Cohésion de la matière
Introduction :
La matière dont nous et tout ce qui nous entoure sommes faits est constituée d’atomes. Chacun de ces atomes contient un noyau et des électrons, l’espace entre ces particules étant vide.
Malgré tout ce vide, il n’est pas possible de passer à travers un mur solide et, quand on appuie sur un fluide, celui-ci résiste.
Ceci est dû à l’interaction électrostatique qui permet la cohésion de la matière.
Des interactions de même nature permettent à certains de défier la gravité, comme les geckos, les insectes, ou un célèbre homme-araignée de bande dessinée : Spider-Man.
Ce cours vise à présenter les interactions, d’origine électrostatique, qui assurent la cohésion des solides ioniques (liaison ionique), ainsi que des fluides et solides moléculaires (liaisons hydrogène et de van der Waals).
Cristal ionique
Cristal ionique
Considérons l’exemple du chlorure de sodium, de formule chimique $\text{NaCl}$.
- Il s’agit du principal constituant du sel de table, obtenu par évaporation de l’eau de mer.
Composition
Composition
Le chlorure de sodium solide n’est pas formé de molécules. La formule chimique $\text{NaCl}$ rend seulement compte des proportions des deux espèces.
- Les composants sont des cations métalliques (dans notre exemple : le sodium) et des anions non métalliques (dans notre exemple : le chlore).
En effet, les atomes d’un cristal ionique ne partagent pas leurs électrons de valence comme les atomes d’une molécule, mais cèdent ou captent un ou plusieurs électrons.
Cristal de chlorure de sodium
Liaison ionique par échange d’électron
Cristal ionique :
Un cristal ionique est formé de la combinaison de cations métalliques et d’anions non métalliques. Chacun cède ou capte des électrons de sorte que sa couche externe est complète.
Cohésion du cristal ionique
Cohésion du cristal ionique
La cohésion du cristal ionique est assurée par une force attractive. Chaque ion est en interaction avec tous ceux qui l’entourent.
- Comparons les deux forces attractives pouvant s’exercer entre ions de charges opposées, par exemple un ion sodium et un ion chlorure.
- $u$ est l’unité de masse atomique : $u\approx 1,67\times 10^{-27}$.
- $e$ est la charge élémentaire : $e\approx 1,6\times 10^{-19}\ \text{C}$.
- $G$ est la constante universelle de gravitation : $G\approx 6,67\times 10^{-11}\ \text{N} \cdot \text{m}^2 \cdot \text{kg}^{-2}$.
- $k$ est la constante de Coulomb : $k\approx 9\times 10^9\ \text{N} \cdot \text{m}^2 \cdot \text{C}^{-2}$.
- Dans le cristal, la distance séparant deux ions vaut $d=56,4\ \text{nm}$.
- Les masses de ces deux ions valent :
$$\begin{aligned} m(\text{Na}) &= A(\text{Na}) \times u \\ &\approx 23 \times 1,67 \times 10^{-27}\ \text{kg} \\ \\ m(\text{Cl}) &= A(\text{Cl}) \times u \\ &\approx 35 \times 1,67 \times 10^{-27}\ \text{kg} \end{aligned}$$
- D’où la force gravitationnelle :
$$\begin{aligned} F_\text{g} &= \dfrac{G\times m(\text{Na}) \times m(\text{Cl})}{d^2} \\ &\approx \dfrac{6,67 \times 23 \times 35 \times 1,67^{2} \times 10^{-49}}{5,64^{2}} \\ &\approx 4,71 \times 10^{-47}\ \text{N} \end{aligned}$$
- Chaque ion porte une charge élémentaire, d’où la force électrostatique :
$$\begin{aligned} F_\text{e} &= \dfrac{k\times e^2}{d^2} \\ &\approx \dfrac{9 \times 1,6^2 \times 10^{-13}}{5,64^2} \\ &\approx 7,24 \times 10^{-14}\ \text{N} \end{aligned}$$
L’attraction gravitationnelle est négligeable devant l’interaction électrostatique.
- Cette dernière assure donc la cohésion du cristal ionique.
La liaison ionique consiste en l’attraction électrostatique entre cations et anions. Cette liaison est généralement moins forte que la liaison covalente et caractérisée par une distance interatomique plus importante.
Dissolution d’un cristal ionique
Dissolution d’un cristal ionique
La dissolution du cristal ionique dans l’eau libère des cations et des anions. Dans l’équation-bilan, un indice $(\text{s})$ indique l’espèce solide, et un indice $(\text{aq})$ indique les espèces en solution aqueuse.
Par exemple, le chlorure de sodium se dissout selon la réaction suivante :
$$\text{NaCl}_{(\text{s})} \to \text{Na}^{+}_{(\text{aq})} + \text{Cl}^{-}_{(\text{aq})}$$
La concentration en ions de la solution obtenue peut être déduite de la masse de solide ionique dissoute et de sa formule chimique.
Considérons la dissolution d’une masse $m=5\ \text{g}$ de chlorure de sodium dans un volume $V=0,5\ \text{L}$ d’eau.
