Les relations entre l'Angleterre et ses colonies américaines
Introduction :
Depuis 1707 et la signature de l’Acte d’Union, les couronnes d’Angleterre et d’Écosse sont réunies et forment la Grande-Bretagne. Au début du XVIIIe siècle, il s’agit d’une des principales puissances européennes. La Couronne britannique fait reposer sa puissance sur l’empire qu’elle commence à constituer grâce à sa flotte de navires. Au sein de cet empire, les colonies américaines ont une place majeure. Chaque colonie est soumise au roi d’Angleterre, selon des modalités diverses. Pourtant à la fin du XVIIIe siècle, une grave crise entre la métropole et ses territoires aboutit à la Révolution américaine et à la Déclaration d’Indépendance.
Comment ont évolué les relations entre la Couronne anglaise et ses colonies au XVIIIe siècle ?
Nous verrons dans une première partie comment se constituent les colonies anglaises d’Amérique du Nord et quelles sont les relations qu’elles entretiennent avec la métropole. Dans un second temps, nous étudierons les causes et les conséquences de la Révolution américaine.
La constitution des colonies anglaises en Amérique du Nord
La constitution des colonies anglaises en Amérique du Nord
L’essor de la marine anglaise
L’essor de la marine anglaise
C’est au cours du XVIIIe puis du XIXe siècle que se met en place la suprématie navale incontestée de la Royal Navy (nom donné à la marine britannique).
- L’objectif de cette marine puissante est d’avoir à disposition une flotte de guerre capable de rivaliser avec les autres puissances européennes (France, Espagne, Pays-Bas) mais aussi de favoriser le commerce britannique.
Dès le XVIIe siècle, Cromwell élabore un « Western Design » (« Projet pour l’Ouest ») dans le but de concurrencer les Espagnols et les Portugais dans les Antilles. Il s’agit notamment de profiter des routes commerciales. En 1651, l’Acte de Navigation crée un monopole du commerce direct avec l’Angleterre. Seuls les navires anglais peuvent commercer directement avec l’Angleterre. Le texte est durci par la suite. Par exemple, les colonies ne peuvent importer que des produits en provenance d’Angleterre.
L’Acte de navigation comporte certaines exceptions. C’est le cas pour le commerce d’esclaves qui relève de compagnies portugaises et espagnoles.
Au début du XVIIIe siècle, la volonté d’encourager le développement de la marine profite à deux ports anglais, Portsmouth et Devonport. La marine anglaise poursuit sa croissance, encouragée par des emprunts d’État. Grâce à ces fonds et à une volonté politique forte, la flotte se modernise. Les navires de guerre sont standardisés au XVIIIe siècle.
Le HMS Victory, navire britannique à trois-mâts. Ce navire est un des rares à être encore intact aujourd’hui. Il est connu pour avoir été le vaisseau de l’amiral Nelson lors de la bataille de Trafalgar contre Napoléon Ier en 1805 mais a été utilisé dès 1778.
L’essor de la marine anglaise, marchande comme militaire, profite à l’établissement de colonies. L’empire anglais se constitue avec l’arrivée des premiers colons en terre américaine au XVIIe siècle.
L’arrivée des premiers colons au XVIIe siècle
L’arrivée des premiers colons au XVIIe siècle
Les premières marques d’intérêt des Britanniques pour les territoires d’Amérique du Nord datent du début du XVIIe siècle. Ce n’est pas le roi qui est à l’initiative mais des marchands, qui fondent des Compagnies à monopoles.
Compagnies à monopoles :
Une compagnie à monopole est une institution marchande qui obtient une charte du roi. Ce texte délimite un territoire conquis que la compagnie peut coloniser, énonce les personnes y exerçant l’autorité et répartit les bénéfices entre les marchands.
