Crédit photo : Robert Schediwy, 1968
- Le général de Gaulle est mis en ballotage aux élections de 1965 : il doit affronter le candidat François Mitterrand au second tour de la présidentielle. Son prestige est affecté, tandis que l’opposition regagne une certaine crédibilité.
- Le parti gaulliste, renommé « Union des démocrates pour la Ve République » perd de nombreux sièges aux élections législatives de 1967. Cette double déconvenue électorale témoigne de la fragilité du régime de la Ve République et des tensions.
- La personnalisation du régime est dénoncée par l’opposition, de sorte que des tensions se ressentent au sein même de la majorité :
- la prise de position personnelle du général de Gaulle en faveur des indépendantistes crée une crise diplomatique avec l’État canadien. Dans son discours public, il s’écrit « vive le Québec libre » sans que le problème n’ait été abordé devant le parlement ;
- Valéry Giscard d’Estaing dénonce « l’exercice solitaire du pouvoir ».
- C’est dans ce malaise général que le climat délétère va connaître son apogée en mai 1968.
- Le contexte socio-culturel joue un rôle non négligeable : l’urbanisation s’accélère, l’éducation scolaire et universitaire se massifie, la culture des loisirs se développe, la jeunesse s’affirme comme une catégorie socioculturelle à part entière, les mœurs évoluent.
- Le 22 mars, les étudiants gauchistes de la faculté de Nanterre tentent de dénoncer le contraste entre la richesse de la société privilégiée et les plus pauvres, sous l’influence de l’étudiant en sociologie Daniel Cohn-Bendit.
La crise de mai 1968 est avant tout une crise étudiante : elle prend naissance dans les universités, où la jeunesse intellectuelle conteste la société de consommation qui affaiblit la personnalité de l’homme. Le mouvement est porteur d’un idéal politique anticonsommation, antiautoritaire et très libertaire, portant notamment sur les libertés fondamentales. Les thèmes abordés sont ceux de la justice sociale, la lutte contre la société capitaliste, mais aussi contre la bureaucratie communiste soviétique. Le « mouvement du 22 mars », rassemblant divers mouvements étudiants gauchistes, va entraîner la fermeture de la faculté de Nanterre le 2 mai 1968. Des bagarres entre étudiants et forces de l’ordre s’en suivent, les affrontements dégénèrent en émeutes et le 10 mai, des barricades sont érigées dans la capitale.
Une manifestation est organisée le 13 mai par les syndicats pour lutter contre la répression policière, assortie d’une grève générale. La crise devient une crise sociale : les grèves se multiplient (Renault le 16 mai) de même que les occupations de locaux. Les revendications confuses, voire contradictoires, des manifestants (ouvriers, étudiants, syndicats) compliquent la tâche pour le gouvernement, qui peine à trouver des interlocuteurs. Le général de Gaulle, découragé, tente d’ouvrir les discussions avec les syndicats et le patronat. Le Premier ministre George Pompidou donne satisfaction à la CGT : le 27 mai, les accords de Grenelle concèdent des augmentations de salaires, la diminution du temps de travail et le droit syndical. Mais ce succès n’empêche pas le maintien des grèves.
La crise devient une crise politique. L’incapacité d’agir sur les événements et le silence du général de Gaulle donnent le sentiment que le régime est à l’agonie. Mitterrand réclame la constitution d’un gouvernement provisoire, le parti communiste réclame un « gouvernement populaire ». Mais cette crise atteint son paroxysme avec la « disparition du général de Gaulle » les 29 et 30 mai 1968 : il se rend à Baden-Baden pour demander conseil au général Massu. Convaincu de reprendre les choses en main, il annonce la dissolution de l’Assemblée nationale et appelle à une action civique des français. Les grèves cessent progressivement, et le mouvement s’estompe.
- La crise de 1968 est une crise de société qui touche toutes les sociétés industrielles et qui dépasse, en France, le cadre politique : elle prend racine dans la psychologie collective de la société. Le mouvement de mai 1968 n’est pas uniforme, les revendications sont parfois confuses mais il marque une rupture politique en France : il constitue l’une des plus grandes contestations de l’ordre existant.
- Le gouvernement doit répondre à de nouvelles aspirations socioculturelles :
- la jeunesse s’affirme comme une réalité sociale et politique ;
- la transformation des mentalités, avec notamment la « libération sexuelle », est une composante de mai 1968 (débats sur le féminisme, la contraception, l’éducation mixte) ;
- les institutions traditionnelles sont remises en cause (la famille, l’Église, l’armée) : les revendications antiautoritaires s’illustrent sous la forme du slogan « il est interdit d’interdire » ;
- la société de consommation et le système capitaliste sont vivement critiqués.
- Sur le plan politique, l’autorité du général de Gaulle a été mise à mal, tandis que Pompidou a paru plus à même de gérer la crise. La nomination de Couve de Murville à la place de Pompidou peut s’analyser comme une volonté du général de Gaulle de tourner la page. Après l’annonce de la candidature de Pompidou, de Gaulle cherche à restaurer son autorité par une attitude réformatrice : son référendum sur la régionalisation est rejeté et il en tire la conclusion de la défiance des Français à son égard. Il démissionne le 28 avril 1969.