La masse de sodium contenue dans l’échantillon dissous vaut :
$$\begin{aligned} m_1&= \dfrac{m \times M(\text{Na})}{M(\text{Na}) + M(\text{Cl}) } \\ &= \dfrac{ 5 \times 23}{23 + 35} \\ &\approx 1,98\ \text{g} \end{aligned}$$
La concentration molaire en sodium de la solution vaut donc :
$$\begin{aligned} [\text{Na}^+] &= \dfrac{m_1}{M(\text{Na}) \times V} \\ &= \dfrac{m}{V\times \big(M(\text{Na}) + M(\text{Cl})\big)} \\ &= \dfrac{5}{0,5 \times (23 + 35)} \\ &\approx 0,17\ \text{mol}\cdot \text{L}^{-1} \end{aligned}$$
La quantité de cristal ionique qu’on peut dissoudre dans l’eau est limitée.
Matériaux moléculaires
Matériaux moléculaires
Considérons deux autres exemples : l’eau et le diiode.
- Ceux-ci sont formés de molécules, il ne s’agit donc pas de cristaux ioniques.
Partage des électrons de valence
Partage des électrons de valence
La cohésion de chaque molécule d’eau ou de diiode est assurée par des liaisons covalentes.
- Celles-ci consistent dans le partage, entre les atomes, d’électrons de leur couche de valence.
Comme on le verra dans les chapitres suivants, les électrons ainsi partagés sont parfois déplacés vers un des atomes. En particulier, les atomes d’oxygène, azote et fluor sont les plus susceptibles d’attirer vers eux les électrons de valence.
- Il existe alors une charge apparente positive et une charge apparente négative, de manière permanente : il s’agit d’un dipôle.
Dipôle :
Un dipôle est l’association d’une charge positive et d’une charge négative, exactement opposées, et séparées par une faible distance.
Pont hydrogène
Pont hydrogène
Prenons l’exemple de la molécule d’eau :
- les électrons des liaisons $\text{O}-\text{H}$ sont décalés vers l’atome d’oxygène, ce qui laisse les atomes d’hydrogène en déficit d’électrons, donc ils apparaissent chargés positivement ;
- l’atome d’oxygène attire à lui les électrons partagés et possède deux doublets non liants, donc il apparaît chargé négativement.
Liaison hydrogène :
Une liaison hydrogène est l’attraction électrostatique entre un atome d’hydrogène et les doublets d’électrons non liants d’un autre atome. Elle peut être intra ou intermoléculaire et est moins intense que la liaison covalente ou la liaison ionique.
L’intensité et la longueur de la liaison hydrogène dépendent des charges en présence, et donc de l’espèce chimique considérée.
- Dans la glace d’eau, les molécules liées par ponts hydrogène sont distantes de $0,25\ \text{nm}$ environ.
- La liaison hydrogène intervient aussi dans des molécules organiques, par exemple entre les bases complémentaires situés sur les deux brins de la molécule d’ADN.
Liaisons hydrogène entre deux bases complémentaires de la molécule d’ADN
Structure en double hélice de l’ADN et présence des ponts hydrogène
La faible intensité de la liaison hydrogène, comparée à la liaison covalente, permet aux molécules de matériaux moléculaires de se déplacer les unes par rapport aux autres tout en étant liées, en phase liquide.
- Elle assure aussi une certaine flexibilité aux molécules organiques volumineuses.
La cohésion d’un milieu est d’autant meilleure que ses liaisons intermoléculaires sont intenses. Il faut donc d’autant plus d’énergie aux molécules pour se libérer de cette interaction.
- Ceci se traduit par des températures de fusion et de vaporisation plus élevées.
Interaction de van der Waals
Interaction de van der Waals
Considérons maintenant l’exemple du diiode.
- Celui-ci est constitué de molécules symétriques et ne contient pas d’hydrogène.
Les mouvements des électrons de valence créent, à chaque instant, des charges partielles positive et négative dans chaque molécule : ce sont des dipôles instantanés.
La présence de charges partielles dans une molécule favorise l’apparition de charges partielles dans les molécules voisines : ce sont des dipôles induits.
- La résultante des interactions électrostatiques entre toutes ces charges partielles individuelles aboutit à une interaction attractive.
Interaction de van der Waals :
L’interaction de van der Waals assure la cohésion de matériaux moléculaires ne contenant pas d’hydrogène. Elle résulte des interactions électrostatiques entre dipôles permanents ou instantanés. Les liaisons dues à cette interaction sont moins fortes que les ponts hydrogène.
L’interaction de van der Waals est effective entre des molécules espacées au plus de $100\ \text{nm}$ environ. Ainsi, elle peut s’exercer entre les surfaces de deux objets si les surfaces en contact sont suffisamment proches.
Par exemple, les pattes du gecko sont couvertes de spatules nanométriques qui approchent la surface de son support à une distance inférieure à la portée de l’interaction de van der Waals, lui permettant d’escalader les murs en défiant la gravité.
- Des matières inspirées des pattes du gecko sont en cours de développement, qui permettraient aux humains d’escalader des parois lisses à la manière de Spider-Man.
Conclusion :
La cohésion de la matière, solide ou liquide, est assurée par l’interaction électrostatique.
La liaison ionique est l’attraction entre cations métalliques et anions non métalliques d’un cristal ionique. Ceux-ci cèdent ou captent un ou plusieurs électrons de sorte à présenter une couche externe complète.
Le pont hydrogène et l’interaction de van der Waals assurent la cohésion de matériaux moléculaires. Elles consistent en l’attraction entre des charges apparentes opposées dues à la polarisation permanente ou instantanée des liaisons covalentes.
Les ponts hydrogène, intra ou intermoléculaires, apparaissent entre les atomes d’hydrogène et les doublets non liants d’autres atomes.
Les interactions de van der Waals apparaissent entre dipôles permanents ou instantanés de molécules ne contenant pas d’hydrogène.