La première compagnie britannique est la Compagnie pour la Colonisation de la Virginie, fondée en 1606 sous le roi Jacques Ier. La ville de Jamestown (« la ville de Jacques ») est fondée et les colons cultivent notamment du tabac. En 1610, une seconde compagnie domiciliée à Plymouth en Angleterre a une dimension plus religieuse que marchande. Elle envoie 35 puritains à bord d’un bateau nommé le Mayflower.
Puritain :
Les puritains sont des protestants qui veulent porter la Réforme beaucoup plus loin que ce que propose l’Église d’Angleterre. Ils appliquent une version rigoureuse et intransigeante de la religion chrétienne.
L’épopée du Mayflower fait partie du roman national américain, qui met en avant la dimension religieuse des premiers habitants des États-Unis. Il s’agit d’une interprétation car la grande majorité des premiers colons anglais ont émigré pour raisons commerciales et non religieuses, surtout dans les États du sud.
Représentation du Mayflower sur une pièce de 50 centimes de dollars, 1920
Peu à peu, des colonies s’implantent dans le « Nouveau Monde ». La main-d’œuvre vient à manquer. Ainsi, les colons font venir des travailleurs forcés. À partir de 1660, on voit arriver les premiers esclaves noirs. Cependant, ils sont peu nombreux au XVIIe siècle.
C’est au cours du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle que les plantations fonctionnent grâce à l’apport en esclaves venus d’Afrique (« commerce triangulaire »).
Seuls les Britanniques possèdent des droits, issus des textes votés par le Parlement comme le Bill of Rights. Les natives et les Noirs en sont exclus.
De nos jours, aux États-Unis, le terme « Indien d’Amérique » est considéré comme insultant. On lui préfère le terme de « natives » (« natifs ») qui désigne les populations installées en Amérique avant l’arrivée des colons européens.
Ces premiers colons s’organisent en colonies constituées. Chaque colonie est en relation avec la Couronne britannique. Cependant, ces relations prennent différentes formes.
Différentes formes de colonies
Différentes formes de colonies
Il existe différentes formes de relations entre la métropole et les colonies américaines.
- Certaines sont des colonies royales, appartenant directement à la Couronne et dirigées par le monarque, qui peut y prélever de nombreuses taxes. C’est le cas de la Virginie. Généralement, elles sont organisées avec les mêmes institutions que celles présentes à Londres. Par exemple, on y trouve des tribunaux royaux et une paroisse de l’Église d’Angleterre.
- Cependant, les colonies anglaises ne s’établissent pas nécessairement à l’initiative du roi d’Angleterre. D’autres colonies s’organisent uniquement par le biais des colons et de la Compagnie qui les a envoyés sur place. Ces colonies se contentent de signer une charte avec le roi d’Angleterre. Pour cette raison, on les appelle généralement des colonies à charte. C’est le cas du Massachusetts, fondé par des puritains. Un gouverneur dirige la colonie sur des fondements religieux très stricts.
Salem - une ville de l'Amérique Angloise dans le Comté d'Essex (Massachusetts), Balth. Frederic Leizelt. Années 1770
- Enfin, certaines colonies sont octroyées par le roi à un homme de confiance. Ce sont les colonies à propriétaires. Le Maryland est un territoire colonisé au nom de Charles II en 1632. Après avoir créé cette colonie, il la confie à Cecil Calvert, pour accueillir des catholiques. La charte qui fixe les relations entre la Couronne et le Maryland donne à la famille Calvert des pouvoirs quasi souverains : élaborer les lois, lever les impôts, déclarer la guerre, etc.
Quel que soit le type de colonie, les colons jouissent sur place d’une certaine autonomie vis-à-vis du pouvoir royal. Cela est dû notamment au temps de trajet conséquent : il faut compter trois mois de voyage entre la métropole et ses territoires américains. Les colons s’organisent en assemblées locales. Cependant, les lois proclamées dans les colonies sont subordonnées aux lois votées par le Parlement à Londres.
Les relations entre le pouvoir à Londres et les colonies en Amérique sont marquées par une dépendance plus ou moins forte. Cependant, les décisions royales pèsent sur chacun par le biais des taxes et des règlements imposés aux Compagnies marchandes.
