Au XIXe et au XXe siècle, le sonnet classique est repris par certains poètes qui jouent de ses contraintes et traditions en proposant des versions plus libres et modernes.
C’est le cas des membres de l’Oulipo, un groupe d’écrivains, de poètes et de mathématiciens fondé en 1960, et dont le nom est en réalité l’acronyme d’Ouvroir de Littérature Potentielle. Voulant explorer les possibilités de la langue et s’amuser avec les contraintes traditionnelles de la poésie, ces artistes déjantés inventent le sonnet dit « irrationnel ».
Il s’agit d’un sonnet à forme fixe, de quatorze vers, dont la structure s’appuie sur le nombre pi. Il est donc fait de cinq strophes composées de 3 – 1 – 4 – 1 – 5 vers, faisant référence à 3,1415, soit les cinq premiers chiffres de pi.
Voici par exemple le premier des 41 sonnets irrationnels de Jacques Bens intitulé « Mélancolique » :
« Je vais donc retrouver mes anciens horizons, Cette odeur pas perdue des vents et des maisons. J’ai l’air d’abandonner, mais n’ayez nulle crainte :
Si je quitte Paris, c’est pour le mieux aimer.
On incline à brusquer une banale étreinte.
Mais que vaut cet orgueil qui n’est plus de saison ?
Allez donc réunir le cœur et les raisons.
La ville, en souriant, laisse sa rude empreinte :
Si je quitte Paris, c’est pour vous mieux aimer.
Vous mieux aimer, je ne pouvais y croire, mais
Je vois bien qu’aujourd’hui le présent nous emporte.
Il me faut, pour vous voir, m’éloigner quelque peu.
J’enferme mes regrets, puisque cela se peut,
Après avoir glissé ma clé sous votre porte. »