Un niveau d'organisation : les éléments chimiques
Introduction :
Depuis Aristote et jusqu’au XIXe siècle, les savants croyaient savoir que la matière était constituée d’eau, de terre, de feu et d’air. Cependant, dès 450 avant J.-C., l’idée que la matière est constituée d’éléments indivisibles, appelés alors « atomos » est émise ; à l’image d’une étendue de sable, formant un tout de loin, mais en réalité constituée d’une multitude de petits grains semblant invisibles.
Ce n’est qu’à partir du début du XIXe siècle que les scientifiques définissent que la matière qui nous entoure, les objets, les planètes, les étoiles, l’Univers tout entier sont constitués d’éléments chimiques.
Comment peut-on expliquer l’origine de ces éléments chimiques dans l’Univers ? Ces éléments chimiques étant composés des mêmes « briques » dont seul le nombre varie, comment les désintégrations expliquent-elles la formation de ces éléments ?
Pour répondre à cette question, nous étudierons les différences de composition de la matière entre les étoiles et la Terre, puis nous étudierons des réactions nucléaires pour comprendre l’origine et la diversité des atomes. Enfin, nous verrons comment la radioactivité permet une datation.
Composition de la matière en éléments chimiques
Composition de la matière en éléments chimiques
Composition d’un atome
Composition d’un atome
On a vu en classe de seconde que l’atome est constitué d’un noyau central, lequel contient des protons (charge positive) et des neutrons (sans charge). Autour de ce noyau gravitent des électrons (charge négative).
Dans le cas d’un atome, le nombre de protons (numéro atomique) est égal au nombre d’électrons. Si ces deux nombres sont différents, on parle alors d’ions (« cations » quand ils sont positifs, « anions » quand ils sont négatifs).
Un élément chimique est caractérisé par son numéro atomique ($\text Z$) et représenté par son symbole chimique comportant une lettre majuscule éventuellement suivie d’une lettre minuscule. Il ne tient pas compte du nombre d’électrons.
L’ensemble de la matière existante est constitué d’éléments chimiques plus ou moins variés.
Les entités chimiques (atomes, ions) ayant le même nombre de protons dans leur noyau sont des « formes » différentes d’un même élément chimique.
Par exemple, $\text{Cu}$ et $\text{Cu}^{2+}$ sont deux entités chimiques issues de l’élément cuivre. Ces entités chimiques sont réparties différemment dans l’Univers selon la nature du milieu (étoiles, planètes…).
Matière stellaire et matière terrestre
Matière stellaire et matière terrestre
Une étoile est composée dans sa très grande majorité de deux éléments chimiques : l’hydrogène et l’hélium.
Ces deux éléments sont les plus « légers ».
Voici la composition des éléments hydrogène et hélium :
Élément | Particules du noyau | |
Proton | Neutron | |
Hydrogène | 1 | 0 |
Hélium | 2 | 2 |
L’hydrogène et l’hélium constituent à eux seuls 98 % de la masse du Soleil. Les 2 % restants sont constitués d’autres éléments chimiques, tels que le carbone, l’oxygène, l’azote ou encore le fer.
À l’inverse, sur Terre, l’hélium est absent et l’hydrogène représente moins de 1,5 %.
Les éléments les plus abondants dans la croûte terrestre sont le fer, l’oxygène, le silicium et le magnésium.
En raison de la forte teneur en oxygène sur Terre, ces éléments sont la plupart du temps associés sous forme d’oxydes métalliques ($\text{FeO}$, $\text{Fe}_2\text O_3$, $\text{MgO}$, $\text{SiO}_2$…).
L’eau, qui pourtant semble très présente, ne représente que moins de 1,5 % de la matière terrestre, d’où le faible pourcentage d’hydrogène.
Toutefois, il faut différencier la matière du vivant (végétaux, animaux…) de la matière du non-vivant, telles que l’eau ou la croûte terrestre.
En effet, la matière du vivant est articulée autour de trois éléments essentiels au développement de la vie : l’oxygène, l’hydrogène et le carbone.
On constate donc qu’il existe des différences importantes entre la composition d’une étoile et la composition de la matière sur la Terre par exemple.
Pour comprendre ces différences, nous allons maintenant étudier comment sont produits les éléments chimiques.
Les réactions nucléaires
Les réactions nucléaires
Il existe deux grandes catégories de réactions nucléaires : les réactions de fusion nucléaire et les réactions de fission nucléaire.
La fusion nucléaire
La fusion nucléaire
Une réaction de fusion nucléaire est une réaction nucléaire au cours de laquelle des noyaux légers s’unissent pour former un noyau plus lourd. Cette réaction s’accompagne d’une libération d’énergie.
La fusion nucléaire se fait uniquement à des températures très élevées (> $107\,\text K$). On parle de fusion thermonucléaire.
- La fusion nucléaire de l’hydrogène au sein du Soleil peut s’écrire :
$4^1_1\text H$ $\rightarrow$ $^4_2\text{He}+2^0_1\text e$
On constate que le Soleil consomme de l’hydrogène pour former un élément plus gros, l’hélium, en libérant de l’énergie.
