« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé » : le sentiment romantique
Lamartine et le sujet romantique
Lamartine et le sujet romantique
- Le romantisme est un mouvement culturel apparu dès la fin du XVIIIe siècle, en Allemagne (Novalis, Schlegel, Goethe), en Angleterre (Thomas Gray, Byron) et qui s’est diffusé en Europe au XIXe siècle, particulièrement en France avec Chateaubriand, Lamartine et Hugo.
- Le romantisme se développe en réaction à la science et à la raison et exalte ce qui peut relever de l’irrationnel humain : la mort, la folie, la souffrance, la maladie ressentie par le sujet (comme la mélancolie), les passions exacerbées, mais aussi, le rêve, le fantastique et les mystères de l’humain. Ces évocations s’accompagnent parfois de curiosité pour l’exotique.
- Lamartine a notamment exploité le sentiment romantique de la douleur liée au temps qui passe ou au sentiment amoureux. L’amour est en effet ambigu chez les romantiques car il est à la fois source d’exaltation et d’expansion de l’âme, et porteur de nostalgie et de solitude.
- Son poème « L’Isolement » est caractéristique de la sensibilité romantique.
- L’amante du poète, Julie Charles, meurt de la tuberculose en 1817. Dans ce poème, Lamartine se laisse aller à sa douleur et à son chagrin liés à la disparition de l’être aimée mais témoigne aussi du mal de vivre caractéristique de cette époque.
- Il y écrit un vers désormais très célèbre à savoir « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé » qui marque le point d’orgue de la souffrance du sujet.
Goethe et l’amour : l’effet Werther
Goethe et l’amour : l’effet Werther
- Le livre de Goethe, Les Souffrances du jeune Werther, a pu provoquer un mimétisme chez certains lecteurs en Europe, qui ont reproduit la conduite de son héros. Dès sa publication, on a constaté deux phénomènes de masse :
- la « fièvre Werther », en Allemagne et en Europe, des jeunes filles et des jeunes hommes s’habillaient comme Werther et Charlotte, les deux protagonistes du roman. Goethe eu une influence sur la mode vestimentaire de l’époque ;
- « l’effet Werther » est un phénomène de « suicide mimétique » étudié dans les années 80 par le sociologue David Philipps. La vague de suicides par arme à feu – selon le même mode opératoire que celui du jeune héros – est telle qu’elle entraîne une censure politique et religieuse du livre dans certains pays d’Europe.
- Qu’est-ce qui pousse des êtres humains à partager la sensibilité d’un personnage pourtant fictif ?
- Umberto Eco explique que la subjectivité ne peut jamais entraîner une représentation objective du monde, elle est toujours au contraire une interprétation produisant une fiction de la réalité et proposant une vision du monde.
- Pour Werther, Charlotte représente l’espoir d’échapper au monde réel. Mais, puisque tout se réduit à la jeune fille et que cette dernière ne l’aime pas, tout doit alors disparaître, y compris lui-même : le monde n’existe plus et la mort semble être le seul moyen d’oublier l’échec.
Byron et la liberté du sujet
Byron et la liberté du sujet
- Le romantisme est également l’expression du désir d’émancipation et de liberté. Pour lord Byron, c’est par le rejet des conventions que le sujet peut s’émanciper.
- La liberté romantique prônée par Byron recommande de vivre selon les sentiments plutôt que la raison et de ne pas être défini par un « moi » fixe.
- Pourquoi être toujours le même ? Être identique à soi-même, ne jamais changer, n’est-ce pas une exigence de la seule raison ?
- Le propre des sentiments n’est-il pas d’avoir l’esprit et l’humeur changeants ? « Je pense donc je suis », écrivait Descartes ; un romantique penserait plutôt : « je change donc je vis ».
- Lord Byron dit de lui-même : « Plaisanterie mise à part, ce que je crois c’est que je suis trop changeant, étant tour à tour tout et son contraire et jamais pendant longtemps. »
- Byron fait l’aveu d’une ambivalence radicale du « moi » dans ces écrits où la diversité des caractères et des états du sujet se traduit en contradiction.
- Le « moi » s’adapte à sa propre mosaïque et aucune synthèse ne semble envisageable, ce d’autant que le sujet est ancré dans son ambiguïté.
- Le « moi » romantique et irréductible affirme, autant qu’il l’assume et la revendique, la double nature du sujet.