Les sources de la croissance économique
Introduction :
La croissance économique est l’un des principaux objectifs de la politique économique : on entend très régulièrement les hommes et femmes politiques évoquer des attendus chiffrés en matière de croissance économique du pays.
Ce cours permet d’étudier les sources de cette croissance économique, c’est-à-dire les facteurs et les procédés qui permettent à un pays de créer des richesses.
Dans un premier temps, nous allons nous intéresser à la manière dont on calcule la croissance économique, puis nous mettrons en évidence les mécanismes à l’œuvre dans la création de richesse, à travers les facteurs de production.
Les facteurs de production peuvent varier en quantité, et en qualité. Nous allons étudier ces deux cas, en voyant en dernière partie ce qui se passe lorsque la quantité ou la qualité de l’un de ces facteurs de production augmente.
Comment mesurer la richesse produite ?
Comment mesurer la richesse produite ?
La croissance économique désigne l’accroissement durable de la production globale d’une économie sur une période donnée. Elle correspond donc à l’augmentation des richesses (biens et services) créées par une économie.
Cette croissance est mesurée par le taux de croissance du PIB (augmentation ou diminution du PIB d’une année sur l’autre, à savoir le taux de variation du PIB de l’année $n$ par rapport à l’année $n-1$). C’est donc un phénomène quantitatif.
- Ce graphique met en évidence les variations du taux de croissance du PIB français depuis les années 2000. On remarque que ce taux de croissance n’est pas régulier : la croissance est donc un phénomène instable.
Attention à la lecture des données !
En effet, entre 2000 et 2005, la croissance est passée de 3,9 % en 2000 à 1,7 % en 2005, mais cela ne signifie pas qu’il y a eu une récession (taux de croissance négatif) : la croissance est toujours positive (1,7 %), elle s’est par contre ralentie.
De manière générale, sur la période 2000-2020, on constate donc que l’activité économique n’a fait qu’augmenter.
Sur la période observé dans le graphique, il n’y a qu’en 2009 (crise économique mondiale) et en 2020 (contexte de pandémie) que l’activité économique a connu une récession, entraînant une baisse des richesses produites sur le territoire.
La mesure du PIB
La mesure du PIB
Le PIB (produit intérieur brut) est l’indicateur qui permet de mesurer la valeur des biens et des services produits sur un territoire donné pendant une année.
La comptabilité nationale le définit comme l’ensemble des valeurs ajoutées créées par les unités institutionnelles résidentes en France.
Le PIB se calcule de la manière suivante :
- PIB = somme des valeurs ajoutées + somme des impôts sur les produits (TVA + droits de douane) – somme des subventions sur les produits
La valeur ajoutée est la valeur réellement créée par une entreprise.
De façon un peu simplifiée, on la calcule de la manière suivante :
$$\text{VA}=\text{chiffres d’affaires}-\text{consommations intermédiaires}$$
Le chiffre d’affaires correspond au prix de vente multiplié par les quantités vendues.
Les consommations intermédiaires correspondent à tout ce qui est détruit ou transformé au cours du processus de production (électricité, matières premières).
Voici une analyse simplifiée.
Supposons que notre économie soit composée de deux entreprises.
La première est une entreprise agricole qui produit des fruits, la seconde est une entreprise qui produit des compotes de fruits qu’elle vend aux particuliers.
Notre entreprise agricole a produit 6 tonnes de pommes qu’elle a entièrement revendues au fabriquant de compotes au prix de 1 000 euros la tonne.
Ce dernier a pu confectionner 6 000 pots, revendus au prix de 10 euros le pot.
- Dans cet exemple, la valeur ajoutée de l’entreprise agricole se calcule de la manière suivante :
$6\times 1\,000\,\text{(quantités vendues multipliées par le prix de vente)}-0\,\text{(on suppose ici que cette entreprise n’a pas de consommations intermédiaires)}=6\,000\,\text{euros}$
La valeur ajoutée du fabricant de compotes se calcule comme suit :
$6\,000\times 10-6\,000=54\,000\,\text{euros}$
Dans cet exemple simplifié, le PIB de cette économie fictive sera donc de 60 000 euros (6 000 + 54 000). Ce calcul ne tient pas compte des éventuels impôts subventions.
Dans cet exemple simplifié, l’entreprise agricole ne possède pas de consommations intermédiaires. Or, dans la réalité, un agriculteur doit acheter des graines, de l’engrais, etc.
