Le modèle démocratique en question : exemplarité et transparence
Introduction :
Les pays développés connaissent une importante crise de confiance dans leur modèle démocratique, notamment depuis la crise financière de 2008. C’est par exemple le cas au sein de l’Union européenne et des États-Unis. La démocratie est entachée par des scandales, des affaires politiques et des problèmes qui nuisent à son image et à son fonctionnement. L’incapacité de nos politiques à réinventer un modèle crédible met au jour une vraie crise démocratique sur laquelle il faut aujourd’hui s’interroger.
C’est la raison pour laquelle il faut questionner les valeurs démocratiques d’exemplarité et de transparence à travers la remise en cause des institutions.
Pour mener à bien notre raisonnement, nous analyserons d’abord comment se manifeste cette crise de confiance envers la démocratie, puis nous verrons en quoi l’exemplarité et la transparence sont des piliers de cette confiance et comment les pouvoirs publics tentent de les rétablir.
Exemplarité :
En politique, l’exemplarité désigne un idéal que doit atteindre le pouvoir, afin qu’il puisse inspirer positivement l’ensemble des citoyens.
Transparence :
Action selon laquelle le pouvoir politique donne librement accès aux informations dont il dispose afin de permettre à la population de comprendre en temps réel les enjeux d’une réforme ou d’une loi spécifique.
La transparence désigne également le fait, toujours pour le pouvoir politique, de montrer qu’il est digne de confiance par des moyens divers (notamment la déclaration auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique).
La crise de confiance de la démocratie
La crise de confiance de la démocratie
Quand l’exemplarité des représentants politiques pose question
Quand l’exemplarité des représentants politiques pose question
Le lobbying et la corruption sont deux reproches régulièrement formulés à l’encontre de notre système démocratique.
Lobbying :
Le lobbying est le fait de mener une campagne de pression ciblée sur des politiques afin d’obtenir gain de cause dans un projet politique.
Les lobbies sont des groupes de pression organisés autour de thèmes ou d’intérêts communs (transport, énergie, grande distribution, etc.). Ces groupes financent d’importantes campagnes de communication pour faire pression sur les politiques dont ils ont besoin afin d’avoir leur soutien lors d’un vote important les concernant.
Les actions des lobbies peuvent être légales (campagne de communication, participation à des réunions d’informations, etc.) ou bien tomber dans l’illégalité (corruption).
Ainsi, le lobbying exerce une influence plus ou moins importante sur le pouvoir politique. Cette relation du domaine politique avec la logique de profit des lobbies pose la question de l’indépendance des prises de décision.
Chaque année, lors du salon de l’agriculture, des journalistes, des politiques et des citoyens s’interrogent sur la présence de groupes de la grande distribution ou de la restauration rapide à la porte de Versailles. Ces groupes profitent de cet événement pour faire du lobbying.
On peut également penser, en 2018, à la démission de Nicolas Hulot du poste de ministre de la Transition écologique et solidaire, en raison de ses désaccords avec le gouvernement mais aussi de son sentiment d’impuissance face aux lobbies (chasse, agriculture).
Au lobbying s’ajoutent les affaires politiques, les scandales, qui ternissent le monde politique et qui remettent en question son exemplarité.
Depuis les années 1990, de nombreuses affaires ont touché des hommes et femmes politiques de tous les bords. On peut par exemple citer l’affaire Tapie pour corruption et détournement des fonds publics, l’affaire Tibéri concernant des électeurs « fantômes » à Paris, l’affaire Juppé pour abus de confiance et emploi fictifs, l’affaire Cahuzac pour fraude fiscale alors qu’il était ministre délégué au budget, affaire Thévenoud pour manquement à ses obligations de déclaration fiscale, etc.
- Ces affaires, notamment mises au jour grâce au travail de la presse, démontrent que les hommes et femmes politiques, qui demandent toujours plus d’efforts – financiers notamment – aux citoyens français, ne sont pas capables de s’appliquer cette astreinte à eux-mêmes. Sans compter qu’avec des procès souvent très longs, le sentiment d’une justice à deux vitesses (qui ne serait pas la même pour tout le monde) se développe.
Le lobbying et la corruption sont autant de maux qui esquissent une crise de confiance, c’est-à-dire une rupture entre la population et le pouvoir politique.
- Cela induit donc une crise de la représentativité : si les citoyens ne peuvent plus avoir confiance en leurs représentants, comment avoir confiance en la politique qu’ils mènent ?
Crise de la représentativité :
La crise de la représentativité désigne une perte de confiance dans les élus dont les citoyens se sentent éloignés. Ainsi, elle questionne la légitimité des représentants.
Un manque de transparence qui accentue la crise démocratique
Un manque de transparence qui accentue la crise démocratique
Avec la prolifération des réseaux sociaux et la multiplicité de l’offre d’informations (articles en ligne, chaînes d’informations en continue, etc.), la désinformation potentielle est un réel problème. Comment savoir à quels médias faire confiance lorsque certains véhiculent parfois des informations non vérifiées ?
Désinformation :
Acte qui consiste à transmettre au grand public une information non vérifiée, non sourcée ou bien, dans le pire des cas, une fausse information (fake news) dans le but de manipuler l’opinion avec une finalité politique.
La démocratie s’appuie sur la liberté d’information qui permet à l’ensemble des citoyens d’accéder aux sources nécessaires (information brute, la plus proche de la réalité possible) pour pouvoir se forger une opinion (attribution d’une valeur subjective à cette information) sur un élément précis.
Or, la circulation de fake news ou le traitement partiel de l’information peuvent nuire à la qualité du débat public.
