Des espaces ruraux convoités
Introduction :
À l’échelle mondiale, on observe un recul des zones rurales, notamment du fait de l’urbanisation.
Afin de comprendre les problématiques auxquelles sont confrontés les espaces ruraux, nous étudierons tout d’abord l’enjeu foncier de ces territoires, puis leurs nouvelles fonctions, à la fois résidentielles et récréatives. Enfin, nous nous intéresserons aux conflits d’usage et d’aménagement qui apparaissent au sein de ces espaces.
Un enjeu majeur : le foncier
Un enjeu majeur : le foncier
L’espace rural, un espace réserve
L’espace rural, un espace réserve
En 2018, les espaces ruraux représentent 111,8 millions de km2, soit 75 % des terres émergées de la planète, selon les données de la Banque mondiale.
Du fait de l’urbanisation, les espaces ruraux sont de moins en moins nombreux.
Parallèlement, on observe un enfrichement (retour progressif à l’état de friche) croissant de certains espaces ruraux en déprise.
L’usage et le statut de la terre peuvent changer : en France, 2 millions d’hectares de terres agricoles ont disparu en 30 ans au profit de l’urbanisation et des résidences secondaires. On parle d’artificialisation des sols. Celle-ci est notamment liée à la périurbanisation et au développement de zones commerciales dont la surface au sol est importante.
Artificialisation du sol :
Transformation d’un sol à caractère naturel ou agricole par des actions d'aménagement, pouvant entraîner son imperméabilisation partielle ou totale.
La pression sur le foncier est croissante dans les espaces périurbains, entraînant parfois la spéculation.
Les conséquences environnementales de l’artificialisation des sols sont, par ailleurs, de plus en plus pointées du doigt.
L’accaparement des terres agricoles
L’accaparement des terres agricoles
Les terres agricoles sont également très convoitées. On constate, à toutes les échelles, un processus d’accaparement des terres.
Accaparement des terres :
Achat de très grands domaines agricoles au détriment des petits producteurs.
La pression foncière sur les espaces agricoles est donc forte.
Cette pression progresse dans certaines zones du monde (Inde, Chine, Andes, Afrique subsaharienne) en raison de la croissance démographique, du boom de certaines cultures commerciales et de la concentration des terres dans de grandes exploitations appelées latifundia.
Latifundium :
Le latifundium (latifundia au pluriel) désigne un très vaste domaine agricole où l'on pratique une culture extensive, notamment dans les grandes puissances agricoles traditionnelles ou émergentes.
Au Brésil, les propriétés agricoles de plus de 1 000 hectares occupent ainsi 43 % de la surface agricole utilisée et sont majoritairement dédiées à des cultures d’exportation (soja, bœuf).
À l’échelle mondiale, des États ou des entreprises privées achètent des terres agricoles afin d’assurer leur sécurité alimentaire à venir ou d’en tirer profit dans le cadre d’agricultures commerciales. On parle alors de land grabbing.
Land grabbing :
Processus d’achat de terres par des organismes privés ou publics, étrangers ou nationaux, dans l’optique de développer des cultures commerciales alimentaires ou destinées aux agrocarburants (colza, palmiers à huile, etc.).
De très nombreux territoires africains et asiatiques sont concernés. Ainsi, les deux tiers des terres accaparées dans les années 2000 se situent en Afrique subsaharienne.
- Garantir un accès sécurisé à la terre pour les petits producteurs constitue donc un enjeu majeur à l’échelle planétaire.
Nouveaux usages, nouveaux enjeux
Nouveaux usages, nouveaux enjeux
Les logiques associées aux fonctions résidentielles et récréatives
Les logiques associées aux fonctions résidentielles et récréatives
Les fonctions résidentielles et récréatives des espaces ruraux reposent sur des logiques spécifiques. En effet, les nouveaux arrivants ou les visiteurs recherchent avant tout un cadre de vie de qualité, associé aux valeurs positives de la campagne et du retour à la nature. Cet idéal ne correspond pas forcément aux logiques productives, notamment agricoles.
L’enjeu environnemental est ainsi au cœur des préoccupations des nouveaux usagers de l’espace rural. On constate un souci permanent, dans les pays développés ou les PED, de réduire au maximum les nuisances, de préserver les paysages et la qualité de l’environnement.
Les agriculteurs, parfois décriés en raison de leurs pratiques intensives, sont investis d’une nouvelle mission de « jardiniers du paysage ».
On constate enfin, au cœur des espaces ruraux périurbains et touristiques les plus attractifs, un processus de gentrification rurale.
Gentrification rurale :
Installation de populations aisées dans les espaces ruraux, attirées par un foncier moins coûteux et un style de vie différent. Elles présentent un niveau économique, culturel et social supérieur aux populations installées précédemment.