Distinction PIB marchand et PIB non marchand
Distinction PIB marchand et PIB non marchand
À présent que l’on a déterminé le calcul du PIB, voyons la distinction entre le PIB marchand et le PIB non marchand.
- Le PIB marchand concerne les entreprises qui proposent des produits ou services sur un marché à un certain prix.
Pour le calculer, on utilise la formule indiquée précédemment. - Le PIB non marchand concerne le PIB des administrations publiques et privées qui proposent des services gratuits.
Dans cette optique le PIB est calculé en fonction du coût des facteurs de production (relatifs au personnel et au matériel).
Par exemple, la production de l’Éducation nationale sera évaluée d’après le coût des facteurs de production (personnels, locaux, ordinateurs…).
Distinction PIB nominal/réel
Distinction PIB nominal/réel
Le PIB français était de 2 303 milliards d’euros en 2020 et de 65 milliards dans les années 1960. La production française était-elle 35 fois plus élevée en 2020 ?
Cette question nous amène à réfléchir sur la distinction entre le PIB nominal (en valeur) et PIB réel (en volume).
- Le PIB réel (appelé également PIB en volume ou à prix constants) correspond à la valeur des biens et services produits en prenant les prix d’une année de référence. Son calcul neutralise donc les effets de l’inflation (hausse des prix) ou de la déflation (baisse des prix). Il permet ainsi plus facilement de comparer les chiffres sur plusieurs années.
- Le PIB nominal (également appelé PIB en valeur ou à prix courants) correspond à la valeur des biens et services produits dans une économie à une période donnée, en prenant les prix de l’année en cours.
- Cette distinction est indispensable puisqu’elle permet de savoir si la hausse du PIB est due à une augmentation des richesses ou à un effet prix.
Nous venons de voir que la croissance économique se mesurait en utilisant les concepts de production et de valeur ajoutée.
Nous allons maintenant nous intéresser aux éléments permettant d’augmenter cette production ou encore permettant de créer de la croissance.
Les éléments à l’origine de la croissance
Les éléments à l’origine de la croissance
Les facteurs de production
Les facteurs de production
Pour produire, l’entreprise a besoin de moyens qui peuvent être humains, matériels, ou encore financiers.
- L’ensemble de ces moyens constitue les facteurs de production.
Ils peuvent être divisés en deux catégories :
- ceux relatifs au personnel : c’est le facteur travail ;
Le travail est une dépense d’énergie humaine manuelle ou intellectuelle nécessaire à la production de biens ou de services.
La quantité de travail dépend de nombreux facteurs (la démographie, variation du nombre d’individus composant la population active, le temps de travail…).
La qualité du travail dépend entre autres de l’éducation, de la formation initiale ou des compétences acquises tout au long de sa vie.
- ceux liés au matériel : c’est le facteur capital.
Il s’agit de l’ensemble des moyens de production durables détenus par l’entreprise afin de réaliser une production.
Il peut s’agir par exemple de machines, de bâtiments, de terres…
Selon la nature du bien ou du service, ces facteurs de production peuvent être complémentaires ou substituables :
- Lorsque travail et capital sont complémentaires, cela veut dire qu’on ne peut pas augmenter l’un de ces facteurs sans modifier la consommation de l’autre.
Par exemple, prenons une entreprise de transport scolaire. Le bus scolaire (capital fixe) ne peut pas fonctionner seul. Il a besoin d’un·e chauffeur·e (facteur travail). Ce bus et ce·tte chauffeur·e sont donc complémentaires parce qu’on les utilise ensemble. - À l’inverse, deux facteurs sont dits substituables s’ils sont interchangeables : l’un peut remplacer l’autre en donnant un résultat à peu près identique.
Par exemple, si l’on regarde les hôte·esse·s de caisse d’un supermarché, on se rend compte que certain·e·s ont été remplacé·e·s par des caisses automatiques.
La fonction de production
La fonction de production
Pour créer des richesses, il faut donc combiner les différents facteurs de façon optimale, afin d’améliorer la compétitivité de l’entreprise. Cette combinaison s’appelle la fonction de production.
Fonction de production :
La fonction de production est la relation entre un niveau de production et la quantité de facteurs de productions qui lui sont nécessaires.
Connaître ces facteurs permet à l’entreprise de les faire varier afin de diminuer les coûts de production tout en étant la plus efficace possible.