La Révolution américaine
La Révolution américaine
Idées et identité américaine à la fin du XVIIIe siècle
Idées et identité américaine à la fin du XVIIIe siècle
À la fin du XVIIIe siècle, les élites des colonies se sentent avant tout britanniques et n’ont pas d’intérêt particulier à voir les territoires américains se séparer de la métropole.
En revanche, ce n’est pas le cas des jeunes générations bourgeoises. On peut y voir les premiers pas d’une « identité américaine », distincte de l’identité britannique : une plus grande tolérance religieuse qu’en Europe, l’importance de la réussite individuelle ou encore les possibilités de mobilité sociale.
« Unifiez-vous ou mourrez », dessin de presse attribué à Benjamin Franklin durant la guerre de Sept Ans (1756-1763) puis réutilisé au moment de la Révolution américaine. Chaque portion du serpent est une colonie. Franklin cherche à inciter les colonies à s’unir contre la Couronne britannique, montrant ainsi qu’une identité commune existe.
Certaines villes se font l’écho des théories des Lumières, comme Philadelphie. On y trouve des clubs de discussion, comme la Société philosophique américaine fondée par Benjamin Franklin (participant à la rédaction de la déclaration d’indépendance des États-Unis et un des Pères fondateurs du pays). Les idées de John Locke (philosophe anglais) ont une influence certaine sur la Révolution américaine.
Le Siècle des Lumières correspond à un moment de grand développement intellectuel et culturel en Europe et aux États-Unis à la fin de l’époque moderne. Cette période est à l’origine de nouveaux questionnements politiques, scientifiques, sociaux ou encore religieux. Les Philosophes des Lumières ont notamment travaillé sur le sujet du pouvoir politique et de sa légitimité.
Ces idées qui traversent une partie de la population des colonies ont une influence directe sur le déclenchement de la Révolution américaine en 1776.
Le déclenchement de la Révolution américaine
Le déclenchement de la Révolution américaine
Les années 1760/1770 voient la montée de tensions entre la métropole britannique et ses colonies américaines.
- Des taxes britanniques trop élevées pour les colons
Tout d’abord, la Couronne est ruinée par la guerre de Sept Ans (1756-1763). Ce conflit majeur oppose les puissances européennes dans une guerre coûteuse. La Grande-Bretagne en sort victorieuse et s’impose comme une puissance mondiale dominante : elle contrôle désormais la plus grande partie de l’Amérique du Nord ainsi que les Indes. Cependant, les conséquences financières sont lourdes et vont peser en partie sur les colonies. Plusieurs lois sont votées par le Parlement :
- 1764 : le Sugar Act entérine les taxes sur le sucre et les mélasses (extrait de sucre) importées et y ajoute des taxes sur le bois et le fer.
- 1764 : le Currency Act interdit l’émission de billets de banque dans les colonies américaines. La Couronne se réserve donc le droit de frapper la monnaie.
- 1765 : le Stamp Act institue un timbre fiscal obligatoire pour obtenir des documents officiels.
- Le début des protestations et rébellions
Les colons décident de protester sous la forme de pétitions adressées à Londres. Elles réclament le droit pour les assemblées coloniales de décider des taxes ainsi que celui de se faire représenter au Parlement de Londres. Sous la pression, le Stamp Act est abrogé.
Cependant, d’autres taxes sont maintenues et la colère reste importante dans les colonies. En 1770, une manifestation à Boston est réprimée violemment. Les soldats britanniques tirent sur la foule, entrainant la mort de cinq personnes.
En 1773, le Parlement vote le Tea Act. Cette loi doit permettre à la Compagnie anglaise des Indes orientales de vendre du thé aux colonies américaines sans payer de taxe. Cela profite à la Compagnie mais ruine les marchands indépendants. Des colons organisent en protestation la Boston Tea Party, au cours de laquelle ils jettent des centaines de caisses de thé dans le port de Boston.
