Les espaces productifs en recomposition
Introduction :
Les espaces productifs sont des espaces aménagés et mis en valeur par l’homme pour développer une activité économique. Ils peuvent être divisés en trois catégories principales : les espaces productifs agricoles, les espaces productifs industriels et les espaces destinés à la production de services. Le système productif est défini par le géographe Laurent Carroué comme l’ensemble des facteurs et des acteurs convergeant vers la production, la circulation et la consommation de richesses.
Dans ce cours, nous verrons en quoi les logiques et les dynamiques des espaces productifs évoluent et conduisent à la recomposition du système productif mondial.
Dans un premier temps, nous étudierons les logiques d’implantation des espaces productifs, puis, dans un second temps, leurs dynamiques. Enfin, nous nous pencherons sur les acteurs de la production de richesses.
Les logiques d’implantation des espaces productifs
Les logiques d’implantation des espaces productifs
Les anciennes logiques de localisation des espaces productifs
Les anciennes logiques de localisation des espaces productifs
Au XIXe siècle, la révolution industrielle, née en Europe, s’est progressivement étendue à l’ensemble des pays développés. Les espaces productifs industriels ont d’abord été localisés près des matières premières ou des sources d’énergie, comme le charbon ou les minerais de fer.
- Les régions minières de la Ruhr en Allemagne, du Pays de Galles au Royaume-Uni et des Grands Lacs ou des Appalaches aux États-Unis étaient les symboles de cette logique d’implantation.
Avec les progrès des transports, les industries se sont implantées près des villes et des marchés de consommation, de même que les activités agricoles.
Le XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle sont des périodes de fort exode rural dans les pays développés. Les villes gagnent de la population et deviennent des espaces de consommation pour les produits agricoles et industriels.
Les progrès techniques permettent de meilleurs rendements dans l’agriculture et des innovations dans les procédés de fabrication. Les industries s’implantent alors plus particulièrement dans les périphéries des agglomérations.
La nouvelle donne de la mondialisation
La nouvelle donne de la mondialisation
Avec la mondialisation, les entreprises se livrent depuis les années 1980 à une concurrence de plus en plus forte. Les logiques d’implantation des espaces productifs évoluent. La plupart des entreprises productives des pays développés ont délocalisé leur production vers des pays à main-d’œuvre bon marché (Asie et Amérique latine pour les États-Unis, Asie et Afrique du Nord ou Europe de l’Est pour l’Europe de l’Ouest).
Les logiques d’implantation sont principalement liées au coût de la main-d’œuvre, mais il existe d’autres avantages comparatifs : accessibilité, équipements (portuaires, aéroportuaires, routiers, ferroviaires), législation (fiscale, sociale, environnementale, etc.), niveau de qualification de la main-d’œuvre, sécurité, etc.
Avantage comparatif :
Avantage pour une entreprise ou un pays pouvant être de différentes natures (coût de la main-d’œuvre plus faible, accès à des matières premières, etc.) et qui lui amène une meilleure productivité dans un secteur d’activité particulier, lui donnant un intérêt à se spécialiser dans ce secteur.
Dans le contexte de la mondialisation, l’accessibilité des territoires est une priorité pour répondre aux nouvelles logiques de production, tels que les flux tendus (méthode qui vise à réduire et à optimiser les stocks de production) ou la NDIT.
Nouvelle division internationale du travail (NDIT) :
Spécialisation des pays émergents dans la fabrication des biens manufacturés et des pays développés dans l’industrie de pointe ainsi que dans les services. Cette nouvelle spécialisation provient notamment de l’industrialisation des pays émergents (en particulier la Chine).
L’importance des transports s’est donc accrue. Les territoires privilégiés sont ceux qui sont les mieux connectés à différentes échelles (locale, régionale, mondiale). L’accessibilité numérique est également primordiale, c’est pourquoi les pouvoirs publics et les opérateurs privés sont des acteurs spatiaux majeurs pour développer l’accès au numérique. Par ailleurs, les politiques d’aménagement menées par les États ou les entreprises favorisent l’accessibilité des espaces productifs.
Les dynamiques des espaces productifs
Les dynamiques des espaces productifs
De nouveaux enjeux pour les espaces productifs
De nouveaux enjeux pour les espaces productifs
- Les espaces productifs agricoles
Les espaces productifs agricoles ont leur dynamique propre : il s’agit de produire plus alors que la surface des terroirs agricoles diminue ou stagne. Aujourd’hui, les pays développés disposent de systèmes productifs agricoles performants avec de forts rendements et une productivité élevée.
- Aux États-Unis, par exemple, l’agrobusiness est dominé par des entreprises multinationales qui contrôlent souvent la production agricole et sa transformation dans les industries agro-alimentaires (IAA).
- Le Brésil est devenu un grand pays agricole exportateur ; on dit que c’est la « ferme du monde ».
- Dans les pays en développement coexistent une agriculture vivrière (destinée à l’autoconsommation) et une agriculture commerciale qui occupe de vastes surfaces et dont les productions sont exportées.
L’industrie joue toujours un rôle majeur dans l’organisation des territoires. Les espaces industriels ont connu de profondes mutations ces vingt dernières années. Auparavant concentrés à proximité des gisements de matières premières, puis des grandes villes ou dans des zones industrielles, ils sont aujourd’hui disséminés sur un territoire plus vaste.
- Les espaces productifs industriels
Les espaces productifs industriels peuvent se trouver dans des villes moyennes ou même en zone rurale, avec toutefois une concentration accrue sur les littoraux. Les ZIP (zones industrialo-portuaires) en Europe ou les ZES (zones économiques spéciales) en Asie en sont un exemple.
