L'histoire de l'âge de la Terre
Introduction :
La notion du temps en géologie pose problème car son ordre de grandeur est sans rapport avec la vie humaine. En effet, le géologue travaille en millions ou milliards d’années, alors que notre espérance de vie avoisine « seulement » la centaine d’années.
L’âge de la Terre est une donnée qui est affinée au gré des progrès scientifiques ; aujourd’hui, on l’estime à 4,5 milliards d’années.
Dans un premier temps, nous nous intéresserons aux données historiques qui ont permis de déterminer cet âge, souvent très approximatif, de la Terre.
Puis nous nous intéressons aux données scientifiques modernes qui ont permis d’affiner les modèles anciens, portant ainsi notre attention sur la sédimentologie et sur les techniques de radiodatation.
La détermination de l’âge de la Terre : perspective historique
La détermination de l’âge de la Terre : perspective historique
De l’Antiquité à la Renaissance
De l’Antiquité à la Renaissance
Selon les philosophes de l’Antiquité, le temps est une grandeur infinie, car il leur était inconcevable d’imaginer une limite au temps.
Ainsi, pour Aristote (IVe siècle avant J.-C.), l’univers a toujours existé, il est donc sans âge.
Mais l’avènement des religions monothéistes a conduit à la mise en place du modèle « créationiste », basé sur des croyances et non sur des faits scientifiques. À la Renaissance (du XIVe siècle au XVIIe siècle), selon les récits bibliques et les données historiques, les astronomes et les historiens fixent l’âge de la Terre à 6 000 ans.
Toutefois, à partir du XVe siècle, ce calcul est remis en question : les géologues italiens estiment alors l’âge de la Terre à 36 000 ans. Pour arriver à ce résultat, ils ont étudié la formation des Alpes qui, selon eux, n’existaient pas il y a 36 000 ans.
Du XVIIIe siècle au XIXe siècle
Du XVIIIe siècle au XIXe siècle
Cette période correspond aux premières datations basées sur des faits scientifiques, contrairement aux précédentes qui s’appuyaient sur des modélisations.
Au XVIIIe siècle, l’astronome Edmond Halley étudie la teneur en sel des océans et des mers. Selon lui, ce sel est le résultat de l’érosion des continents.
Ainsi, en se basant sur la quantité d’eau salée et sur les débits des grands fleuves, il démontre que l’âge de la Terre est bien supérieur à 36 000 ans.
Halley ne donne cependant pas de chiffre plus précis, car il était alors difficile d’estimer précisément la masse totale de sel présent sur la Terre.
Toujours au XVIIIe siècle, le géologue James Hutton découvre des fossiles humains anciens, qui, de nouveau, remettent en cause la chronologie biblique des événements.
En effet il était inconcevable que ces empreintes rocheuses du passé ne puissent avoir que 6 000 ans, car la fossilisation est un phénomène bien plus lent.
Au XXe siècle
Au XXe siècle
Au début du XXe siècle, le physicien Kelvin (de son vrai nom Thomson) reprend les tests du savant français Buffon (biologiste, mathématicien et philosophe).
Vers 1790, Buffon supposa que la Terre avait été une boule de feu qui, peu à peu, s’était refroidie pour donner le globe actuel. Il utilisa alors une méthode expérimentale pour tenter de déterminer l’âge de la Terre. Il porta ainsi à incandescence des boulets de canons de toutes tailles et de divers matériaux, et mesura leur temps de refroidissement. Il en tira une loi qui reliait le temps de refroidissement de la boule à sa taille (plus le boulet chauffé est volumineux, plus son refroidissement est lent) et qui lui permit de conclure à un âge d’environ 10 millions d’années, bien qu’officiellement il annonçât un âge de 75 000 ans seulement.
Kelvin repart du travail de Buffon : la Terre primitive devait être un amas de roches fondues qui s’est refroidi au cours du temps, comme les sphères du modèle initial.
Grâce aux données des géologues, notamment la connaissance du gradient géothermique, Kelvin a estimé l’âge de la Terre entre 20 et 200 millions d’années.
Gradient géothermique :
Le gradient géothermique désigne l’augmentation de la température du sous-sol en fonction de la distance à la surface.