Lors de la campagne du référendum sur le Brexit en 2016, des enquêtes poussées par des médias indépendants ont montré qu’une vaste campagne de désinformation avait été menée pour tenter d’influencer les électeurs britanniques, notamment afin qu’ils votent en faveur du Brexit.
Par ailleurs, avec l’arrivée de la télévision, la communication a pris toujours plus de place dans le monde politique.
En 1960, le premier débat télévisuel de l’histoire de l’élection présidentielle américaine opposa le républicain Richard Nixon au démocrate John Kennedy. Le second, plus jeune, davantage sûr de lui, creusa ce soir-là un avantage décisif avec son rival qui apparut nerveux et emprunté.
- L’arrivée d’Internet et des réseaux sociaux n’a fait qu’amplifier le développement de la communication politique, accentuant l’idée qu’une bonne armée de communicants vaut mieux qu’un programme travaillé.
La séduction (l’image) l’emporte alors sur la conviction (le fond), ce qui tend à mettre à mal la transparence censée caractériser la parole politique en démocratie.
Face à ces attaques envers la démocratie que sont la crise de confiance et le manque de transparence, il faut trouver de nouvelles armes pour y remédier.
Exemplarité et transparence : reconstruire ces piliers de la démocratie
Exemplarité et transparence : reconstruire ces piliers de la démocratie
L’exemplarité et la transparence comme piliers de la démocratie
L’exemplarité et la transparence comme piliers de la démocratie
L’exemplarité et la transparence sont deux notions qu’il est urgent de réintroduire dans la vie publique afin de se conformer à l’idéal démocratique.
Dans une démocratie, le pouvoir politique tire sa légitimité du peuple : le peuple est donc la base de tout pouvoir. Or, si le peuple ne se reconnaît pas dans ses représentants et qu’il ne cautionne pas leurs agissements, alors ces représentants perdent leur légitimité et le rouage démocratique est enrayé.
- Le pouvoir politique doit faire preuve d’exemplarité et de transparence afin de faire vivre un lien de confiance entre les citoyens et les représentants politiques, permettant ainsi une vie démocratique saine.
Face aux différents scandales qui ont agité le monde politique ces dernières années, les citoyens ont revendiqué plus d’exemplarité et de transparence, soit prise de parole directe (manifestations, interventions sur les réseaux sociaux, etc.) soit de façon moins directe (abstention croissante, désintérêt pour les questions politiques, etc.).
Face à la pression citoyenne et au constat d’une démocratie en danger, certaines mesures ont ainsi été prises pour rétablir le lien de confiance rompu.
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique est un organisme créé par la loi relative à la transparence de la vie publique du 11 octobre 2013, sous la présidence de François Hollande et dans le cadre du projet de moralisation de la vie politique.
- Cette autorité travaille en coopération avec l’administration fiscale, afin de vérifier les déclarations patrimoniales et les déclarations d’intérêt des responsables publics.
Elle peut également être consultée sur des questions de conflits d’intérêt et de déontologie.
En agissant de la sorte, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique oblige les responsables politiques à une plus grande transparence.
- Les résultats des déclarations étant publiques, les politiques se contraignent donc d’eux-mêmes à une plus grande exemplarité.
Ce fonctionnement tend à s’inspirer de ce qui se passe dans les pays scandinaves.
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique fut créée notamment pour répondre aux crises politiques que furent les affaires Cahuzac et Thévenoud. Tous deux membres du gouvernement sous François Hollande, ils furent, pour le premier, condamné pour fraude fiscale et, pour le second, épinglé pour n’avoir pas fourni de déclaration fiscale sur plusieurs années.
En 2017, le rôle de la Haute Autorité fut renforcé : on lui confia également l’investigation sur les cas éventuels d’emplois familiaux parmi les responsables politiques. Cette nouvelle prérogative lui fut attribuée suite au scandale de l’emploi présumé fictif de Pénélope Fillon comme attachée parlementaire auprès de son époux, François Fillon, qui était alors candidat à l’élection présidentielle de 2017.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
Plus connu sous son appellation courante CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel est fondé en 1989.
Sa mission est de garantir l’exercice de la communication audiovisuelle en France, en veillant notamment à protéger les mineurs, via une classification des programmes par tranche d’âge, en garantissant une certaine représentation de la diversité, en garantissant également une réelle pluralité des débats et un temps de parole plus justement réparti en période électorale, en attribuant des fréquences aux opérateurs (notamment lorsque de nouveaux canaux disponibles apparaissent sur la TNT – télévision numérique terrestre), ou encore en défendant et promouvant la langue et la culture françaises.
En fonction d’éventuels manquements constatés, notamment lors d’émissions de télévision ou de radio, le CSA peut être saisi ou s’auto-saisir afin de permettre une enquête approfondie. Le cas échéant, le CSA est même habilité à prendre des sanctions, sous forme d’amendes ou de restrictions des plages publicitaires par exemple.
Conscients d’une nécessaire exigence supplémentaire en termes de transparence, les politiques ont créé ou renforcé des organismes indépendants susceptibles de redonner confiance aux citoyens.
Conclusion :
De graves problèmes remettent en question la bonne santé de la démocratie, notamment le lobbying, les affaires politiques et la désinformation, qui entachent les impératifs d’exemplarité et de transparence du pouvoir politique, brisant ainsi le lien de confiance fondamental qui unit les citoyens à leurs élus.
Afin de réagir face à de tels fléaux, le pouvoir politique tente d’agir : la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et le renforcement des prérogatives du Conseil supérieur de l’audiovisuel vont dans ce sens.
Les institutions de la Ve République, dans leur forme actuelle, suscitent parfois des interrogations quant à leur conformité avec l’idéal démocratique. Les initiatives citoyennes se multiplient donc pour réclamer plus de démocratie.