Une part croissante de la population dispose de revenus élevés et encourage certaines formes de patrimonialisation en réhabilitant notamment d’anciennes fermes, ce qui soutient les prix de l’immobilier à la hausse, et en militant activement pour la protection des paysages et de la nature.
L’enjeu de la connectivité
L’enjeu de la connectivité
L’attractivité des espaces ruraux est notamment liée à leur accessibilité et donc à leur degré de connexion avec les espaces urbains. Leur capacité à être bien reliés permet aux nouveaux résidents d’effectuer les mobilités associées à leur nouveau choix de vie.
Se dessine alors une hiérarchisation des espaces ruraux en fonction de leur degré de connectivité. On distingue ainsi les campagnes des villes, les espaces ruraux moins denses mais bien connectés et les espaces en déprise en raison de leur isolement et de leur enclavement.
- En effet, habiter les territoires ruraux nécessite l’utilisation de la voiture afin de rallier des terminaux multimodaux pour se rendre en ville.
L’enjeu est également environnemental pour éviter les embouteillages et la pollution atmosphérique.
Les aménagements en termes de transport, de multimodalité et de mobilités sont des enjeux majeurs pour les territoires ruraux.
Aux échelles nationale et régionale, la concurrence est également rude entre les territoires ruraux afin de bénéficier des aménagements en termes de réseau de télécommunication, notamment en ce qui concerne la couverture numérique.
Tensions et conflits dans les espaces ruraux
Tensions et conflits dans les espaces ruraux
Des conflits d’usage
Des conflits d’usage
La multifonctionnalité croissante des espaces ruraux accroît le nombre d’usagers, qui ont des logiques et des besoins divers, parfois concurrents. Se développent donc, au sein des espaces ruraux, des conflits d’usage. Ceux-ci mettent en jeu des acteurs dont les objectifs divergent et posent la question des instances de négociation et de régulation de ces conflits.
Les conflits d’usage peuvent avoir comme origine l’utilisation des ressources (sol, eau, paysage, etc.) ou des pratiques (épandage de pesticides, usages touristiques, etc.). L’eau est une ressource très convoitée dans nombre d’espaces ruraux, comme en Californie ou en Espagne, où les usages agricoles, récréatifs et domestiques de l’eau sont souvent en concurrence, notamment lors de sécheresses successives.
Enfin, la création d’aires et de parcs protégés peut également provoquer des tensions entre la population autochtone et les nouveaux usagers, comme au Népal dans le cadre de l’exploitation touristique de l’Himalaya.
Des conflits d’aménagement
Des conflits d’aménagement
Les espaces ruraux connaissent un deuxième type de tensions, appelé conflit d’aménagement.
Ici, le projet ou la réalisation d’un équipement sont contestés pour différents motifs : l’usage ou l’imperméabilisation du sol, les nuisances environnementales, les déplacements de population entraînés, etc.
Ces conflits mettent en jeu de nombreux acteurs, notamment les pouvoirs publics. Ils ont des conséquences à différentes échelles, comme on peut le remarquer avec le barrage de la Renaissance sur le Nil en Éthiopie ou le projet du GAP en Turquie.
Dans les deux cas, les retenues d’eau ont des conséquences à l’échelle locale sur la submersion de certains sites, mais également en aval sur une disponibilité en eau moindre. Enfin, certains conflits d’aménagement relèvent d’une logique appelée NIMBY : les riverains refusent tel ou tel aménagement à proximité de chez eux en raison des nuisances possibles.
NIMBY :
Littéralement « not in my backyard » (« pas dans mon jardin ») ; se dit de mouvements associatifs de riverains qui protestent contre des installations au nom des nuisances qu'elles produisent dans le présent ou dans le futur.
On voit en France de nouveaux termes apparaître comme celui des ZAD, tel Notre-Dame-des-Landes à proximité de Nantes et son projet d’aéroport abandonné par l’État en janvier 2018.
ZAD :
À l’origine, zone d’aménagement différé pour la législation française ; aujourd’hui, acronyme détourné en zone à défendre, slogan utilisé par des militants qui s'opposent à la réalisation de projets considérés comme inutiles, dangereux, coûteux, nuisibles à l’environnement.
Conclusion :
L’espace rural est touché par diverses problématiques, à commencer par la périurbanisation croissante. L’artificialisation des sols transforme le territoire. Les terres agricoles subissent aussi la pression du foncier et sont accaparées par des États ou des entreprises privées.
L’idéal des citadins en quête de calme et de nature entre en conflit avec les logiques productives de ces espaces, confrontés à de nouvelles fonctions résidentielles et récréatives. L’accessibilité permet de hiérarchiser ces territoires entre eux.
Les choix d’aménagement et l’usage des espaces ruraux sont source de conflit. Sont notamment discutées l’utilisation qui est faite des ressources et les pratiques mises en place.