains personnages dans le dédale de l’œuvre. Bien qu’elle lui ait valu sans doute autant de critiques que de louanges, cette invention donne une certaine unité à l’ensemble.
Romantisme et réalisme : La Comédie humaine s’inscrit dans le courant du réalisme qui se développe à la moitié du XIXe siècle. Le réalisme ambitionne d’écrire la vie telle qu’elle est. Néanmoins, dans la Comédie humaine de Balzac, comme chez Flaubert ou Stendhal, romantisme et réalisme ne s’excluent pas mutuellement : ces deux courants coexistent dans leurs œuvres et se sont réciproquement enrichis.
Le capitalisme et l’argent : Dans l’ensemble de l’œuvre balzacienne, la question de l’argent – dont Balzac a toujours manqué ; dilapidant dans une vie de faste les ressources de sa production littéraire – occupe une place de choix. Balzac pose l’argent comme le moteur de la société de son temps et ce, quelques années avant que ne paraisse l’œuvre de Karl Marx.
La Touraine balzacienne : « Ne me demandez plus pourquoi j’aime la Touraine ! je ne l’aime ni comme on aime son berceau, ni comme on aime une oasis dans le désert ; je l’aime comme un artiste aime l’art ; […] sans la Touraine, peut-être ne vivrais-je plus. » (Balzac, Le Lys dans la vallée).
La Touraine est la région natale de Balzac, qui naquit à Tours en 1799. Plusieurs de ses romans se déroulent en Touraine, comme Eugénie Grandet ou Le Lys dans la vallée.
La Comédie humaine est une gigantesque œuvre et système romanesque ayant pour objectif d’explorer le monde social, de peindre toutes les « espèces sociales » pour reprendre Balzac lui-même. Il s’agit là d’un immense projet littéraire pour lequel Balzac n’aura pas assez d’une vie de labeur littéraire : il le laissera inachevé.
La Comédie Humaine totalise 2 000 personnages fictifs. Un plan général réalisé par Balzac en 1845 prévoit 137 romans dont 85 achevés et 50 ébauchés ou projetés. L’ensemble de la Comédie humaine forme une grande fresque divisée en trois grandes parties : « Études de mœurs », « Études philosophiques » et « Études analytiques ».
Quelques œuvres de la Comédie Humaine
Quelques œuvres de la Comédie Humaine
- Le Colonel Chabert, 1832 (dans les « Études de mœurs », section « scènes de la vie privée »).
- Eugénie Grandet, 1833 (dans les « Études de mœurs », section « scènes de la vie de province ») : à la croisée entre romantisme et réalisme, l’œuvre est considérée comme fondatrice du roman balzacien.
- Le Lys dans la vallée, 1835 (dans les « Études de mœurs », section « scènes de la vie de province ») : roman poétique et romantique considéré comme le plus autobiographique de Balzac.
- Les Illusions perdues, 1837 (dans les « Études de mœurs », section « scènes de la vie de province ») : roman d’apprentissage considéré par Balzac comme « l’œuvre capitale dans l’œuvre ».
- Le Père Goriot, 1835 (dans les « Études de mœurs », section « Scènes de la vie parisienne ») : inaugure le retour systématique des personnages d’un roman à un autre.
- La Peau de chagrin, 1831 (dans la section « Œuvres philosophiques ») : considérée comme une œuvre majeure de la littérature fantastique.
- La recherche de l’absolu, 1834 (dans la section « Œuvres philosophiques ») : l’ouvrage est à la fois une étude philosophique et une scène de la vie privée.
Plan de la Comédie Humaine
Plan de la Comédie Humaine
I. Études de mœurs
I.1. Premier livre : scènes de la vie privée
- Premier, deuxième, troisième et quatrième volume
I.2. Deuxième livre : scènes de la vie de province
- Cinquième, sixième, septième et huitième volume
I.3. Troisième livre : scènes de la vie parisienne
- Neuvième, dixième et onzième volumes
I.4 Troisième et Quatrième livres : scènes de la vie parisienne et Scènes de la vie politique
- Douzième volume
I.5. Cinquième et sixième livres : scènes de la vie militaire et Scènes de la vie de campagne
- Treizième volume
II. Études philosophiques
- Quatorze et quinzième volumes
II et III - Études philosophiques - études analytiques
- Seizième volume
- Volumes dix-sept et dix-huit publiés à titre posthume.
« Vous ne vous figurez pas ce que c’est que la Comédie Humaine ; c’est plus vaste littérairement parlant que la cathédrale de Bourges architecturalement »
Lettre à Zulma Carreaud
« La Société ne fait-elle pas de l’homme, suivant les milieux où son action se déploie, autant d’hommes différents qu’il y a de variétés en zoologie ? »
Balzac, préface de la Comédie humaine
« La passion est toute l'humanité. Sans elle, la religion, l'histoire, le roman, l'art seraient inutiles. »
Balzac, préface de la Comédie humaine
« Walter Scott élevait donc à la valeur philosophique de l’histoire le roman […] il y réunissait à la fois le drame, le dialogue, le portrait, le paysage, la description ; il y faisait entrer le merveilleux et le vrai […] Mais […] il n’avait pas songé à relier ses compositions l’une à l’autre de manière à coordonner une histoire complète, dont chaque chapitre eût été un roman, et chaque roman une époque. »
Balzac, préface de la Comédie humaine