Le bilan de la Seconde Guerre mondiale : le règlement du conflit et ses conséquences
Introduction :
Le 8 mai 1945, l’Allemagne capitule face aux Alliés. Hitler a dominé l’Europe entière pendant les six années de la guerre et son alliance avec le Japon impérial a propagé le feu et la destruction au-delà du continent. À l’image de la Grande Guerre (1914-1918), la Seconde Guerre mondiale a été un conflit d’une intensité inédite. Sa dimension mondiale a provoqué la mort de millions de personnes et laisse en 1945 un monde complètement traumatisé. Le bilan est lourd et ce dans tous les domaines. À la fin du conflit, le camp des Alliés, composé principalement du Royaume-Uni, des États-Unis et de l’Union Soviétique (qui a triomphé de l’Axe) tente d’éradiquer le nazisme pour reconstruire un monde sur de nouvelles bases.
Nous verrons dans ce cours comment les Alliés essaient d’éradiquer le passé nazi, qui a laissé un très lourd bilan humain et matériel, et quelles sont les problématiques liées aux jugements des criminels des régimes fascistes. Nous verrons ensuite comment les Alliés imaginent reconstruire le monde laissé en ruines par Hitler, en repartant de bases neuves.
Tourner la page du passé nazi
Tourner la page du passé nazi
La Seconde Guerre mondiale a laissé le monde dans un état de destruction et de désolation, et de l’Europe au Japon se pose la question du jugement des crimes qui ont eu lieu pendant le conflit.
Bilan matériel et humain
Bilan matériel et humain
Les six années de conflit s’achèvent avec un bilan humain particulièrement lourd. Les bombardements massifs, qui se sont accentués tout au long du conflit pour faire plier l’Axe, ont détruit des villes entières, comme Dresde, Berlin ou Tokyo.
La ville allemande de Dresde après les bombardements alliés, en 1945 - Bundesarchiv, Bild 183-Z0309-310 / G. Beyer / CC-BY-SA 3.0
De plus, suite aux bombardements atomiques, il ne reste plus rien des villes japonaises Hiroshima et Nagasaki. Partout dans le monde les infrastructures de mobilité (gares, chemins de fers, ponts, ports) ont été bombardées, empêchant tout retour à la normale. Les usines n’ont pas été épargnées par la guerre à outrance, notamment celles qui fabriquaient les produits alimentaires de base. Bombardées afin de faire plier l’ennemi, les difficultés des populations ont ainsi été amplifiées.
On estime que la Seconde Guerre mondiale a entraîné la mort de 60 à 80 millions d’êtres humains, provenant de tous les continents. Contrairement à la Première Guerre mondiale, qui avait tué avant tout les militaires des nations belligérantes, la Seconde Guerre mondiale a touché avant tout les populations civiles. On compte ainsi après le conflit près de 45 millions de morts chez les civils.
La politique de terre brulée et les exactions ont profondément marqué les populations européennes. Certaines nations ont été sacrifiées, des populations entières ont été exterminées.
L’Union soviétique, la nation la plus touchée avec à elle seule 26 millions de morts, a perdu plus de 16 % de sa population d’avant-guerre.
Pour les vivants, les conditions de vie d’après-guerre sont terribles. Des millions d’Européens se retrouvent sans domicile, sans vivres, vivant dans le plus grand dénuement. Les dégâts matériels et les pénuries accentuent les peines des populations désœuvrées : le charbon manque, les vivres sont rationnées et certains meurent de famine ou de froid après l’armistice. Cette situation de vie précaire s’ajoute aux malheurs des populations, traumatisées par l’expérience de la guerre mondiale.
Le bilan de l’Holocauste
Le bilan de l’Holocauste
Parmi les populations particulièrement meurtries et traumatisées par ce conflit figurent les populations visées par l’extermination de masse des nazis, liée à la politique raciste de Hitler. Les Tsiganes et les Juifs ont été visés par une politique de persécution et d’extermination systématique (la Solution finale) qui a duré jusqu’à la libération des camps.
Les prisonnières du camp de Bergen Belsen quittent l’enfer concentrationnaire à sa libération par les Alliés en avril 1945. ©No 5 Army Film & Photographic Unit, Oakes, H (Sgt)
À partir de la libération des premiers camps d’extermination, au début de 1945, les Alliés prennent conscience de l’ampleur de la fureur exterminatrice des nazis. Cette politique d’extermination est traumatisante pour les Juifs, qui appellent cet épisode Shoah ou Holocauste.
Avec 220 000 Tsiganes et 6 millions de Juifs assassinés dans les camps nazis, la politique d’extermination de Hitler a considérablement traumatisé les populations européennes.