Souvent, le but est de maximiser les profits.
On abrège la fonction de production avec une formule qui signifie que la production $\text{Y}$ est fonction d’une certaine quantité de capital ($\text{K}$) et de travail ($\text{L}$).
En économie, l’étude de la fonction de production est donc très importante. Grâce à elle, l’entreprise peut calculer quel va être l’impact d’une variation d’un des facteurs de production sur ses bénéfices : elle pourra donc anticiper les évolutions pour mieux s’adapter.
- L’augmentation de la production, donc la croissance, dépend ainsi directement de l’évolution des facteurs de production, du travail et du capital. On peut donc supposer qu’en augmentant la quantité ou la qualité de ces facteurs, on peut créer de la croissance.
L’augmentation de la quantité ou de la qualité des facteurs de production
L’augmentation de la quantité ou de la qualité des facteurs de production
Augmenter les quantités de facteurs de production : la croissance extensive
Augmenter les quantités de facteurs de production : la croissance extensive
La croissance extensive correspond à une croissance obtenue du fait de l’augmentation de la quantité de facteurs de production.
Il peut s’agir d’augmenter la quantité de facteur travail et/ou de facteur capital.
- La quantité de facteur travail peut varier en fonction :
- de facteurs démographiques. Cela implique d’augmenter la population en encourageant une forte natalité ou l’immigration ;
- de la durée légale de travail, en reculant par exemple l’âge de départ en retraite ;
- en agissant sur la durée moyenne des études ;
- en agissant sur le taux d’activité des femmes.
Chacune de ces actions répond à une logique unique : si davantage de personnes travaillent, et si elles travaillent plus longtemps, cela entraînera mécaniquement une hausse de la production.
- Au lieu d’augmenter le travail, il est également possible de jouer sur la quantité de facteur capital : c’est ce qu’on appelle l’investissement.
Investissement :
L’investissement est une dépense consacrée à des biens et services durables (soit de plus d’un an), dans l’espoir de rentabiliser les montants investis et d’accumuler du capital.
Il se mesure à l’aide d’un indicateur appelé FBCF, qui veut dire formation brute de capital fixe.
L’investissement est souvent productif et à but lucratif : il est destiné à rapporter des gains à l’investisseur. Toutefois, il peut également être non productif et offrir un service non-marchand. C’est par exemple le cas lorsque l’État construit une route ou une école publique.
Si un·e entrepreneur·se veut augmenter sa production en jouant sur son facteur capital, trois types d’investissements possibles s’offrent à lui :
- l’investissement de capacité, qui consiste à acheter plus de matériel et à embaucher plus d’ouvriers pour les utiliser. Cet investissement crée donc souvent des emplois ;
- l’investissement de remplacement, destiné à remplacer les équipements obsolètes, ce qui est sans effet sur le nombre d’emplois mais améliore la qualité du travail ;
- l’investissement de productivité. C’est le plus critiqué, car il consiste à remplacer les ouvriers par des machines plus rentables et il détruit donc des emplois.
Pourtant, même sans augmenter la quantité de travail ou de capital, il est possible d’accroître la production en jouant sur la qualité de ses facteurs.
Augmenter la qualité des facteurs de production : la croissance intensive
Augmenter la qualité des facteurs de production : la croissance intensive
La hausse de la croissance due à l’efficacité des facteurs de production est appelée croissance intensive.
Elle est mesurée par la productivité globale des facteurs (abrégée PGF).
Productivité globale :
La productivité globale des facteurs, ou productivité multifactorielle, correspond à une augmentation quantitative de richesses qui n’est pas liée à l’augmentation d’un des deux facteurs de production.
Par exemple, l’importance d’une récolte de fruits ne dépend pas uniquement du nombre d’arbres plantés et des techniques de récolte utilisées, mais aussi de l’ensoleillement, de la pluie et de la qualité du sol.
On peut améliorer la productivité globale en jouant sur deux facteurs :
- les facteurs extérieurs à l’entreprise ;
- et les facteurs internes à l’entreprise.
Les facteurs extérieurs à l’entreprise sont l’ensemble des éléments qui sont produits par la société, et qui permettent de perfectionner les méthodes de production.
Le progrès technique est le principal facteur externe d’amélioration. Il permet une meilleure efficacité d’utilisation des ressources, une meilleure productivité et des produits plus performants.