- En 1979, le dirigeant chinois Deng Xiaoping décide d’installer des ZES sur le littoral. Ces ZES ont été le point de départ de l’ouverture et du développement économique de la Chine.
Zone économique spéciale (ZES) :
Zone franche qui possède une réglementation économique spécifique, où les entreprises étrangères peuvent s’installer avec des conditions très avantageuses.
Leur localisation obéit le plus souvent aux règles de la NDIT : industrie textile en Asie du Sud, industrie aéronautique aux États-Unis et en Europe, industrie manufacturière en Chine, etc.
- Les espaces productifs liés aux services
Quant aux services, ils regroupent le commerce, les services aux entreprises, les banques, etc. Les espaces productifs liés aux services sont souvent localisés dans les métropoles et, plus particulièrement, dans les quartiers d’affaires.
Le tourisme est une autre activité du secteur des services : on compte plus de 1,4 milliard de touristes dans le monde en 2018. Les espaces touristiques sont divers et permettent :
- le tourisme balnéaire sur les grandes façades maritimes (Méditerranée, Pacifique, Caraïbes) ;
- le tourisme de montagne (ski dans les Alpes ou les Rocheuses, trek au Népal, etc.) ;
- le tourisme vert dans les campagnes.
- L’enjeu majeur pour l’activité touristique est le respect des sites et la protection de l’environnement.
Les territoires de l’innovation
Les territoires de l’innovation
Depuis les années 1970, les délocalisations en masse vers les pays à faibles coûts salariaux (Chine, Asie du Sud, Asie du Sud-Est, etc.) ont entraîné de profondes crises et d’importantes mutations du système productif des pays développés. Dans ces derniers sont apparus des territoires de l’innovation (sur le modèle de la Silicon Valley américaine) qui ont remplacé les espaces industriels anciens, parfois dans les mêmes locaux (réhabilités) ou dans des parcs d’activités verdoyants et modernes, en périphérie des villes.
Territoire de l’innovation :
Espace productif où se concentrent des lieux d’enseignement (universités, grandes écoles), des centres de recherche et des unités de production qui travaillent en synergie, dans le domaine des hautes technologies.
Dans ces nouveaux territoires industriels, les activités dominantes sont la recherche et le développement, l’innovation dans les technologies de pointe (communication, transport, chimie, biologie, etc.). Tout comme la Silicon Valley, certains de ces espaces sont devenus célèbres.
- C’est le cas de la Route 128 près de Boston (aux États-Unis) spécialisée dans l’intelligence artificielle ou de Bangalore en Inde, ville spécialisée dans l’élaboration et l’exportation des logiciels informatiques.
Les acteurs de la production de richesses
Les acteurs de la production de richesses
Les acteurs non étatiques
Les acteurs non étatiques
Les acteurs non étatiques contribuant à la production de richesses sont nombreux et leur poids est différent selon la nature des systèmes productifs et les types de pays. Ce sont :
- les entreprises multinationales ou de simples entreprises qui ne possèdent pas forcément de filiales à l’étranger ;
- les salariés ;
- les organisations syndicales ;
- les ONG (organisations non gouvernementales) ;
- les groupes altermondialistes (c’est-à-dire les associations de personnes qui s’opposent à la mondialisation et à ses méfaits).
Entreprise multinationale :
Entreprise présente dans de nombreux pays par l'intermédiaire de ses filiales.
Les entreprises multinationales sont les acteurs les plus puissants. Par leur poids économique, elles peuvent peser sur les localisations et le développement des espaces productifs.
Les employés jouent également un grand rôle dans la production de richesses car leur niveau de qualification, leur nombre et leur efficacité ont un impact sur la production.
Les organisations syndicales et les ONG jouent le rôle de garde-fou contre les excès de la mondialisation (salaires trop bas, grand nombre d’heures de travail, règles de sécurité non respectées) parfois présents dans les espaces productifs des pays émergents ou de certains pays en développement.
Les États
Les États
Les États, bien que parfois impuissants face aux enjeux de la mondialisation et aux entreprises multinationales, tiennent une place majeure dans le développement des espaces productifs dans le monde. Ils essaient de favoriser leur territoire, soumis à une concurrence mondiale.
- Pour attirer les entreprises, ils peuvent fournir des terrains, construire ou développer des équipements (routes, autoroutes, ports, etc.), revoir leur législation pour qu’elle soit plus avantageuse ou attractive.
Certains États établissent entre eux des accords bilatéraux pour favoriser les échanges. D’autres tentent de réduire les importations de produits étrangers en augmentant les droits de douanes, à l’image des différends entre la Chine et les États-Unis en 2018 et 2019.
Certains États vont plus loin en étant eux-mêmes acteurs et en possédant tout (ou une partie) de certaines entreprises jugées stratégiques comme Petrobras au Brésil ou China National Petroleum Corporation (CNPC) en Chine qui produisent du pétrole.
Conclusion :
Les logiques de localisation des espaces productifs évoluent. Avec la mondialisation, le système productif est bouleversé et les politiques d’aménagement ont changé : dorénavant, elles ont pour but de faciliter l’implantation des entreprises en favorisant l’accès aux espaces productifs.
Ces derniers doivent faire face à de nouveaux enjeux. Les territoires de l’innovation sont apparus dans les pays développés, comme une réponse au phénomène de délocalisation de masse.
Par ailleurs, plusieurs acteurs contribuent à la production de richesses dans le système productif, tels que les acteurs non étatiques ou les États, qui, avec la concurrence mondiale, tentent de mettre leur territoire en avant pour attirer les entreprises.