Celles-ci tentent tant bien que mal de reprendre une vie normale pour tourner la page, sans pour autant être capable d’oublier le triste sort qu’elles ont eu à connaitre. Dans la plupart des pays touchés par les déportations nazies, les communautés juives ont été éradiquées et les populations restantes, qui ont perdu la plupart de leurs proches, n’ont souvent pas le courage de vivre auprès des populations qui ont contribué à leurs malheurs. Les Juifs d’Europe orientale et centrale, qui n’ont nulle part où aller, décident massivement de quitter leurs pays pour commencer une nouvelle vie. D’autres poursuivent leur désir de justice et vont tout faire pour que la politique raciale de Hitler soit reconnue comme un génocide.
Génocide :
Extermination organisée et systématique d’une population.
Le jugement des crimes de guerres
Le jugement des crimes de guerres
Au sortir de la guerre, les Alliés occupent et divisent l’Allemagne et sont décidés à juger les crimes du régime nazi et de ses alliés. En effet, on estime qu’il est nécessaire de déférer devant la justice et de condamner les responsables de cette guerre et de la politique d’extermination. De plus, on souhaite que les pays vaincus puissent tourner la page, se reconstruire sur des bases solides mais également saines. Si les projets diffèrent entre les Occidentaux et les Soviétiques, on s’accorde sur le fait qu’il faille purger l’Allemagne de l’influence nazie.
Organisés par les Alliés, le procès de Nuremberg (20 novembre 1945 – 1er octobre 1946) permet de faire le procès des anciens nazis, cherchant ainsi à comprendre le degré d’implication de chacun d’eux et leurs responsabilités dans la guerre et le génocide. Le chef d’accusation le plus grave ayant cours durant le procès de Nuremberg est le crime contre l’humanité, qui fait son entrée dans les termes de la juridiction internationale.
Crime contre l’humanité :
Acte criminel à l'encontre d'un groupe humain, violant gravement les droits de la personne.
Les docteurs nazis, jugés pour leurs crimes dans les camps de concentration au cours des procès de Nuremberg, le 20 aout 1947
Au Japon, on fait de même. Les procès de Tokyo (3 mai 1946 – 12 novembre 1948) permettent de juger les cadres de l’ancien régime, accusés d’avoir poussé fanatiquement le pays vers une guerre d’extermination. Il faut noter néanmoins que l’empereur du Japon Hirohito est préservé et reste sur le trône.
En Allemagne et au Japon, le devoir de justice se heurte à la volonté de ne pas accabler les pays pour ne pas compromettre leur futur. Le souvenir amer du traité de Versailles de 1919 pèse en effet sur les tribunaux spéciaux. On choisit de condamner principalement les responsables, en épargnant les exécutants, trop nombreux et indispensables à la reconstruction de l’après-guerre.
Ainsi certains cadres du régime passent au travers des mailles du filet, en particulier les scientifiques allemands, très prisés par les alliés, qui vont être mis à profit pour leurs compétences. C’est ainsi que Wernher Von Braun, créateur de la fusée V2, devient l’un des principaux cadres de la NASA.
Construire un monde nouveau
Construire un monde nouveau
En 1945, les belligérants souhaitent tourner la page de ce conflit meurtrier et rebâtir un monde nouveau, sur de nouvelles bases, afin d’éviter de recréer des tensions qui pourraient amener à une nouvelle guerre mondiale.
Reconstruire le monde
Reconstruire le monde
Devant l’ampleur des destructions occasionnées durant la Seconde Guerre mondiale, les Alliés comprennent l’urgence. Les économies sont exsangues et touchées par les pénuries. Pendant les dernières années de la décennie 1940, les populations européennes sont contraintes de s’approvisionner par le biais d’un système de rationnement. Il convient alors de remettre en place les systèmes productifs des pays les plus dévastés. Devant le manque de liquidité des États qui ont dépensé sans compter en équipement militaire durant le conflit, les Alliés organisent des plans de reconstruction.
Les États-Unis vont alors mettre en place le plan Marshall en 1947. Celui-ci doit proposer aux pays européens du matériel et des prêts préférentiels pour qu’ils puissent reconstruire leurs économies et infrastructures. Dans le cadre de ce plan, les États-Unis prêtent donc à 16 pays européens 16,5 milliards de dollars (l’équivalent de 173 milliards de dollars actuels).
Affiche vantant la politique de reconstruction américaine via le Plan Marshall
Au Japon, un plan de reconstruction (le plan Dodge) est également piloté par les Américains, soucieux de relancer l’économie nippone. L’URSS propose aussi des plans de reconstruction avec du matériel soviétique, qu’elle finit par imposer aux pays de l’Europe centrale et de l’Est. Pour gérer l’immédiate après-guerre, on voit dans chaque pays la mise en place de gouvernements d’union nationale, multipartites, qui sont censés gérer la transition post-nazie.