Quelques années plus tard, l’ingénieur-mathématicien John Perry réalise les mêmes expériences de refroidissement, mais il arrive à un âge de plusieurs milliards d’années.
Pour lui, la croûte terrestre (enveloppe rigide) était plus épaisse que l’hypothèse de Kelvin, donc le gradient géothermique devait être réévalué.
L’estimation de l’âge de la terre a donc évolué au gré des croyances et des connaissances scientifiques.
À l’approche du XXIe siècle, il était convenu que cet âge était supérieur à un milliard d’années.
Techniques modernes de datation
Techniques modernes de datation
Grâce aux techniques modernes de datation, l’estimation de l’âge de la Terre a été affinée.
Parmi ces techniques, l’étude des sédiments et la radiodatation ont permis des avancées significatives.
Étude des empilements sédimentaires
Étude des empilements sédimentaires
Les sédiments sont des particules en suspension dans l'eau, l'atmosphère ou la glace. Avec le temps, grâce à la gravité, ces sédiments se déposent en formant des couches successives, qui vont être transformées en roches (exemple : le calcaire).
Les couches les plus récentes seront proches de la surface. En creusant, il est donc possible de « lire » l’histoire de la Terre dans ces empilements de roches.
Pour dater la Terre grâce aux roches sédimentaires, les scientifiques ont mesuré les empilements les plus épais sur les continents plus anciens (en Sibérie et en Australie notamment).
Connaissant la vitesse de sédimentation des particules, ils ont déduit de cette épaisseur un âge.
Ainsi, vers les années 1950, un intervalle de 2 à 10 milliards d’années a été proposé.
Cette incertitude importante s’explique par l’approche basée sur une extrapolation mathématique : les scientifiques partaient notamment du principe que l’empilement se faisait à vitesse constante, ce qui n’est pas possible dans la réalité.
Grâce à la sédimentologie (l’étude des roches sédimentaires), un intervalle de temps plus réduit a pu être proposé, mais cet intervalle restait relativement grand.
Étude par radiodatation
Étude par radiodatation
- Approche théorique
Tous les atomes de notre environnement présentent des isotopes radioactifs.
Les istopes sont des atomes qui ont, dans leur noyau, le même nombre de protons mais un nombre différent de neutrons.
Un isotope est dit radioactif lorsque les neutrons supplémentaires rendent le noyau instable.
Par exemple, l’hydrogène a trois isotopes : l’hydrogène lui-même, le deuterium et le tritium.
Tout trois ont dans leur noyau un proton puis respectivement, pas de neutron (hydrogène) un neutron (deuterium) et deux neutrons (tritium).
Seul le tritium est instable et radioactif.
Les isotopes radioactifs sont aussi appelés radioéléments.
Dans la nature, les isotopes radioactifs se désintègrent spontanément.
Légende
La désintégration produit donc les « éléments fils » à partir d’« éléments pères » et s’accompagne d’émission d’énergie sous la forme de rayonnement, que l’on pourra mesurer.
Cette désintégration se déroule à une vitesse connue, en suivant une courbe exponentielle.
À chaque période, la quantité de radioactivité est divisée par deux : les « éléments pères » sont transformés en « éléments fils ».
En connaissant, cette vitesse de désintégration et la quantité de radioactivité résiduelle présente dans une roche, on peut déduire le moment où elle s’est formée, car c’est à cet instant que la radioactivité devait être maximale.
- Résultats des mesures
Complétant l’approche sédimentologique, les roches les plus anciennes ont ainsi aussi pu être datées.
Toutes les mesures réalisées n’ont pas permis d’identifier une roche âgée de plus de 4,57 milliards d’années.
Conclusion :
Les progrès scientifiques ont donc permis de déterminer très précisément l’âge de la Terre.
Au gré des découvertes, cette valeur est affinée, et la marge d’incertitude se situe à moins de 1 %.
L’étude historique de l’âge de la Terre est un exemple qui démontre que les croyances et les certitudes peuvent constamment être remises en question : cette remise en question est partie intégrante de la démarche scientifique, inhérente aux sciences de la vie et de la Terre.