Gravure de 1789 représentant la Boston Tea Party, E. Newberry
- Les tensions s’aggravent entre la Couronne et les colonies
En réaction, la Couronne prend des mesures radicales : fermeture du port de Boston, réquisition de maisons pour loger des soldats, nomination d’officiers par le roi pour maintenir l’ordre. Ces lois sont appelées dans les colonies les « Intolerable Acts » (« lois intolérables »).
En réaction, en 1774, les Treize colonies choisissent des députés et forment le Congrès continental. Cette assemblée est une provocation pour la Couronne car il s’agit d’organiser les actions des colonies contre Londres. Peu à peu, le Congrès devient un instrument de gouvernement et les colonies se définissent alors comme des « États ».
En 1775, la guerre d’indépendance débute. Des Américains pillent les armureries et s’organisent en milices contre les soldats britanniques.
La guerre d’indépendance dure de 1775 à 1783. Elle aboutit à l’indépendance des Colonies américaines.
Vers l’Indépendance
Vers l’Indépendance
- La déclaration d’indépendance
En 1776, Thomas Paine publie un célèbre pamphlet, Le Sens commun, qui critique la monarchie et appelle à la séparation avec la Grande-Bretagne.
Peu à peu, les colonies américaines se dotent de textes constitutionnels fondés sur des principes démocratiques. La Constitution de Virginie est adoptée en 1776 et reconnait des droits de l’Homme. La même année, la Constitution de Pennsylvanie reconnait la tolérance religieuse.
Le 4 juillet 1776, le Congrès continental adopte la Déclaration d’Indépendance, rédigée notamment par Thomas Jefferson.
Aujourd’hui encore, le 4 juillet est la fête nationale des États-Unis, l’Independance Day (« Jour de l’Indépendance »).
Déclaration d'indépendance, par John Trumbull (1819) - La Commission des Cinq, chargée d’élaborer la Déclaration d’Indépendance, dépose une proposition du texte au Congrès Continental.
La Déclaration d’Indépendance est un texte fondamental qui prend en compte de nombreuses idées des Lumières. Ainsi, dans son préambule, elle proclame le droit à la liberté, à la vie et à la recherche du bonheur.
Néanmoins, les forces armées britanniques restent supérieures en nombre. Elles font reculer les armées américaines, menées par George Washington.
George Washington deviendra le premier président des États-Unis en 1789. Ses premiers successeurs sont John Adams puis Thomas Jefferson.
- La participation de la France à la guerre d’indépendance
En 1778, Benjamin Franklin obtient un traité d’alliance avec la France, qui espère ainsi contrarier la puissance de la Grande-Bretagne. En 1780, Louis XVI envoie des troupes menées par Rochambeau. L’aide militaire se double d’une aide financière et de cargaisons d’armes et d’équipements militaires. Le but pour la France est d’affaiblir la couronne anglaise.
Le 3 septembre 1783, le Traité de Paris est signé entre les Treize colonies américaines et la Grande-Bretagne. C’est la fin de la guerre d’indépendance. Les Treize États-Unis d’Amérique sont reconnus par la Couronne britannique.
Aujourd’hui, les États-Unis d’Amérique sont constitués de 50 États fédérés.
Conclusion :
Les relations entre les colonies américaines et leur métropole sont complexes et ont évolué selon le contexte économique et politique. L’essor de l’empire colonial britannique s’est appuyé sur une suprématie de la marine anglaise à partir du XVIIIe siècle. Bien que la Couronne ait largement profité de la prise de contrôle de ces territoires, l’initiative était souvent privée et à but commercial.
Peu à peu, les relations entre Londres et les colonies se sont tendues en raison d’une politique de taxes jugées excessive par les colons. Les idées des Lumières, parallèlement à l’émergence d’une certaine « identité américaine », ont également joué un rôle majeur dans les événements menant à l’Indépendance.