La généralisation de l’État providence, une promesse pour le monde
La généralisation de l’État providence, une promesse pour le monde
Dans la plupart des pays, la fin de la guerre et de l’occupation préfigurent une ère nouvelle, et les populations sont désireuses de bâtir un monde meilleur. Les partis qui s’étaient opposés au nazisme, les socialistes, les communistes et les sociaux-démocrates, forment des gouvernements de transition qui élaborent les bases de nouvelles sociétés.
En France le Conseil national de la Résistance (qui réunit les différentes tendances de l’opposition au nazisme), élabore le 15 mars 1944 un programme commun construit sur des mesures éminemment progressistes : reconnaissance d’un gouvernement français unique, retour à la démocratie, affirmation des valeurs républicaines, mesures économiques et sociales fortes qui font de l’État un acteur de l’économie.
En somme, c’est l’application de la vision keynésienne de la société, déjà expérimentée par les États-Unis depuis les années 1930.
Concrètement, ce programme instaure l’État providence : l’État doit jouer un rôle de régulateur au sein de la société, favoriser l’égalité entre tous par des mesures économiques et sociales. L’État nationalise des entreprises dans des secteurs structurels clés afin d’avoir les pleins pouvoir dans ses politiques économiques (en France, Renault est nationalisée en 1945). À ces mesures s’ajoute une politique sociale importante, par la mise en place d’une législation volontariste. Cette dernière concède de larges droits aux travailleurs, et confère des prestations sociales aux citoyens nécessiteux (invalides, familles nombreuses, retraités). Partout en Europe, l’État providence se met en place après-guerre. Il offre de nouvelles perspectives d’avenir pour ces générations d’Européens qui ont survécu à la Seconde Guerre mondiale. L’espoir retrouvé et la confiance en l’avenir sont symbolisés par le baby-boom qui démarre en 1945 : l’Europe et les États-Unis connaissent en effet une augmentation importante des naissances dans ces années de l’immédiate après-guerre, reflétant les désirs de croissance et de renouveau de ses populations.
Redéfinir de nouvelles frontières
Redéfinir de nouvelles frontières
Pour d’autres, la fin de la guerre n’est cependant en rien la fin des peines. En effet, certaines populations civiles doivent faire face à un nettoyage ethnique à la fin de la guerre.
Nettoyage ethnique :
Politique qui vise à chasser une population d’un territoire donné, par tous les moyens.
Accusées de collaboration par certains belligérants, elles sont chassées de leurs habitations et de certaines régions d’Europe. C’est le cas par exemple des Allemands de Prusse-Orientale, chassés par les Soviétiques qui s’approprient cette région baltique et la colonisent avec des populations russes. En Dalmatie, les populations italiennes sont massacrées par les partisans croates qui s’approprient leurs terres. Ces nettoyages ethniques, perpétrés à l’encontre des populations des pays de l’Axe, visent à redéfinir les frontières des États de l’après-guerre.
En 1945, il est nécessaire de redécouper l’Europe pour prendre en compte les réalités nationales sur place et permettre aux populations de tourner la page de l’occupation nazie. Toutefois, les Juifs d’Europe, qui ont été persécutés par les Nazis mais également par leurs collaborateurs ne souhaitent souvent pas retourner vivre aux côtés de leurs bourreaux. Si beaucoup émigrent en Europe Occidentale et aux États-Unis, d’autres rêvent de la création d’un pays pour eux, dans lequel ils seraient en sécurité, hors de portée de toute persécution.
La Palestine, pays dirigé depuis 1918 par les Britanniques, est depuis la fin du XIXe siècle une terre d’immigration pour les Juifs d’Europe qui fuient les persécutions. Nombreux sont les rescapés de la Shoah à gagner cette terre promise, qu’ils souhaitent donc transformer en État Juif. En 1948, les colons juifs de Palestine déclarent la naissance de l’État d’Israël, avec le consentement des Alliés, qui considèrent cet acte comme une forme de réparation aux juifs après les persécutions nazies.
État d’Israël :
État juif fondé en 1948 dans le territoire de la Palestine. Cet État a pour ambition d’être une terre d’asile pour les Juifs, leur permettant d’éviter les persécutions dont ils ont été victimes en Europe. Cet État n’est toutefois pas accepté par la population arabe, majoritaire en Palestine, qui va combattre la naissance et l’existence de cet État.
David Ben Gourion proclame la naissance de l’État d’Israël
Conclusion
La Seconde Guerre mondiale a bouleversé le monde et l’Europe en particulier. Ce conflit s’est acharné tout particulièrement sur les civils, par le biais de destructions matérielles mais également d’exactions. Le génocide hitlérien à l’égard des Juifs a considérablement traumatisé cette population qui cherche à bâtir un monde nouveau en Palestine. En Europe, les Alliés proposent la reconstruction de l’Europe sur de nouvelles bases, mais très vite leurs ambitions contradictoires s’opposent et provoquent un conflit d’un nouveau genre : la guerre froide.