Les facteurs internes à l’entreprise peuvent être liés à un management performant, une motivation supplémentaire des travailleur·se·s, à une augmentation de leurs qualifications (formation), ou encore aux caractéristiques du capital productif.
L’amélioration de la productivité globale peut également passer par l’accumulation de capital. En effet, de nombreux économistes considèrent en effet que c’est en investissant dans leurs équipements, dans la recherche et dans les brevets que les entrepreneur·se·s vont améliorer l’efficacité de leurs facteurs de production.
Par exemple, une entreprise qui investit pour créer une nouvelle machine agit en interne sur sa productivité future, sans attendre que le progrès technique vienne de la société. Si l’investissement mène à une invention performante, la productivité de l’entreprise sera améliorée et le capital augmentera, ainsi que la qualité du travail, puisque la main-d’œuvre sera formée pour s’adapter aux fonctionnalités de la nouvelle technologie. Ce mécanisme est appelé croissance endogène, c’est-à-dire une situation où la croissance s’auto-entretient en créant elle-même ses propres conditions d’augmentation.
Une autre forme de capital a été mise en évidence pour son rôle très significatif dans la quête de croissance économique : il s’agit du capital humain, un concept inventé par Gary Becker. Cet économiste américain considère que le stock de connaissances et de savoir-faire des ouvrier·ère·s et employé·e·s est valorisable économiquement parlant. Ces connaissances sont bien sûr celles nécessaires à leur travail mais englobent aussi le niveau de qualification, l’hygiène et la santé.
Entretenir un bon capital humain permet d’utiliser les technologies existantes et de s’adapter aux nouvelles. L’accumulation de connaissances favorise la hausse des compétences et une plus grande efficacité, ce qui permet à l’individu d’accroître sa productivité et ses revenus. L’augmentation de revenus est intéressante pour l’ensemble de l’économie. C’est ce qu’on appelle une externalité positive. De très nombreuses expériences confirment le rôle important de l’accumulation du capital dans la croissance économique. À l’évidence, elle représente un élément efficace pour augmenter la production, notamment grâce à sa capacité à accroître les performances humaines et économiques.
Aussi, reprenons la formule présente plus haut, où la production $\text{Y}$ était fonction d’une certaine quantité de capital ($\text{K}$) et de travail ($\text{L}$) :
$$\text{Y}=f(\text{K},\text{L})$$
Nous nous apercevons avec cette formule que cette relation est insuffisante. En réalité, l’augmentation de la fonction de production est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Elle est fonction non seulement du capital ($\text{K}$) et du travail ($\text{L}$) mais aussi du progrès technique ($\text{PT}$), des investissements ($\text{I}$), du capital humain ($\text{KH}$) et des institutions ($\text{E}$) :
$$\text{Y}=f(\text{K},\text{L},\text{PT},\text{I},\text{KH},\text{E})$$
Que l’on prenne pour critère la qualité ou la quantité, on voit bien que l’entreprise est une source de croissance.
Toutefois, l’accumulation du capital humain, technologique et l’impact de la production sur l’environnement rendent l’intervention des institutions publiques et de l’État nécessaire.
Conclusion :
La création de richesses repose donc essentiellement sur la fonction de production.
Celle-ci a deux volets : le facteur travail et le facteur capital. Agir sur ces facteurs permet d’agir sur la croissance économique.
Pour agir sur les facteurs de production, on peut s’intéresser à leur quantité et on parle alors de croissance extensive.
On peut également améliorer leur qualité avec le progrès technique, l’accumulation du capital et le capital humain, et il s’agit dans ce cas de croissance intensive.
Si l’entreprise reste le premier des acteurs pour créer de la croissance, elle semble ne pas être la seule. Comme nous le verrons par la suite, d’autres acteurs tels que l’État et les institutions ont aussi un rôle très important à jouer, puisque leurs décisions peuvent indirectement influencer sur chacun des facteurs de production et donc in fine sur la croissance (définition des règles qui structurent les relations des agents économiques, redistribution des revenus au sein de la société, intervention de l’État pour corriger les impacts négatifs de la production économique, etc.).
Ajoutons enfin que même en agissant sur les différentes sources de la croissance économique, il est impossible de la maîtriser totalement. En effet, les différentes crises économiques et la difficulté pour les anticiper et les résoudre démontrent que c’est un phénomène irrégulier et instable.