Oh, les beaux jours !
Le théâtre de l’absurde
Le théâtre de l’absurde
- Après la Seconde Guerre mondiale, on assiste à une remise en question des valeurs et du concept de nature humaine.
- L’absurde illustre alors le désarroi de l’Homme face à un monde dont il ne comprend plus le sens.
- Sartre et Camus, par exemple, ont construit leur pensée sur l’expérience de l’absurde :
- Sartre révèle par ce biais son engagement politique ;
- et Camus prône la révolte personnelle.
- En 1942, Camus publie un essai intitulé Le Mythe de Sisyphe : le héros mythologique devient alors un symbole de l’Homme et de l’absurdité de sa condition terrestre.
- L’absurde naît de la confrontation d’un monde dépourvu de sens et du besoin de l’Homme d’en trouver un malgré tout.
- Au théâtre, deux nouveaux auteurs représentant cette avant-garde se font connaître du public entre 1950 et 1953 :
- Eugène Ionesco ;
- et Samuel Beckett.
- Ce dernier crée la pièce Oh, les beaux jours ! en 1961, dont la première représentation en Français aura lieu en septembre 1963.
- Le théâtre de Beckett opère une mutation considérable du genre et renouvelle la dramaturgie :
- par le type de personnages mis en scène ;
- par l’inexistence de l’intrigue ;
- par l’important travail sur les gestes et le langage.
- C’est ce renouvellement complet de l’écriture théâtrale qui a valu à cette forme nouvelle l’appellation d’« anti-théâtre ».
Les moyens dramaturgiques mis en œuvre dans Oh, les beaux jours !
Les moyens dramaturgiques mis en œuvre dans Oh, les beaux jours !
- Oh, les beaux jours ! est une pièce en deux actes pour deux personnages.
- Le décor est caractérisé par son extrême simplicité et son dénuement : un désert aride et un mamelon.
- Les accessoires des personnages appartiennent au quotidien le plus banal (brosse à dents, sac, etc.).
- Le seul accessoire insolite est le revolver nommé Brownie : il pourrait représenter la tentation de la mort durant toute la pièce mais l’univers absurde le vide de sa fonction.
- Winnie et Willie, les deux personnages, sont contraints à l’immobilité par le cadre et le décor :
- sur le côté, Willie est en grande partie caché du public par le mamelon qui ne laisse apercevoir que quelques éléments de son corps (chapeau, mains) ;
- Winnie est enterrée jusqu’à la poitrine dans le mamelon.
- Le mamelon devient ainsi une sorte de tumulus ou de tombeau dont l’évolution attendue est qu’il recouvre complètement le personnage.
- La pièce est dépourvue d’action au sens de développement progressif d’une intrigue.
- Rien ni personne ne vient perturber le quotidien de Winnie et Willie, la pièce n’est donc pas découpée en scènes.
- Les deux actes, ponctués d’une sonnerie stridente, suggèrent le passage du temps.
- L’action est remplacée par des gestes et des mouvements banals (faire sa prière, se laver les dents, lire le journal) qui servent en réalité à combler le vide de l’existence.
- Le dialogue est souvent réduit au commentaire des gestes accomplis.
- La pièce repose également sur un faux dialogue : le quasi-monologue de Winnie qui tantôt se parle à elle-même, tantôt parle à Willie (le plus souvent).
- Celui-ci ne lui répond que rarement, ou par monosyllabes.
- Paroles et jeu se complètent comme le révèlent les interruptions incessantes des propos de Winnie par des didascalies.
- La lecture de la pièce est de ce fait hachée et le double sens des mots confère un effet comique.
- Beckett évoque ici la mort avec humour et dérision.
La condition humaine selon Beckett
La condition humaine selon Beckett
- Winnie et Willie sont condamnés à la répétition incessante des mêmes gestes dérisoires.
- Winnie lutte pour se maintenir en vie, c’est-à-dire rester vivante : veiller à ce que le corps continue de fonctionner normalement.
- Le corps est donc rapidement réduit à ses fonctions premières, ce qui le renvoie à une certaine animalité.
- Willie illustre bien cette animalité : il rampe, marche à quatre pattes et est obsédé par le sexe.
- La pièce recèle aussi des allusions scatologiques, montrant une préoccupation des personnages pour le bas corporel et les matières fécales.
- Par ailleurs, Winnie et Willie sont côte à côte mais ils ne sont pas vraiment ensemble. La plupart du temps, Willie ne parle pas et n’écoute pas Winnie.
- La mort est le réconfort final, qu’il suffit d’attendre patiemment.
- Le titre résume à lui seul l’absurde de la vie des deux personnages, représentants de l’humanité tout entière.
- Cette peinture du désespoir n’est pourtant pas dénuée d’humour, voire de comique reposant notamment sur le déséquilibre entre l’inanité des choses et l’enthousiasme exprimé par Winnie à certains moments.