Par la suite, quand une grande partie de l’hydrogène a disparu, c’est au tour des noyaux d’hélium de fusionner pour donner des noyaux plus lourds (carbone ou oxygène) qui, après la « mort » de l’étoile, seront dispersés dans l’Univers.
Le Soleil et les étoiles en général sont donc des « générateurs » d’éléments chimiques lourds.
À l’inverse, dans certains cas, des éléments lourds peuvent produire des éléments plus légers par le biais d’autres réactions chimiques que sont les réactions nucléaires.
La fission nucléaire
La fission nucléaire
Une réaction de fission nucléaire est une réaction nucléaire au cours de laquelle un neutron entre en contact avec un noyau lourd dit « fissile » et le divise en deux noyaux plus légers, avec émission d’autres neutrons et d’énergie.
- Par exemple, ces réactions nucléaires sont mises en œuvre dans les centrales nucléaires pour produire de l’énergie qui sera convertie par la suite en électricité.
À la suite d’une réaction nucléaire, certains éléments produits peuvent ne pas être stables et vont alors subir des modifications, appelées désintégrations, pour se transformer en éléments stables.
Désintégration et datation
Désintégration et datation
Les désintégrations
Les désintégrations
Des noyaux instables du fait de leur constitution (trop riche en protons ou en neutrons) se désintègrent en un ou plusieurs autres noyaux plus légers et plus stables. Ces noyaux instables sont dits radioactifs.
Cette évolution vers davantage de stabilité ne se fait pas nécessairement en une seule étape ; il peut y avoir des désintégrations en cascade.
- L’uranium 238 doit subir quatorze désintégrations successives avant de devenir un élément stable : le plomb 206.
Il est important de comprendre que, dans un milieu donné, tous les noyaux ne subissent pas une désintégration au même moment, cela se fait de façon aléatoire.
Ainsi, le nombre de noyaux de départ décroît progressivement.
Demi-vie
Demi-vie
Pour traduire cette temporalité de la désintégration, chaque élément radioactif (instable) possède une durée d’existence précise, caractérisée par le temps de demi-vie.
Demi-vie :
La demi-vie (notée $t_{1/2}$) est la durée au bout de laquelle la moitié des noyaux radioactifs présents à l’instant $t$ dans un échantillon a été désintégrée.
Pour un élément donné, à partir du nombre de noyau de départ, et du temps de demi-vie, l’évolution du nombre de noyaux au cours du temps peut être connue et représentée par une courbe de décroissance. En effet, à chaque fois qu’une demi-vie s’écoule, la moitié des noyaux restants subissent une désintégration radioactive.
Grâce à ce modèle de décroissance, il est possible de mesurer des durées, et donc de faire des datations.
Datation : le cas du carbone 14
Datation : le cas du carbone 14
Le carbone 14 est un isotope radioactif du carbone 12 (99,9 % du carbone présent sur Terre).
Isotope :
On appelle « isotopes » des éléments chimiques possédant le même numéro atomique ($\text Z$) mais un nombre de neutrons différent.
Il est produit par l’interaction des rayons cosmiques avec une partie de l’atmosphère. Cette interaction conduit à la production de neutrons qui vont eux-mêmes réagir avec l’azote 14 pour former le carbone 14, qui sera par la suite intégré aux organismes vivants, notamment via le $\text{CO}_2$.
La proportion de carbone 14 sur Terre est relativement fixe au cours du temps, du fait de son instabilité (radioactivité) : il y a autant de carbone 14 produit dans la stratosphère qui « arrive » sur Terre qu’il n’en disparaît par désintégration radioactive. Au fil du temps, des noyaux de carbone 14 se désintègrent pour redonner de l’azote.
La période de demi-vie du carbone 14 est $t_{1/2}$= 5 730 ans.
La mesure du nombre de noyau de carbone 14 permet la datation de la matière organique (issue du vivant) morte.
Après la mort, le $\text{CO}_2$ et donc le carbone cesse d’être absorbé. En raison de son instabilité, le carbone 14 subit des désintégrations radioactives, sa quantité diminue alors au cours du temps. Ainsi, en étudiant la quantité de carbone 14 restante, il est possible, grâce à la connaissance du temps de demi-vie, de déterminer la durée séparant le moment de l’analyse et le moment de la mort.
On arrive à déterminer par des mesures qu’il reste 300 000 noyaux de carbone 14 dans un échantillon. À l’aide du graphique précédent, il est alors possible de déterminer à quand remonte la mort.
Conclusion :
La totalité de la matière présente dans l’Univers est produite dans les étoiles, grâce à des réactions de fusion nucléaire à partir d’éléments chimiques légers, comme l’hydrogène (c’est le cas du Soleil).
Puis ces réactions de fusion nucléaire se poursuivent pour créer des éléments stables de plus en plus lourds, qui finissent par être expulsés dans l’espace. C’est ce qui se produit ainsi lors de l’explosion d’une supernova (étoile en fin de vie).
Certains des noyaux produits lors des réactions de fusion ne sont pas stables. La désintégration nucléaire est un phénomène naturel permettant aux éléments de devenir plus stables. L’étude de ces désintégrations permet entre autres la datation.